Entrevue

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Un vampire, je n'arrivais toujours pas à me faire à l'idée. C'est étrange, j'avais toujours rêvé de développer un don surnaturel, encore plus après que ma sœur l'avait fait, mais à présent que c'était le cas, je n'en avais plus envi.

Heureusement que mon père m'avait fait rester à la maison, de toute façon je n'avais pas envie de retourner en cours, ma peau avait continué de peler toute la journée et mes yeux à pleurer. Et mes dents me faisaient atrocement mal, si bien que j'avais du mal à manger. D'après mon père, mes canines étaient en train de pousser... Le plus dégueu dans tout ça c'est que mes anciennes canines allaient tomber et que j'allais me retrouver momentanément avec quatre trous dans la bouche... Et là mon père n'avait aucune solution à me proposer.

Comme il me l'avait dit, le lendemain il m'accompagna au lycée afin de voir mon professeur d'histoire. C'était aussi celui de ma sœur. Mais ce n'était pas l'unique raison de sa visite. Il m'avait brièvement expliqué que pratiquement chaque lycée de France avait un professeur, infirmier ou n'importe quel adulte occupant une fonction dans l'établissement, référent. C'est vers lui que les élèves surnaturels ou leur famille se tournent en cas de problèmes relatifs à leur nature.

Mon père toqua à la porte de la salle T203. Dans son costume d'homme d'affaires il semblait sur le point de négocier. La porte s'ouvrit sur M. Corman.

-M. Thevenau, dit-il.

Mon père avait du mal avec les accents, un comble quand on sait qu'il est amené à faire affaires partout dans le monde, mais c'était un fait: il détestait les accents. Ce qui allait sans nul doute desservir mon professeur d'histoire vu sa prononciation. Curieusement, il n'écorcha que légèrement mon nom de famille. Un bon début.

-M. Corman, répondit mon père d'un ton froid en serrant la main qu'il lui proposait.

L'atmosphère était plus que tendue. Le professeur nous fit signe de nous assoir. Devant son bureau, deux chaises avaient été installées.

-J'ai appris pour votre fille, vous m'en voyez désoler. J'avais signalé ses absences mais j'étais loin de me douter qu'elle avait disparu.

Il avait l'air réellement sincère, mais aussi anxieux.

-Que nous conseillez-vous de faire? démarra mon père sans plus de cérémonie.

Mon professeur inclina le buste sur son bureau, se rapprochant de nous et joint ses mains.

-Premièrement, vous devez signaler sa disparition à la gendarmerie.

-C'est fait. Ils la retrouveront?

-Si sa disparition est d'ordre surnaturelle, j'en doute fortement mais au moins vous serez à l'abri des soupçons au moins pour un temps. On ne pourra vous reprochez de l'avoir fait. Ensuite alertez les services de recherche surnaturelle de la BSIS.

Mon père acquiesça de la tête à chaque phrase, indolent de l'air de celui qui attend simplement que son interlocuteur ait fini sa tirade pour en placer une.

-Bien, mais je veux plus, je veux que vous vous mettiez personnellement à sa recherche.

M. Corman marqua un temps d'arrêt et regarda mon père avec stupéfaction. Il ne semblait pas croire à sa demande. Prudemment, il balbutia:

-Ce que vous me demandez dépasse de loin mes fonctions. Je ne peux accepter.

Mon père garda un visage impassible ce qui était à vrais dire terrifiant. Son regard balaya le bureau et s'arrêta sur le cadre photo que M. Corman installait à chaque début de ses cours. Une habitude qui avait été loin de rester inaperçu à ma vue. Une femme y était représentée, souriante, ses longs cheveux châtains au vent. M. Corman cessa de respirer.

Vin de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant