la cave

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Deux hommes se trouvaient en contrebas. Malgré le peu de lumière apporté par l'unique ampoule accroché au plafond qui ne suffisait à éclairer que sur un peu moins de deux mètres, je reconnu les Rougeard père et fils. La différence entre eux deux était frappante. Je ne nie pas qu'à la lumière du jour on ne reconnaisse pas quelques traits communs, mais leurs silhouettes étaient radicalement différentes. Le père, le barman et patron de l'entreprise était gros alors que son fils avait d'avantage l'apparence d'un fil de fer tout en hauteur avec un T-shirt ne laissant transparaitre aucune boule aux niveaux de l'estomac. Ils discutaient devant une cage aussi haute que large, à peine de quoi se tenir accroupis, et suffisamment longue pour qu'un homme puisse s'y allonger légèrement recroquevillé.

-Si! continua le barman. Les affaires reprennent! Ces commandes ne pouvaient pas mieux tomber. Je vais enfin pouvoir prendre ma retraite!

-Ne dis pas ça papa! répondit son fils. Ce bar aura toujours besoin de toi!

Le père rit et s'écarta de son comparse pour s'approcher d'une table à roulette blanches et prendre une seringue en plastique. Le trou laissé par son absence rendait désormais le contenu de la cage visible depuis mon poste d'observation.

A l'intérieur se trouvait une bête, le pelage noir, plus grande qu'un chien mais moins grosse qu'un ours. Et bien que je ne puisse distinguer au vue du peu de visibilité dont je disposais qu'une masse sombre et longue couverte de poil, sa silhouette ressemblait de loin à un homme allongé. Le barman prit le bras de la créature, poilu terminée par une main griffue. D'un œil expert, le barman farfouilla des doigts la peau jusqu'à mettre en évidence les veines du poignet. Content de lui, il y enfonça adroitement la seringue et tira le piston. Le sang monta le long des traits de mesure jusqu'à remplir l'intégralité de l'ustensile ne laissant qu'une mince poche d'air.

Il se redressa non sans quelques difficultés vu son poids. Sa panse s'agitant librement hors de son haut. Son regard se riva sur l'ustensile gorgé de sang.

-J'ai envie de boire à la seringue tient!

Disant ça, il approche la seringue de son visage et renifle avec avidité une goutte de sang perlant à l'extrémité de la pointe. Sa langue parcourut ses lèvres tremblotantes laissant un filet de bave humide.

-Si tu fais ça, ne compte pas sur moi pour te sauver, répondit son comparse, goguenard.

Le barman rit et se déplaça de sa démarche lourde et gauche vers la machine.

Vous avez sans doute déjà vu un de ces vieux films de savant fou ou un laboratoire de chimie dans une sitcom américaine. Ce sont précisément ces images que j'eus en tête en découvrant l'atelier. A à peine deux mètres de la cage, se trouvait un curieux assemblage de fioles et de récipients en verre. Le sang fraichement récolté était poussé dans un tuyau de verre transparent, puis passait dans une bouilloire haute de cinquante centimètres, placé sur des plaques chauffantes. A l'autre extrémité de l'ustensile partaient deux tuyaux, l'un où circulait la toxine contenu dans le sang, un épais bouillon noir qui finissait dans un seau, et de l'autre un liquide rouge vif qui poursuivait son chemin dans l'engin. Car le traitement n'était pas fini, loin de là. Une fois débarrassé de l'essentielle des toxines, le sang était mixé dans une centrifugeuse. Les globules blancs, qui engraissaient le sang et le rendaient indigeste en raison de leur coriacité, et rouges se séparaient à cette étapes. Les uns finissaient dans une fiole en une fine mousse translucide, les autres étaient une nouvelle fois bouillis et enfin égouttés pour débarrasser le fluide des dernières impuretés susceptibles de nuire à ses qualités gustatives.

A la sortit de l'engin, le vin de lune tombait goute à goute dans un récipient de verre où un robinet placé sur le côté permettait de remplir une bouteille de ce précieux liquide. Ma soif se réveilla à sa vue. Le souvenir du vin bu à l'anniversaire de mon père réchauffa mon cœur. Je pouvais le sentir couler au fond de ma gorge. Cet arome fruité aux mille parfums. Pourquoi diable n'avais-je pas emporté avec moi ma gourde de sang au lieu de bêtement la laisser au fond de mon sac de cours? Même si elle ne contenait pas de ce vin, elle aurait eu le mérite d'étancher ma soif.

Pris dans ma réflexion sur le gout du vin de lune, je vis trop tard le fils Rougeard se diriger vers l'escalier. Ce fut son pas sur les marches grinçantes qui me fit sortir de ma rêverie. Je n'avais pour tout choix que de fuir désormais.

Prix de panique, je me levai trop rapidement, oubliant toute prudence, ce qui attira inévitablement l'attention de l'homme.

-Il y a quelqu'un! alerta-t-il.

Je montais les marches et poussai la trappe... qui ne se souleva pas.

Le grincement des marches derrière moi m'avertit que mon ennemie n'était plus qu'à quelques mètres de moi. Je comprenais désormais pourquoi elle avait été maintenue légèrement relevée. En l'abaissant jusque dans la miche je l'avais bloquée.

Désespéré, j'enfonçai le bois avec mon épaule droit, ce qui eut pour tout résultat de m'meurtrir la clavicule. La douleur était mordante mais je n'eus pas le temps de retenter autre chose.

Deux mains s'abattirent sur mes épaules. Je donnai des coups de dos pour le faire tomber en arrière mais il teint bon et mon torse se retrouva ceinturer par mon adversaire. Il était fort et solide, la différence de taille entre lui et moi se faisait cruellement ressentir, ma tête rencontrait le haut de son tors, impossible de le faire basculer même en mettant tout mon poids en arrière.

Il me fit descendre les escaliers en quatrième vitesse, mes mains tentaient de se raccrocher à la rambarde de bois en vain et mes pieds ne touchaient pas terre.

Une fois les escaliers descendus, le grand homme se courba, m'entrainant au sol à la façon d'un combat de catche. Ma tête heurta le sol d'un coup sec, ce qui eut pour effet de me sonner légèrement. Sur le dos, seul dans une cave face à ces deux hommes je ne donnais pas chère de ma peau.

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Et encore un chapitre. Pour la petite anecdote c'est le premier que j'avais écris (même s'il a dû être modifié). N'hésitez pas à me donner votre avis afin que je m'améliore, autant sur le contenu que sur la forme. Remerciement particulier à Fanta0612 pour m'avoir suivi depuis le début :D.

Vin de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant