Sorcellerie

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C'était la deuxième fois que je me rendais chez les Corman. L'atmosphère était, comme on pouvait s'y attendre, froide. Je regrettais ma première venue, là où j'avais été accueilli à bras ouvert. En fait Mme Corman n'avait pas beaucoup changé d'attitude à mon égard, le problème était M. Corman. Il m'en voulait, je le voyais à la froideur dont il faisait preuve à mon égard à ce regard qui trahissait les tumultes et les ressentiments de son âme à mon égard. Mais sous cette façade une émotion transparaissait nettement, un coup d'œil me suffit pour la reconnaître: l'angoisse. Tout s'éclairait, sa femme ne savait rien, il ne lui avait rien dit. Qui était le lâche dans cette histoire? Moi qui n'avais pas hésité à forcer un peu les choses en lui rappelant ce qu'il me devait ou lui qui mentait à sa femme par omission?

-Angus m'a raconté pour ta sœur. C'est très honorable de vouloir la retrouver tu sais.

Elle parlait avec cette voix mielleuse que l'on utilise pour parler à un enfant, sans doute l'une des seuls choses que je détestais chez elle. Je n'étais plus un enfant, j'étais capable de choses adultes, de décisions radicales pouvant avoir des conséquences lourdes. Elle n'allait pas tarder à s'en apercevoir.

-Viens, me dit-elle en me faisant signe d'approcher.

Au centre du salon, le canapé avait été poussé, la table aussi, ne restait au centre qu'un tapis couleur crème en spiral.

Elle s'assit en tailleur, ses cheveux châtains légèrement bouclés retombaient sur ses épaules.

-Tu as des objets lui ayant appartenu?

Je sortis la lettre, une photo d'elle datant de cet été, la plus récente que j'avais pu trouver et une mèche de cheveux prise sur son peigne.

-J'ai aussi un enregistrement, vous devez l'écouter ou alors...

- Pose-le sur la serviette, c'est suffisant.

M. Corman et moi-même nous postâmes sur les côtés, sans gêner la source de lumière provenant de la fenêtre.

La femme leva les mains, paumes orientées vers les objets. Au début, il ne se passa rien et cet état dura plusieurs minutes. Je me mis à croire qu'il y avait eu un problème même si elle ne nous en informait pas. Puis soudain, une sorte de filament bleue apparu. Je ne sais trop comment le décrire. Etait-ce un mélange de ce que percevait l'ensemble de nos sens ou un phénomène visuel, impossible de le dire. Mais plus que de le voir, je le ressentais, une sensation étrange, comme un courant électrique qui vous parcours, sauf que ce courant se trouvait à plusieurs centimètres de moi.

Il apparut aux abords de la photo, ou plutôt, je ne m'aperçus de sa présence qu'à ce moment-là. Etait-il présent depuis le début de l'opération mais invisible à nos sens ou venait-il juste d'être crée?

Ce ruban fin traversait la photo, serpentant entre les pieds de la table, s'enroulant autours de mon téléphone puis frôlant la lettre comme pour y lire chaque caractère. Petit à petit celui-ci se dévoilait révélant qu'il partait, ou arrivait, des mains de la sorcière.

Celle-ci semblait en transe. Après quelques minutes à garder cette position, ces lèvres remuèrent.

-Je la sens, que peux-tu savoir?

-Ou est-elle?

-En Sologne.

Son front se plissa et peu de temps après son corps fut secouer d'un léger spasme.

-Arrête, intervint mon professeur.

Elle tourna les yeux vers lui, pas de beaucoup mais la magie commençait à s'estomper.

Vin de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant