La bonne direction

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Le bruit de l'eau s'écoulant du robinet avait quelque chose d'apaisant. Ouvert à l'origine pour prendre un verre d'eau, je me rendis compte que ce ne serait pas suffisant pour apaiser mes palpitations, je fis une coupe avec mes mains et m'aspergeai le visage. Ce à quoi j'avais assisté me troublait plus que prévu, j'étais en sudation pourtant la cuisine des Corman était plutôt fraîche.

J'agrippai le bord du lavabo. La culpabilité me submergeait et j'avais du mal à tenir bon.

Pourquoi faisais-je tout ça? Je ne parvenais pas à oublier la colère que j'avais ressentie quand mon professeur avait voulu tout arrêter, la sécheresse avec laquelle j'avais ordonnée de continuer et cette indifférence quant au supplice de sa femme.

Non, je n'avais pas à m'en vouloir, je le faisais pour ma sœur. Elle qui était sans doute au bord du gouffre, en mauvaise position... j'avais besoin de savoir où elle était et pourquoi.

Une voix tremblante émergea du salon, m'arrachant à mes pensées, atone, celle de Mme Corman. Sans un bruit, je me rapprochai de la porte menant à la pièce pour me permettre d'écouter sans être vue.

-Je savais que quelqu'un te faisait chanter, mais jamais je n'aurais imaginez que ce puisse être lui.

La jeune femme se remettait de sa performance, certes spectaculaire mais sans dommages physiques durables. Son mari arpentait le salon en jetant du sel sur son passage afin de camoufler les traces de magie. En effet cette substance a pour propriété d'absorbé la magie et de s'en gorgé. Un peu comme le sopalin avec de l'eau. D'où l'idée qu'elle est toxique pour les sorciers, en réalité ceux-ci la craignent car elle leur soutire leurs pouvoirs pour un temps mais elle ne leur est pas létale.

L'homme, visiblement très attristé, s'approcha de sa femme pour l'enlacer. Celle-ci conserva la même position: sur leur canapé, légèrement courbée.

- Comment peux-tu lui obéir? demanda-t-elle, d'un ton de voix oscillant entre les pleurs et la colère.

M. Corman baissa la tête, honteux.

-Parce que... Sinon ils... il va...

Les mots refusaient de sortir. Il jetait des coups d'œil à sa femme, redoutant sans doute sa réaction. Incapable de terminer sa phrase, il enfouit sa tête dans ses mains.

-Ce n'est qu'un enfant Angus! répondit sa femme en haussant le ton.

Elle se leva, se soustrayant aux bras de son mari qui essaya de la retenir... en vain.

-Il a 18 ans, on ne peut plus parler d'un enfant, contra mon professeur.

-Ne joue pas sur les mots Angus! C'est un enfant, un enfant! Quel âge as-tu? 30 ans, exactement! Ce gosse ne peut rien contre toi. Alors pourquoi faits-tu ce qu'il te dit! Pourquoi as-tu si peur!

-Parce que sa mère est membre de la BSIS! hurla-t-il en se levant violement.

Le canapé où il se trouvait fut projeté violemment en arrière. Mme Corman porta sa main gauche à sa bouche.

Le loup-garou la regarda, d'où j'étais, je voyais avec une grande netteté son embarras. Les mots contenus depuis longtemps étaient sortis. Sans doute pas la manière dont il l'avait voulu mais à présent, il était trop tard pour refuser d'en dire plus, surtout que l'idée avait fait son chemin dans l'esprit de la femme.

Il essaya de lui parler, de la rassurer. Mais il ne savait pas comment si prendre. Il finit par s'assoir sur le canapé. Ce fut une voix étonnamment calme et maitrisée qui sortit de la bouche de mon professeur.

-Il sait pour nous. Il pourrait nous dénoncer à sa mère et alors... Tout est ma faute. Je t'ai déjà dit que c'est sa sœur qui a disparu? Eh bien, leur père s'est montré très menaçant. S'il fait des recherches plus poussées sur moi il pourrait découvrir que tu es une hybride.

Vin de luneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant