Un nouveau rythme

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Il n'y a sûrement que Charles pour être réveillé à cinq heures dix du matin, alors que même les étourneaux dorment encore. Et en plus d'être un lève tôt, le jeune homme se trouve être incapable de sortir de son lit sans le faire grincer à la manière d'une craie sur un tableau noir. C'est donc sans réelle surprise qu'Éric émet un grognement de fatigue lorsque le brun le réveille subitement.

Ouvrant les yeux un minimum, le barman rigole incontrôlablement, faisant sursauter son amant, dont les oreilles auraient souhaitées entendre un premier son plus agréable.

" Tu sais à quoi tu me fais penser Charles? chuchote le blondinet toujours en riant.

- Non, mais je sens que ça va être très élevé niveau intellectuel... maugère le jeune homme.

- À mon professeur de math' en quatrième!

- Qu'est ce que je disais, soupire le brun en secouant la tête l'air résigné, on ne peut plus rien tirer de toi..."

Charles se lève et se dirige rapidement vers la salle de bain sous le regard amusé de son ami.

La vibration d'une brosse à dent électrique envahie l'appartement. Lorsqu'elle cesse quelques instants plus tard, une voix parvient aux oreilles du blond avachi sur le canapé.

" Éric? interpelle Charles depuis la salle de bain.

- Oui?

- Tu fantasmais sur ton prof' de mathématiques?

- Faut croire..."

Un large sourire amusé étire les lèvres du jeune homme devant son lavabo. La présence d'Éric lui paraît logique, comme si elle allait de soi, il n'est en rien gêné et en plus il n'a pas mit de dentifrice sur son tee-shirt en se lavant les dents! Que demander de plus?

De son côté Éric, frileux, a emprunté trois plaids à son hôte et s'est calé dans un coin du meuble douillet. Tirant sur son bras pour attraper la télécommande, le blond tente de rester aussi bien installé tout en allumant la télévision. Mauvaise surprise, celle-ci ne semble pas décidée à s'allumer.

"Mec, ta télé' est bonne pour la poubelle! s'indigne le fainéant toujours affalé.

- Je sais... rétorque le brun."

L'eau coule du robinet pendant quelques longues secondes. Lorsque le silence revient, Charles le brise d'une exclamation soudaine:

" Tu sais que t'as fais une grosse connerie hier soir!

- Laquelle? répond le barman.

- T'as laissé le bar à Laure..."

Éric réfléchi un instant avant de se rendre compte de sa stupidité. Il n'avait plus qu'à accourir là-bas en espérant que tout aille bien...

En revenant de la pièce d'eau, le brun dérape sur pantalon au sol avant de miraculeusement se rattraper sur le bord de son bureau.

Le pantalon en question appartient au serveur qui se rue dessus. Charles se détourne incontrôlablement.

" T'as pas froid? raille-t-il.

- Pourquoi? répond Éric en rapatriant ses affaires.

- T'es a poil mec."

Un rapide coup d'oeil vers son intimité et le blond enfile son pantalon en vitesse.

"Tu veux un caleçon? propose Charles toujours retourné.

- Ça ira! Vite habille toi!

- Moi au moins j'ai un t-shirt et un caleçon... marmonne le chômeur.

-Bouge! s'affole son amant."

Avec une lenteur provocatrice, Charles attrape son jean et une paire de chaussettes.

Une dizaine de minutes suffit aux jeunes hommes pour être fin prêts à partir, son sac à dos distraitement posé sur son épaule, Éric attend le brun qui ferme sa porte.

La journée est douce, finalement. La météo a raconté les mêmes inepties que d'habitude. Côtes à côtes les amants fixent un point dans le vide.

Le silence est plutôt pesant bien qu'aucune tension ne règne entre eux deux.

" Dit... Tu l'as su quand que t'étais gay? demande Charles en regardant le sol.

- Je dirais, vers mon entrée au lycée, se souvient le blond.

- Oh.

- Tu vois, quand on est ado' on fait les grands, mais on n'y connais rien. On suis le mouvement. Je suis sortit avec plein de nanas sans rien ressentir, et ça parrait logique, à cet âge c'est juste une mode. Au lycée, j'ai commencé à me libérer du regard des autres, et petit à petit j'ai découvert différentes manières d'aimer... enchaîne Éric.

- Tu as fais ta première fois avec un bro'? suppose Charles, intrigué.

- Non. Elle s'appelait Noémie Labarthe, elle avait les mêmes horaires de dessin que moi. J'avais 16 ans à l'époque, raconte le barman avec effusion.

- Et... C'était comment? Je veux dire... Avec une fille?"

Le conteur se stoppe pour réfléchir un moment, puis relève la tête. Il fixe le jeune homme au yeux hypnotisants planté devant lui puis déclare avec une certaine gêne.

" Personnellement j'ai vécu mieux... Mais le contact de sa peau était très doux. En fait, c'est différent...

- Je vois, répond Charles."

Ils reprennent leur marche alors que le bar est déjà en vue. Éric accélère sa course et entre en trombe dans le lieu de beuverie, toujours ouvert bien qu'il fasse très sombre.

Le brun plisse les yeux et cherche n'importe quoi d'étrange ou d'incongru. Une ombre étalée sur le coin resto' retient son attention.

"Oh mon...s'exclame Charles effrayé"

Il se jette sur le corps inerte de la jeune femme attablée. La tête posée sur son sac à main et les mains en oreillers, elle ne semble pas spécialement mal en point. Charles s'esclaffe:

"J'ai trouvé Laure! Elle dort! Et profondément!

- Tu sais que je me retiens de faire un blague là? rigole Éric depuis l'autre bout de la salle."

Réveillée par le bruit émis par les deux hommes, la rouquine tente de se redresser dans un gémissement de lassitude. Ce n'est effectivement pas l'endroit le plus agréable où dormir...

Foule SentimentaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant