Mauvaise nouvelle

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Des pleurs raisonnent dans le téléphone du brun affolé. Une voix chevrotante tente d'affiler deux mots, sans y parvenir. Des sons de froissement de papier crépitent dans l'appareil hurlant au oreilles de Charles, plus que désagréablement.

" Maman? Il y a un problème? Tu vas bien?!"

Les sanglots redoublent à l'autre bout du fil et le jeune homme ne sais plus ou se mettre. Son coeur se brise et il ne sais pas comment réagir. Il est quasiment sûr qu'en environ vingt-deux ans de vie commune il n'a jamais vu une seule larme perler dans les yeux de sa mère, et une infantilité naïve le pousse à croire que sa mère n'a jamais eu de peine.

" Maman, calme toi s'il te plait... Explique moi!"

La jeune femme renifle une bonne dizaine de fois avant de se calmer completement.

" Charles je... Je... Chéri... Charles... Charles... Charles je t'aime mon coeur. S'il... S'il... S'il te plait... Vient à la clinique du Dr Mureuil. C'est urgent... Je t'aime tellement!"

Les paroles redeviennent un brouhaha incompréhesible tandis qu'une grosse boule de nerfs se forme dans le ventre du jeune homme.

" Maman... Y'a un problème? souffle le brun, impatient, presque tremblant.

- Oui."

Une autre voix se fait entendre dans l'appareil tactile. Posée et douce, elle semble être celle d'un homme un petit peu plus vieux que sa mère. Celui-ci, nullement attristé par les sanglots de la femme à ses côtés, parle à Charles comme à un enfant.

" Vous voyez. J'aimerais que vous vous dépêchiez s'il vous plaît. Que vous preniez un moyen de transport, comme un bus, ou une voiture et que vous veniez, dans ce moyen de transport, jusqu'à la clinique. Vous comprenez? "

Bien sûr qu'il comprend! Qu'est ce que les gens peuvent être bête quelques fois.

"Pourquoi? Il se passe quoi? C'est une blague? Je vous préviens si c'est une blague elle est pas marrante."

Le jeune homme se sent pris d'une suée monumentale.

"Ce n'est pas une blague, tentez de venir ici au plus vite. Merci."

Le téléphone se coupe.

Il est paniqué. Les pleurs de sa mère ont suffit à le rendre totalement dingue, à lui donner cette sensation de peur intense qui le rend si fragile.

Alors qu'il martelle sa mère de messages affolés, il sent un sentiment de colère enfler dans sa tête. Pourquoi ne répond-elle pas? Après lui avoir fait une telle frayeur elle lui doit bien ça!

Juste au moment où il parvient à se convaincre que c'était une simple blague de mauvais goût, une réponse lui parvient. Apercevant l'envoyeur, le jeune homme s'empresse de cliquer dessus. Il l'ouvre rapidement, et en lisant la ligne unique composée de quelques pauvres mots, il pâlit. Son souffle se coupe pour revenir irrégulièrement.

Le voyant blanchir dangereusement, Éric se jette sur lui pour l'installer sur une banquette sous les quelques yeux étonnés mais peu intéressés des autres clients du bar. Charles, toujours en état de choc, fixe son téléphone ébahi.

Comme sortant d'un long cauchemar, le jeune homme reprend rapidement ses esprits avant de donner un violent coup de poing dans la table frémissante.

"Putain de putain de bordel de merde! J'suis qu'un con! Putain!"

Tout le monde sursaute, le silence s'installe. Il a mal, plus mal qu'il n'a jamais eu. Même si aucune larme ne semble glisser de ses yeux, son âme est innondée, imprégné de cette douleur sourde plus forte que n'importe quelle douleur physique.

Il ne veut rien montrer. Pas en public.

Éric passe délicatement sa main dans le dos de son client, espérant le réconforter. Avec un regard qu'il veut doux et rassurant comme allié, le blond s'accroupit en face du jeune homme et plonge ses yeux dans les siens.

Ils sont magnifiques d'ailleurs, ses yeux. Vert anis, un vieux vert comme les couleurs des bâtiments d'école ou d'hôpital. Une couleur qui n'a rien de naturelle. Une couleur qui au yeux du barman, rend l'homme tremblant en face de lui encore plus magnifique. Une couleur qui le pousse, Dieu sait comment, à aimer encore plus ce garçon.

Éric prend doucement le téléphone portable des mains de Charles qui le surveille du coin de l'oeil et regarde le message, choqué à son tour.

" Elle plaisante? soupire le blond ébahi.

- Elle a l'air de plaisanter?! Elle a putain de l'air de plaisanter?! s'énerve Charles.

- Calme toi!"

Le jeune homme brun serre ses paumes entre ses doigts et se raidit soudainement en baissant la tête.

"On y va. Tout de suite."

Éric acquiesce alors que Laure tente soudainement de comprendre ce qui arrive. Avant qu'elle n'est pu esquisser un geste pour rentrer dans la conversation, les deux garçons se sont esquivés dehors avec un vague " Prend soin du bar!" à l'intention de la jeune femme.

À l'extérieur, une seule idée encombre la tête de Charles.

Et merde... Il pleut encore!

Foule SentimentaleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant