La terrasse du café était étonnement vide pour un mois d'août mais Marie ne s'en plaignait pas. Elle ne savait pas à quoi s'attendre de cet entretien et redoutait un esclandre. Enfin, elle vit une silhouette familière s'avancer à pas décidés vers elle :
- Bonjour Marie, lança madame Hartmann d'une voix dure.
- Valérie, répondit madame Moreau d'une voix sèche. Assieds-toi, je t'en prie.
Les deux mères de famille se fixèrent quelques instants sans parler, semblant jauger l'ennemi et refusant de capituler. Ce fut finalement Valérie qui brisa le silence.
- As-tu eu des nouvelles ?
- Je sais seulement qu'ils vont bien...
- C'est déjà ça, s'adoucit subitement Valérie, visiblement soulagée.
- Bon je ne vais pas y aller par quatre chemin. Ce n'est pas l'amour fou entre nos deux familles mais je pense que nous sommes à même de faire face. Nos maris mettront peut-être plus de temps, fidèles à cette haine traditionnelle mais je préfère tolérer les Hartmann que perdre ma fille.
Valérie regardait Marie comme si elle la voyait pour la première fois, sans la moindre émotion sur le visage. Quant à celle qui venait de se dévoiler plus que jamais, elle attendait, fébrile, de savoir si elle se battrait seule ou non.
- Les Hartmann et les Moreau ne sont pas fait pour s'entendre, finit par réciter Valérie.
- De toute évidence, cette règle n'est plus d'actualité. Es-tu prêtes à sacrifier ton fils pour satisfaire ... quoi ? Notre fierté ? Nous ne sommes liées à cette histoire que par nos mariages respectifs.
- Par nos mariages respectifs ? Que fais-tu du patrimoine de notre famille ? De l'héritage que nous apportons à nos enfants ? N'as-tu aucun respect du passé ??
- Quel héritage ??? Celui de haïr une famille par principe ? Si tout le monde faisait comme nous, le monde entier se haïrait ! Il serait temps de passer à autre chose. Non pas oublier le passé mais l'accepter, pour nous tourner vers l'avenir.
Valérie se leva brusquement et tourna les talons, quittant la terrasse sans même un regard en arrière. Marie la regarda s'éloigner, déçue de voir qu'elle seule était prête à avancer pour le bonheur de son enfant. Mais y parviendrait-elle seule ?
- Que proposes-tu ?
Toute à ses pensées, elle n'avait pas vu son interlocutrice revenir et se planter face à elle.
- Ecoute... Je resterais toujours fidèle à l'héritage que j'ai accepté en entrant dans cette famille. Mais une question m'a toujours hantée : qui a tué qui ? Nous n'avons jamais réellement su. C'est cet infime doute qui fait que je me tiens devant toi aujourd'hui. Sinon, mon fils serait enfermé à double tour dans une chambre jusqu'à la fin de ses jours s'il le fallait.
- Ton fils est parti, tout comme ma fille. Les chambres, les punitions, les menaces, rien de tout cela ne marchera, ils se retrouveront toujours et nous l'ont prouvé. Maintenant la seule question à avoir est : vivront-ils ensemble avec ou sans nous ? Ce n'est pas à eux de se faire pardonner de quoi que ce soit, mais à nous d'accepter leur choix.
- Quel revirement...
- Nicolas ne te manque-t-il pas ?
- Bien plus que cela...
- Alors tu comprends ce que je ressens. Et mon revirement n'est que l'expression de ce sentiment.
Valérie ne répondit pas mais Marie crut discerner un sourire sur ses lèvres fines. Pour autant, elle savait que tout n'était pas gagné.
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Une histoire de mémoire
RomanceMoreau / Hartmaan ... deux noms, deux familles à la mémoire commune qui se détestent. Pourtant, la plus inattendue des histoires d'amour va les confronter à leur passé si précieux à leurs yeux. "J'ai espéré que tu sois moche, bête et méchante, ne v...