Prologue

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L'homme baissa la main et la magie noire se dissipa. Lug tomba à terre, les yeux grands ouverts, une ligne de sang s'échappant de ses lèvres.

Enfin ! Il avait enfin réussi ! Le Dieu suprême avait fini par tomber. Il ne put réprimer un rire diabolique, qui se déploya dans le ciel, tel un voile glacé recouvrant tous les autres sons de la forêt.

– Nous ne devrions pas rester là, Merlin. Les autres vont arriver, et nous ne sommes pas assez puissants pour tous les vaincre.

L'homme se retourna et dévisagea le dieu magicien. Ils semblaient aussi exténués l'un que l'autre, mais le dieu avait quelque chose d'autre dans le regard. Un semblant de tristesse, une extrême lassitude.

– Laisse-moi, Gwydion. Laisse-moi profiter de ma victoire. De toute façon, Cernunnos et la Garde n'oseront pas venir jusqu'ici. Ils ont trop peur de nous. De moi.

Le dieu mage toisa le druide, lèvres plissées, mais ne répondit pas. L'orgueil de Merlin était bien trop fort. Il avança vers le corps de Lug et s'agenouilla devant son ancien roi. Délicatement, il baissa ses paupières. Même dans la mort, Lug était toujours aussi beau, aussi rayonnant. Il se releva et affronta le regard dédaigneux de Merlin. Le magicien ne dit rien, mais Gwydion pouvait lire dans son regard tout le dégout qu'il ressentait. Il secoua la tête et s'éloigna à pas lourds. Il n'y avait plus rien à faire ici.

Lug était mort.

Il n'arrivait pas à se faire à l'idée.

– Où vas-tu ? grinça Merlin.

Le comportement du dieu l'agaçait profondément. Ne voyait-il pas qu'ils avaient gagné ? Lug était mort, bon sang, cela ne comptait-il pas ? Gwydion s'arrêta sans pour autant daigner se retourner.

– Je m'en vais, Merlin. Tu devrais en faire autant. Tu as gagné une bataille mais pas la guerre. Quoi que tu en dises, les autres viendront. Et ce, plus tôt que tu ne le penses.

La fureur s'empara du druide noir, et il cracha sa haine au visage de son acolyte.

– Tu as peur, Gwydion ! accusa le magicien, le doigt tendu vers le torse du dieu. Tu trembles à l'idée qu'ils puissent nous battre, mais c'est impossible ! Nous sommes plus forts qu'eux, nous sommes plus forts que tout !

Cette fois, Gwydion pivota sur les talons pour plonger son regard rouge dans les yeux si clairs de Merlin.

– Ne crois pas cela. Tu es jeune, tu es fougueux et tu penses être le roi du monde, mais ce n'est pas mon cas. Tu n'as vécu qu'une vie alors que cela fait mille ans que je suis sur cette terre. Il y a toujours quelqu'un de plus fort Merlin. Toujours.

Le magicien lui lança un regard noir, lourd de reproches non dissimulés.

– Tu ferais mieux d'écouter le traître, mage sombre, gronda une voix dans leur dos.

Merlin et Gwydion se retournèrent d'un même mouvement. Cernunnos était apparu, accompagné de trois autres dieux. Merlin les considéra un long moment, les dévisageant chacun leur tour, et éclata d'un rire rauque.

– Vous voilà ! La Garde rapprochée de Lug. Vous venez de faillir à votre devoir, sombres crétins. Votre roi est mort. Regardez-le ! C'est ce qui vous attend.

Les yeux émeraude du dieu cerf ne se détournèrent pas de la face haineuse de son ennemi. A côté de lui, la belle déesse aux cheveux noirs comme la nuit s'avança, furieuse. Ses deux lames sombres étaient dégainées et la puissance de sa magie s'échappait par vagues violentes de son corps sans qu'elle puisse l'arrêter. Elle était sur le point de fondre sur le druide noir quand Cernunnos étendit le bras, lui barrant le passage.

– Attends, Andraste.

Elle lui lança un regard furibond mais le regard vert était sans appel. Elle inspira à fond avant de reculer d'un pas, se replaçant docilement derrière le dieu cerf. Elle le savait, ils n'avaient pas le droit à l'erreur devant un ennemi aussi puissant que Merlin.

– Il est vrai que nous ne pouvons pas te tuer, avoua Cernunnos. Pas encore. Mais toi non plus. Ton combat contre Lug t'a affaibli, Merlin. Regarde-toi, tu tiens à peine debout. C'est fini.

Le visage du mage se crispa et sa bouche se tordit en un rictus mauvais. Il serra les dents et la magie noire enflamma ses poings.

– Tu me prends pour un faible, Cernunnos ? tonna-t-il, furieux.

Le dieu sourit. C'était un sourire d'une tristesse infinie, profondément las, mais Merlin ne put que se sentir ulcéré devant cette attitude. Même blessé au plus profond de son âme, le dieu gardait cette dignité superbe qui, loin d'intimer le respect à Merlin, le révulsait au plus haut point.

– Je sais que tu n'es pas faible, Merlin. Je ne pourrais jamais dire cela après ce que tu viens de faire à mon roi. Mais tu restes un homme, et tu le resteras toujours, quoi que tu fasses.

La lueur qui brillait dans les yeux du dieu cerf retourna l'estomac de Merlin. Comment osait-il ressentir de la pitié pour lui, l'homme qui venait d'assassiner le roi des dieux ? Avec un hurlement de rage, il lança sa magie sur son adversaire. Cernunnos brandit son épée or et émeraude et dévia le coup.

– Ça suffit, Merlin ! trancha la voix de Gwydion, vibrante de colère.

– Non ! Ce n'est pas terminé !

Le magicien concentra toutes les forces qui lui restaient et lança son pouvoir sur ses ennemis. La magie de Gwydion se joignit à la sienne, sans que le dieu ne puisse l'en empêcher. La magie noire déferla sur la Garde de Lug sans qu'aucun des quatre dieux ne puisse réagir. Un son strident, effroyable explosa tout autour d'eux et l'atmosphère sembla se déchirer. Une lumière aveuglante s'échappa du corps des quatre dieux, emplissant la clairière avant de s'éteindre progressivement. Merlin stoppa le flux de magie, essoufflé. Il tituba légèrement et dût s'appuyer contre le tronc d'un arbre pour reprendre son aplomb.

Il passa une main tremblante sur son visage pour évacuer la sueur qui coulait dans ses yeux, puis il releva la tête.

Son sort avait fonctionné. Devant lui, quatre médaillons lumineux gisaient au sol. Il s'avança vers le plus proche, tendit les doigts vers lui sans oser le toucher. Même enfermé, Cernunnos était encore assez puissant pour le blesser.

– Gwydion avait peut-être raison, je ne suis pas assez fort pour te tuer maintenant, susurra le mage noir. Mais ne t'en fait pas, je reviendrai. Et à ce moment, ta vie m'appartiendra.

Merlin ramassa les trois autres pendentifs. Il sentit leur magie essayer d'atteindre son âme. Il devait s'en débarrasser, et vite. Le magicien leva les médaillons et la lumière de la lune se refléta sur la surface métallique de chacun. Il prononça une formule dans une langue occulte et ils s'envolèrent dans la nuit, minuscules comètes fusant vers les endroits les plus reculés. Celui de Cernunnos resta à sa place, juste à côté du corps de son roi.

Gwydion s'était évaporé. Tant pis. Il finirait bien par revenir, puisque leurs âmes étaient liées.

Merlin soupira, à bout de forces. Il devait se reposer. Son regard se porta une nouvelle fois sur le corps de Lug et le médaillon de Cernunnos, à ses pieds.

Il était satisfait.

Il se retourna et s'enfonça dans le noir.


***

Voilà, C'est terminé pour le prologue ! J'espère que ça vous a plu, n'hésitez pas à commenter, à me dire ce que vous en avez pensé. Les critiques constructives sont les bienvenues, je ne demande qu'à m'améliorer. A la prochaine, bisous !



Celte Tome 1 : Cernunnos (ancienne version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant