Celte Tome 1 : Cernunnos (ancienne version)

Chapitre 11 : Le conseil de Brocéliande

Nous étions à Brocéliande, Cernunnos, Ninon, ma grand-mère et moi. Les visiteurs transpirants se pressaient dans les allées, à la recherche d'un endroit plus frai. Deux dames d'une cinquantaine d'années étaient assises sur un banc un peu exilé, derrière un immense chêne, s'éventant mollement avec des éventails à fleur. Elles avaient beau être bien plus jeunes que ma grand-mère, elles avaient l'air d'avoir dix ans de plus. Mamie s'approcha d'elle. Nous étions passés chez elle pour lui parler de ce qu'il s'était passé avec Nico. J'avais encore pleuré (un peu) et elle avait décrété qu'en tant que membre éminent du conseil de Brocéliande, elle allait jouer l'ambassadrice. Je n'ai même pas été surprise d'apprendre qu'elle faisait partie de cet antique conseil de créatures magiques.

-Bonjour mesdames, déclara-t-elle. Nous laisseriez-vous nous asseoir un instant ? Mes petits-enfants et moi sommes accablés de chaleur, et c'est je ne suis plus toute jeune.

Elles se regardèrent. L'une d'elle leva la tête vers ma grand-mère et s'excusa avec un fort accent anglais.

-Sorry, moi pas bien comprendre, moi et my friend être Londres.

Ma grand-mère pinça les lèvres. Elle ne connaissait pas un mot d'anglais, alors comment leur expliquer de s'en aller pour nous laisser la place ? J'allais m'avancer, mais Cernunnos me devança, ses bois scintillants, bourdonnants de magie. Il s'inclina devant les deux vieilles, qui sourirent béatement et s'éloignèrent sans demander leur reste. Je les regardai continuer leur chemin, pendant que ma grand-mère contournait le banc, scrutant attentivement le dossier.

-Comment il a fait ? me demanda Ninon, impressionnée.

-Magie, répondis-je simplement, alors que Cernunnos me lançait un clin d'œil entendu. Mamie, qu'est-ce que tu fabriques ? Il a quoi, ce banc ?

-Il est censé y avoir une serrure, au dos. Elle est bien cachée, mais avec sa clé, nous pouvons accéder à la face cachée du Brocéliande. Ah, la voilà ! Cela fait un moment que je ne suis pas venue ici. Alors, la clé ... elle doit être dans mon sac.

Elle farfouilla dans son immense cabas bleu clair. Elle finit par en sortir un écrin recouvert de velours rouge rebrodé d'or. Elle l'ouvrit délicatement et en sortit ne minuscule clé d'or, qu'elle glissa dans le banc. Autour de nous, les gens ne semblaient pas faire attention à notre présence. Nous étions comme invisibles.

-La face cachée de Brocéliande ? Qu'est-ce que c'est ? demandai-je à ma grand-mère.

-Tu ne pensais pas vraiment que nos réunions avaient lieu au milieu de touristes ? Non, nous nous retrouvons dans les anciens sanctuaires des dieux, caché dans une sorte de monde parallèle.

Je haussai les sourcils.

-Et ce banc est le passage qui va nous y emmener. On fait quoi, on s'assit dessus et on s'envole vers la « face cachée de Brocéliande » ? Ça fait un peu Transformers comme nom, tu trouves pas ?

Mamie ricana et tourna la clé dans la planche du banc. Avec un gros craquement, le banc se mit à trembler et les planches volèrent dans tous les sens. Et les touristes ne réagirent absolument pas. Comme si c'était tout à fait banal qu'un banc se désagrège tout seul et que ses planches s'envolent comme des oiseaux.

-C'est quoi ce truc de dingue ? souffla Ninon, stupéfaite.

-Une porte, répondit ma grand-mère, tandis que les planches retombaient en formant une arche de bois peint. On peut y aller.

Elle s'avança la première, récupérant la petite clé sur le montant de la porte. Je soupirai, alors que Cernunnos me poussait délicatement pour que je la suive.