Une douce chaleur se diffusa sur tout mon corps. J'ouvris un œil, surprise. Sans m'en apercevoir, j'avais pris Ninon dans mes bras, comme pour faire un barrage à la magie noire de Merlin. Face à nous, Bélénos était allongé sur le sol, le visage à peine relevé, la main tendue, illuminée d'or. Et un dôme de lumière nous entourait.
La magie noire disparaissait peu à peu autour de nous. Bélénos me regarda. Il me sourit. Et s'effondra. Contre moi, Ninon se mit à remuer. Elle releva ses yeux bleus et me lança un regard aussi surpris qu'apeuré. Elle ne dit rien. Trop choquée.
Je l'étais aussi. Je n'en revenais pas d'être encore en vie. Grâce à Bélénos. Mon regard balaya les alentours. Au fur et à mesure que la brume noire se dispersait, je distinguais les corps entassés sur le sol. Les jambes enchevêtrées, les armes abandonnées, les yeux ouverts, vides, les corps morts et agonisants.
Le corps de ma grand-mère. Sa poitrine se soulevant à peine.
L'air abandonna mes poumons, et je hoquetai. Puis, contre ma volonté même, mes yeux se tournèrent vers ce qui avait été le champ de bataille. Trois corps étaient entrelacés, comme disloqués. La brume semblait être retombée sous la peau nacrée de Briso, les tatouages d'Andraste étaient d'un noir d'encre. Et les runes sur les bois de Cernunnos étaient éteintes. Désespérément éteintes.
Se mêlèrent alors en moi tant d'émotions que je n'aurais pas pu toutes les décrire. La peur, la tristesse, l'incompréhension en faisait certainement partie. Mais toutes ces émotions étaient occultées par une seule autre. Plus puissante, plus dévastatrice, et qui surpassait tout.
La haine.
Seulement la haine.
Je relevai les yeux. Merlin était toujours là-haut, un sourire jouissif sur le regard. Il ne semblait pas avoir remarqué ma présence. Tant mieux. Peut-être que sa propre magie lui brouillait la vue. Ou son égo surdimensionné.
J'attrapai mon épée, tombée juste à côté de moi, et invoquai d'un murmure un lourd écu de bois.
-Ninon ?
-Oui ?
Elle avait une toute petite voix, plus frêles que je ne lui avais jamais connu, tandis que la mienne, sombre et déterminée, ne semblait pas m'appartenir.
-Soigne les autres.
Elle me regarda sans comprendre.
-Quoi ? Mais ...
-Fais ce que je te dis. Soigne-les. Eskell.
Deux ailes blanches comme neiges apparurent dans mon dos. Je jetai un regard vers Ninon et les déployai.
-Gwen, non ! cria-t-elle.
Mais j'avais déjà pris mon envol, fonçant à toute allure vers mon ennemi.
-Merlin ! hurlai-je d'une voix gutturale.
Il baissa la tête, surpris. Ses yeux s'agrandirent. Rien qu'un instant, rien qu'une fraction de seconde, dans ses prunelles noires, je décelai quelque chose que je n'y avait jamais vu. De la peur.
Merlin, le mage noir, terreur des hommes et des dieux, éprouvait de la peur face à moi. S'il avait peur, c'est qu'il pensait que je pouvais l'atteindre. Et j'allai l'atteindre.
Oh oui, j'allai le faire.
Mes doigts se resserrèrent sur la poigne du glaive. Aidée de la vitesse, je lançai mon bras vers l'avant. Vers le visage de cet enfoiré de mage noir.
Merlin se recula à peine, esquivant le coup. Il riposta par un jet de magie noire, fin et tranchant comme une lame. D'un battement d'ailes, je me retournai et opposai mon bouclier au trait noir. Le choc fut si violent qu'il me repoussa de quelques mètres en arrière, meurtrissant mon avant-bras. Merlin me toisa de toute sa hauteur, invoquant l'épée noire de Gwydion à son poing.
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Celte Tome 1 : Cernunnos (ancienne version)
FantasiaLa vie de Gwenaëlle a toujours été des plus banales, ce dont elle se félicite. Mais le jour où elle trouve un antique médaillon au cœur des bois, sa vie bascule et prend un tournant beaucoup plus ... périlleux. Sa découverte la plonge au cœur d'une...