Chapitre 1 : Gwenaëlle

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– Gwen ! Bouge-toi, je ne vais pas t'attendre toute la journée !

– Ça va, ça va, j'arrive ! hurlai-je depuis la douche.

Je passai rapidement le jet au-dessus de ma tête pour rincer une dernière fois ma tignasse rousse. Je coupai l'eau puis sortis de la cabine en vitesse. Je m'enroulai dans une serviette moelleuse et filai hors de la salle de bains en grelottant, une brosse à cheveux à la main. Je passai à toute vitesse devant Ninon qui faisait les cent pas en plein milieu du couloir. Elle me foudroya de son regard azur, furieuse.

– Tu vas tremper tout l'appart ! maugréa-t-elle, excédée, avant de rentrer à son tour dans la salle d'eau.

– Je n'y peux rien, tu m'as demandé de sortir, gloussai-je en gagnant ma chambre. Il faut savoir ce que tu veux, aussi !

Pas de réponse. Elle ne m'avait sûrement pas entendue. Tant pis. Je jetai ma serviette trempée sur le lit et m'habillai en vitesse. Un simple top blanc et un jean – dans lequel je dus me tortiller d'une manière ridicule pour l'enfiler – feraient bien l'affaire. Le plus dur venait ensuite : il me fallait dompter mon indisciplinée crinière de lion. J'entendis Ninon pester depuis la douche alors que je bataillais vaillamment avec les mèches récalcitrantes. Il n'y avait très certainement plus d'eau chaude. Elle devait regretter de m'avoir choisi comme colocataire ! Je pouffai bêtement, seule dans ma chambre, imaginant très bien l'exaspération totale qu'elle ressentait et qui se lisait si bien sur son visage.

Vivre avec Ninon était vraiment amusant. Finie la vie parisienne bien cadrée et réglée de chez mes parents, et bonjour la vie étudiante, les pannes de réveil et l'absence d'horaires. Ah, j'adorais être étudiante. C'était une vie qui me convenait tout à fait, d'autant plus avec Ninon. Nous nous complétions vraiment bien. Je ne la connaissais pas vraiment avant d'habiter avec elle (elle était la fille d'un couple d'amis de mes parents, qu'ils n'avaient pas revus depuis des années), mais nous étions rapidement devenues amies, malgré le monde qui nous séparait. Moi, j'étais la force tranquille, la patience née, je n'aimais pas spécialement faire la fête et on ne peut pas dire que j'étais la fille la plus dynamique du monde. D'où l'agréable surnom qu'elle m'avait donné : Molasse. Ninon était tout le contraire. Ultra-dynamique, elle démarrait toujours au quart de tour et adorait se trémousser sur la piste de danse tout la nuit avec de parfaites inconnues, qu'elle ramenait à la maison et que je retrouvais en culotte au beau milieu du salon le matin venu. Dire que nous étions les extrêmes opposés, ce n'est pas exagérer. Mais nous considérions cela comme une force et ce fossé entre nous ne faisait que renforcer notre amitié.

– Gwen ! Qu'est-ce que tu fais encore ? On y va, là !

Je sortis rapidement de ma chambre, attrapai mes affaires, restées dans le salon, et rejoignis Ninon dans le hall. Ses cheveux blonds coupés court étaient ébouriffés et elle farfouillait nerveusement dans son sac. Elle sortit enfin victorieusement les clés de sa Twingo et nous quittâmes l'appartement à toute allure.

– Tu n'es même pas maquillée, me lança-t-elle par-dessus son épaule alors que nous descendions l'escalier.

– Je sais, je vais le faire dans ta voiture.

Elle grommela quelque chose d'incompréhensible, mais je n'y prêtai pas attention. Ninon grommelait toujours, à croire que c'était son seul moyen de s'exprimer. Elle poussa la porte de l'immeuble et je fus aveuglée par les rayons du soleil. Je m'arrêtai, laissant mes yeux s'habituer à la lumière du jour. Des enfants jouaient dans le parc, juste en face, et leurs éclats de rire étaient une douce musique à mes oreilles. Je suivis leur course du regard, amusée.

– Arrête de rêver, on est déjà en retard, siffla Ninon, agacée.

Je ris. La faire râler était devenu, au fil du temps, une de mes activités favorites. Nous fîmes quelques pas pour rejoindre la voiture bleue garée à cheval sur le trottoir. Elle batailla avec la serrure pendant quelques secondes, puis réussi enfin à ouvrir la portière. Je grimpai dans ce qui semblait être plus un four pastel qu'une voiture, et elle démarra. Je sortis ma trousse de maquillage et entrepris de poser du mascara sur mes cils. Ninon prit un rond-point un peu violemment, et ma main glissa. La pâte noire s'étala à côté de mon œil, à mon plus grand désespoir.

Celte Tome 1 : Cernunnos (ancienne version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant