Chapitre 15 : De feu et de sang

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La voiture avalait le bitume, direction Brocéliande. Je n'avais pas lâché la perle, en sécurité au ceux de ma main. J'étais à l'avant, Cernunnos m'avait cédé sa place. J'avais mal au bras, malgré le bandage de fortune que m'avait fait Cernunnos. Je regardai par le paysage défiler par-delà la glissière de sécurité.

-Je n'arrive pas à me décider, grommelai-je.

-Quoi ? demanda Ninon.

Je me tournai dans mon siège et regardai mon amie.

-Je n'arrive pas à décider si ce qu'on est en train de vivre est un rêve ou un cauchemar, expliquai-je, pensive.

-Eh ben, je ne sais pas ce qu'il te faut ! s'écria-t-elle. On est en plein dans un cauchemar, là ! T'as pas vu ce qui nous est arrivé cette nuit ?

Elle avait raison, mais malgré cela, malgré tout ce qu'on avait vécu, la possession de Nico, l'attaque des sirènes, la démence de Cernunnos, nous nous en étions toujours sortis. Comme si le destin avait décidé de nous soutenir.

-Oublies, déclarai-je, pensive. Je divague.

Elle grommela quelque chose que je ne compris pas. Je laissai mon crâne reposer sur l'appuie-tête, épuisée. Je ne savais pas d'où Ninon tirait la force de conduire. A sa place, je me serais endormie au volant. Mon regard glissa vers le rétroviseur extérieur, qui reflétait l'image de Cernunnos, affalé sur la banquette arrière. Il avait l'air perdu dans ses pensées, mais ce qui me frappai le plus, c'est le voile de malheur qui obscurcissait ses magnifiques yeux verts. Je savais que c'était à cause de moi, qu'il s'en voulait d'avoir essayé de me tuer. Je ne lui en voulais pas, je savais qu'il n'était pas lui-même. Et puis, il avait réussi à se contrôler. Mais son orgueil était très certainement touché. Après tout, c'était un dieu, et se faire posséder de cette manière devait l'avoir vexé. Mais surtout, il avait failli à son devoir de me protéger. Son regard croisa le mien, et il se fit encore plus triste. Je détachai les yeux du rétroviseur et me concentrais de nouveau sur la route. Je reconnaissais certains endroits, nous n'étions plus très loin de Brocéliande. J'étirai mes jambes douloureuses aussi loin que me le permettait l'habitacle de la voiture.

-Vivement qu'on sorte de là, grommelai-je, alors que mes genoux craquaient allègrement.

-T'inquiète, on arrive, déclara Ninon en quittant la nationale.

Quelques minutes à peine après, nous fûmes sur le parking bondé. Quelque chose me gênait. Pourtant, tout semblait habituel, les touristes déambulaient joyeusement entre les voitures, serrées les unes contre les autres, le soleil dardait ses rayons sur les nuques brûlées, les enfants s'extasiaient devant tout et n'importe quoi, les guides devaient répéter la même chose depuis le début de la journée. Malgré tout, je ne me sentais pas à l'aise. Cernunnos non plus, visiblement, et même Ninon semblait avoir remarqué que quelque chose clochait.

-C'est bizarre, commençai-je. On dirait qu'il se passe quelque chose.

-Tu as raison, lâcha Cernunnos, les dents serrées. Dépêchons nous, j'ai un mauvais pressentiment.

Au pas de course, nous nous pressâmes jusqu'au banc. J'avais toujours les doigts serrés autour de la perle, et je la tenais si fort que les ongles percèrent ma chair. Quand nous arrivâmes devant le banc, les poils de ma nuque se hérissèrent, et je ressentis les picotements caractéristiques de la présence de magie noire.

-C'est pas vrai, soufflai-je, affolée.

Fébrile, j'attrapai la petite clé dans ma poche et l'insérai dans la minuscule serrure. Les planches volèrent dans tous les sens, sous l'indifférence notoire des passants. A peine l'arche fut-elle en place que je bondis vers le passage, mes amis juste derrière moi.

Celte Tome 1 : Cernunnos (ancienne version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant