La rencontre

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Infirnia

Capuche sur la tête et écouteurs dans les oreilles, je marche paisiblement dans la rue sans porter attention à qui que ce soit autour de moi. La pluie claque sur le béton du trottoir, le ciel est noir et les autos filent plus vite qu'à l'habitude, comme si l'eau allait faire fondre la carrosserie.

J'aime les jours de pluie, même si ils me rappellent parfois trop d'où je viens. Les grattes-ciel tout en verre semblent devenir infernaux sans le soleil, sans vie. Juste de penser aux enfers, le coeur me lève. J'accélère le pas et arrive enfin devant mon école.

J'entre, trempée jusqu'aux os et baisse la tête pour éviter de croiser les regards, mais évidemment, plus j'essaye d'être invisible, plus on me remarque. Les chuchotements dans mon dos s'enchaînent et je réussis à capter quelques mots comme "cornue", "sorcière", "démon" et "pute" de la part des plus vulgaires. Au départ, ces commentaires me blessaient et j'avais de la difficulté à contrôler mes excès de colère, mais j'ai fini par les assimiler et il ne m'atteignent plus maintenant.

Je suis à ma case et fais mes petites affaires. J'attrape mes livres et me dirige en flèche vers la bibliothèque, que seule moi et quelques élèves fréquentent. Je m'assois et me plonge dans des livres d'histoire, ma matière préférée. Je vais à la page de la mythologie grec et le mot inferni ressort, mot qui a inspiré mon prénom.

Plusieurs démons ont des noms venant des grecs. J'aime bien qu'on aie modifié le mien pour Infirnia, ça me fait sentir spéciale et ça me permet de me dissocier un peu du mal. Sur Terre, j'ai choisi le nom de Nia Goodstock, good stock voulant dire "bonne souche " en anglais. Je voulais que mon nom me représente comme je suis réellement.

Des cahiers se posent devant moi et une tête blonde que je connais bien apparaît dans mon champ de vision. Je laisse échapper un léger soupire, mais reste concentrée dans ma lecture sur Hadès, Dieu de la mort.

-Salut Nia! dit Julie, toujours trop enjouée à mon goût.
-Salut. Qu'est-ce que tu me veux?
-Je voulais seulement t'avertir qu'Amnistie Internationale cherche des nouveaux membres, donc si ça t'intéresse, je te laisse le dépliant.

Je redresse la tête et lui souffle un merci sincère accompagné d'un petit sourire. Elle a beau me taper sur le système, elle ne veut que m'aider à m'intégrer. Elle se lève doucement en me souriant et part vers la sortie.

J'attrape le dépliant, mais ne l'ouvre pas. Amnistie Internationale, c'est LE groupe de l'école pour faire le bien. Nombre de fois où j'en ai bavé de ne pas pouvoir le joindre. Ce serait trop risqué, on pourrait me retracer si je participais à ce mouvement de bienfaisance. Et de plus, je ne crois pas qu'un démon qui a tué auparavant sans aucune raison ait le droit de représenter les droits de l'Homme dans son école. 

La cloche sonne et je me dirige lentement vers mon cours favori. Je salue l'enseignant et m'assois au fond de la classe en regardant entrer un par un les élèves de mon cours. Je les connais tous, mais eux ne me connaissent que sous le doux nom de Coincée ou Sorcière

Soudain, une silhouette qui m'est inconnue entre dans la classe. Un grand garçon, cheveux bruns en pagaille à la tenue tout aussi négligée que moi s'avance vers mon professeur. Je n'entends pas ce qu'ils disent, lorsqu'il se retourne vers moi et avance lentement en direction de la place vide à côté de moi. Ses yeux verts tirent sur le noir et sa peau est pâle comme la neige. Il ressemble à ces genres de garçons "Bad Boy" comme disent les humains. Ça m'a toujours fait rire de les entendre parler du mal de cette manière. Ils ne connaissent rien au mal, le vrai qui alimente tant de démons. Il sont choyés de pouvoir décider de leur destinée, sans avoir à vendre leur âme dès leur naissance. Je sors de mes pensées lorsque le nouveau s'assoit sans même m'adresser un bonjour, ce qui me ravit. Toutefois, une question persiste. Qui es-tu?

Hadès

J'atterris dans une petite ruelle. De l'eau tombe du ciel alors que ce dernier est noir. Je suis bien sur Terre? Ça ressemblerait plus à un portrait du Mal si les gens n'étaient pas aussi anodins.

J'avance lentement en me remémorant la carte de la ville que j'ai apprise par coeur. Tourner à gauche, continuer tout droit jusqu'au feu de circulation, tourner à droite, tourner tout de suite à gauche, l'école sera à gauche après seulement 20 mètres. Je m'active et arrive devant cette bâtisse collée avec les autres buildings. J'entre et suis la flèche qui indique "Secrétariat".

Sur mon chemin, les chuchotements s'enchaînent. On ne me connaît pas ici, c'est normal que j'éveille les soupçons, mais à leur place, je ne tenterais pas de m'approcher. C'est mieux de ne pas fréquenter le mal si on veut garder son âme. Un léger sourire moqueur s'affiche sur mes lèvres suite à cette pensée.

Je parle à la secrétaire quelques instants en prenant soin de lui expliquer ma situation. Elle me donne un plan de l'école, mon horaire, un cadenas et son code, mes livres et un numéro de casier.

-Rappelez moi votre nom jeune homme?
-Desmon Harper.
-Ah oui! Bienvenue dans notre établissement Desmon. J'espère que vous y trouverez votre place.
Et moi j'espère trouver ce que je cherche, pensai-je.

À peine ai-je le temps de ranger mes cahiers que la cloche sonne. Je monte et suis le plan pour finalement y arriver après m'être perdu deux fois. J'avale une Heaven et entre dans ma classe. Je vais vers le professeur en ignorant les yeux qui suivent chacun de mes gestes.

-M. Harper! Je vous attendais! Je me présente : M. Allen, je serai votre enseignant d'histoire et votre responsable. Alors voici les notes de cours depuis le début de l'année, dit-il en me tendant un petit cartable rempli de feuilles. Vous pouvez vous asseoir à côté de mademoiselle Goodstock au fond. Venez me voir à la fin de la période, je vous attitrerai un tuteur pour vous aider à rattraper. Allez vous installer, le cours commence.
-Merci.

Je me tourne et remarque cette fille, capuche sur la tête qui elle aussi me regarde. Ses yeux bleus noirs sont fixés sur moi, sa peau est blanche et ses cheveux ébènes tombent en cascade sur ses épaules. Je m'assois en prenant soin de l'ignorer. Je ne suis pas ici pour me faire des amis humains, je suis ici pour trouver Infirnia et la faire souffrir.

Je frissonne seulement en pensant à faire le mal. Je ne sais pas où elle se cache, mais j'espère la trouver rapidement. Ça fait à peine 30 minutes que je suis ici et ça me démange de penser que je ne peux pas faire le mal.

Je me concentre le plus possible sur le cours en lançant des regards furtifs de temps à autre à la fille à côté de moi. À chaque fois que le professeur a une question, elle ne lève pas sa main, mais souffle une réponse, qui à chaque fois est exacte. J'observe les autres autour de moi, et tous semblent avoir de la difficulté à comprendre alors qu'elle, elle ne sourcille même pas. Ça me fascine à quel point les humains sont différents les uns des autres, et à quel point ils sont... Imprévisibles. On ne sait jamais si ils vont faire le bien ou le mal, ils décident. Le cours se termine et je marche vers l'avant pour parler à mon responsable.

-Tu réussis à suivre? C'est beaucoup quand on est nouveau, mais tu t'adapteras.
-Ça va, je gère pour l'instant.
-J'aimerais quand même te donner une tutrice qui t'aidera dans les autres cours sans problèmes et dans celui-ci. Je pensais à Nia, elle a de la difficulté à s'intégrer aux autres, mais c'est une première de classe, alors elle te serait un bonus et ce serait bien si elle avait plus de rapports sociaux disons.
-Euh oui, d'accord.
-Merveilleux! Nia? Peux-tu venir s'il te plaît?
La fille de tout à l'heure se lève et s'avance vers nous.
-Nia, je te présente Desmon. Je me demandais si tu pouvais être sa tutrice le temps de son adaptation?
-M. Allen, je ne sais pas...
-S'il te plaît Nia, tu ne parles à personne ici, un peu de compagnie ne te fera pas de mal et ça rendrait service à
M. Harper.

Elle acquiesce et nous sortons côte à côte de la classe. Dès que nous avons mis un pied dehors, elle se retourne vers moi et me fusille du regard.

-Écoute moi bien, on ne se verra qu'à l'école et ce sera dans un but purement académique : je ne t'adresserai pas la parole hors de la bibliothèque et tu en feras de même. Rendez-vous ce midi, ne sois pas en retard.

Elle tourne les talons et part, toujours sa capuche sur la tête en essayant le plus possible de disparaître aux yeux des autres. Je suis sous le choc, je m'attendais à moins de caractère venant de ce que j'appellerais un "agneau". Elle est moins sans défenses que je pensais la petite. Je sens que je vais bien m'amuser, et puis, la torture mentale n'est pas illégale, non? Je ricane et me dirige vers mon second cours, toujours aussi perdu dans ces grands couloirs.

Demons around meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant