Rester dans l'ignorance parce qu'on ne veut pas savoir

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Hadès

Lorsque je lui ai donné la photo et lettre de son amie, elle a laissé cet horrible cri de douleur qui lui est propre sortir. Je suis dans ma chambre que je viens de ranger, seul, assis sur mon lit. J'attrape une cigarette et fais des ronds de fumée. Je regarde par la fenêtre la fin de cette journée grise et cette vue me donne un haut de coeur.

Qu'est-ce qui m'arrive? En fait, est-ce que je veux réellement savoir? Oui je me pose toutes ces questions, oui je ne comprends pas ce qui m'arrive, mais peut-être que c'est mieux ainsi. Nia, humaine, Hadès, démon. C'est tout ce qu'il y a à savoir pour moi. Je n'ai pas besoin de comprendre ces satanés sentiments, ces frissons, ces tremblements. Surtout aujourd'hui.

Je dois retourner au Mal pour recevoir des instructions d'Asmode et torturer. Pour me défouler. Et même si je croyais avoir changé, c'est faux. Je me réjouis à l'idée de retourner là-bas et faire le mal sans me cacher. Tout comme j'ai été satisfait de mon meurtre de la vieille dame.

Je me lève et attrape ma chemise noire et mon veston. Je les enfile à la vitesse de l'éclair et attrape la clé du Mal. Je tasse ma commode, qui a été remise en place, et une petite serrure se montre. J'y glisse la clé et tourne. Ma vision devient noire et le son assourdissant d'un souffle qui aspire se fait entendre. J'ouvre les yeux et c'est une ambiance lourde qui est maintenant autour de moi. Ce paysage rougeâtre désertique décoré de grattes-ciels noirs donne une enveloppe aux cris de terreur et de douleur qui m'entoure. Je marche vers le plus haut des édifices tout en ignorant toutes les scènes de torture sur mon chemin. J'entre dans le hall et prends l'ascenseur. J'en profite pour replacer mon veston et peigner un peu plus ma coiffure désinvolte. Les portes s'ouvrent et je tombe sur un énorme couloir noir où une seule et unique porte est présente. Les appartements du chef et d'Asmode. Je ne peux m'empêcher d'avoir un tic nerveux alors que je marche vers la lumière, comme si l'ironie de la chose allait se retourner en karma. Ma respiration s'accélère.

Calme-toi et vite! Ils ne doivent pas voir que tu les crains.

C'est vrai, il faut que je reste de glace. Plus j'aurai l'air nerveux, pire ce sera, et je ne peux pas garantir que je serai celui qui torturera... J'arrive devant la porte prends une grande inspiration et toque. Elle s'ouvre toute seule sans que personne ne l'ait ouverte en tant que tel. La pièce est profonde et un large bureau avec une énorme chaise se trouvent au fond devant la baie vitrée. J'entre et la porte se referme dans un claquement infernal derrière moi. Je frissonne de peur, mais garde un visage neutre. Je ne bouge pas, j'attends ses instructions.

-Combien cela te prendra avant de la ramener?
-J'irais jusqu'à un mois, maximum. La piste que j'ai eu avec Julie signifie qu'elle est dans mon école assurément. Je n'ai qu'à suivre Julie pour trouver qui c'est, mais je dois rester subtile.
-Bien. Descends dans la salle des tortures, pièce du fond. Il y a Allistor, l'ange que l'on veut rendre espion. Il refuse toujours d'aspirer l'âme de démon complètement, je crois que tu devrais l'aider à faire le bon choix.
-Parfait.

Je me retourne et m'apprête à sortir lorsqu'il m'interpelle une dernière fois.

-Oh et Hadès, ne perds pas ton objectif de vue, les distractions sont grandes sur Terre.

Je ne réponds pas et me dirige d'un pas rapide vers la salle de torture. J'entre dans un vacarme impossible et referme derrière moi. Il est là, tête baissée, corps recroquevillé dans le coin droit de cette pièce de béton. Ces habits blancs sont maintenant tachés de rouge, de noir et de bleu, couleur du sang d'ange. J'attrape le poignard qui est sur le mur, le fais tourner quelques fois dans ma main et prends une voix menaçante et glaciale.

-Lève toi.

Il s'exécute. Il accote son dos contre le mur du fond et lève son regard vers moi. Ses yeux sont noirs et blancs, preuve qu'il n'a pas fait son choix. Je m'avance vers lui et pose la lame sur son torse, puis la descends doucement jusqu'au nombril. Une longue ligne noire, bleue et rouge fait son apparition. Je recommence tout en enfonçant de plus en plus la lame dans chair.

Je ne peux pas mentir, je me sens bien, extrêmement bien.

Infirnia

Je marche dans les couloirs de l'école, capuche sur la tête, visage grave, épaules voûtés. Inga m'a appelé pour me donner la date des funérailles lorsque je suis rentrée chez moi. Et j'ai envie de tout sauf aller à ses funérailles. Ça me ferait avouer qu'elle est morte, et ça, je ne peux pas.

Je rentre dans la bibliothèque et attrape un livre au hasard. Oscar et la dame en rose. Pire ironie de l'univers j'aimerais dire. Je m'assois sur un des fauteuils et lis les pages paisiblement, sans me presser. Le petit meurt à la fin, je le sais déjà. Alors pourquoi je lis ce livre alors que je connais déjà la fin? Peut-être parce qu'on connaît tous la fin des choses. On mourra tous un jour ou l'autre. On y échappe pas, que l'on soit humain ou non, la mort finit par nous rattraper.

Je lève la tête de temps en temps, espérant voir apparaître le visage de Desmon. Sans que je le veuille, sa présence m'a fait du bien, et je ne le déteste plus autant qu'avant. Je garde une parcelle de moi qui désapprouve sa personne, mais dans l'ensemble, je crois que je réussi à le pardonner de plus en plus, même si ce n'est pas la meilleure des choses.

Julie entre et je retourne à ma lecture. Je n'ai pas envie de lui parler plus qu'auparavant. Surtout que maintenant, elle s'appelle Natura, et que ça change beaucoup trop de choses dans ma vie. Elle se pose devant moi et je suis dans l'obligation de la regarder.

Mon soupire en dit long sur ce que je pense, mais elle ne recule pas. Je vais devoir avoir cette fichue conversation.

-Salut, dit-elle.
-Quoi?
-Je voulais savoir comment tu vas... J'ai appris pour ton amie.
-Je n'ai pas envie d'en parler, tu le sais très bien.

Un malaise s'installe. Moi, ça ne me gène pas, mais elle est clairement... Comment dire... Troublée?

-Bon, si tu as besoin de parler ou d'aide...

Je la coupe.

-J'aurais eu besoin de ton aide il y a fort longtemps, mais aujourd'hui, je suis capable de me débrouiller toute seule.
-Bien, fais attention...
-Je sais qu'il faut faire attention, je suis en cavale depuis cinq ans, au cas où tu avais oublié.
-D'accord.

Elle se lève et au moment où je crois qu'elle partira enfin, elle se retourne.

-Tu devrais aller à ses funérailles. Et sache que même si tu ne veux pas me voir, c'est mon devoir de veiller sur toi, tu ne pourras pas m'en empêcher.

Et elle finit par quitter. J'essaie de me replonger dans ma lecture, mais mes pensées prennent le dessus sur ma concentration. Je ferme mon bouquin et regarde le plafond. Est-ce que je devrais y aller? Elle voudrait que j'y aille, simplement pour prouver aux autres à quel point je suis forte. C'est ce qu'elle veut : que je sois forte, mais surtout que je vive ma vie.

Et je compte bien le faire. Pour Ophélie.
Pour moi.

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Bonjour à tous! Je suis désolée de l'écart avec le dernier chapitre, mais l'école prend vraiment beaucoup de mon temps libre! On a toutefois dépassé les 230 vues! Merci, ça fait vraiment plaisir!

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Je me grouillerai pour l'autre!

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