On ne savait rien

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Hadès

Elle s'est assoupie depuis une heure, à peine deux minutes après que l'on se soit allongé. Pas moi. L'image d'elle sur cette rambarde me torture, je ne veux pas qu'elle soit seule, et je ne veux surtout pas qu'elle se réessaye. Elle ne peut pas abandonner et se laisser brûler à petit feu par la culpabilité. Elle n'était pas responsable de tout ça...
Je l'étais.

Elle bouge doucement, mais semble rester dans son sommeil profond. Je sourie légèrement, content qu'elle soit en sécurité pour au moins quelques heures. J'ai remarqué la pile de lettres à l'avant de sa porte, toutes portant l'étampe du Mal. Bien vite, ils se rendront compte qu'elle est redevenue une âme pure, si ce n'est pas déjà le cas. Je me peine à l'idée qu'ils reviennent la chercher.

Serais-tu capable cette fois de te battre pour elle?

Je n'en sais rien. Sur le coup, je crois que... je crois que ça ne serait pas une décision déjà nette, claire et précise dans ma tête...

Parle lui...

Quoi?

Crois moi, on s'en portera mieux. Parle lui de ce que tu veux, elle dort.

D'accord...

Je prends une grande inspiration, mais ne dis rien, cherchant quoi dire. A-t-elle toujours lu dans mes pensées? Peut-être pas. Je regarde par dessus son épaule : elle était encore endormie, une expression sereine sur le visage.

-La première fois que je t'ai vu, je me rappelle très bien t'avoir traité d'agneau dans ma tête. Mais tu me fascinais. Tu semblais tout connaître contrairement aux autres élèves qui avaient l'air de merlans fris. Tu ne levais jamais la tête, mais tu soufflais tout bas la réponse à chaque fois. Malgré tout ce qu'on disait, tu semblais renfermée sur toi-même, pas timide, seulement silencieuse. Je voyais bien dans tes yeux cette lueur d'intelligence, de ruse, de force et de bonté. Mais tu avais l'air si inoffensive, si coupée des autres, que lorsque que tu m'as adressé la parole la première fois, j'ai failli en rester bouche-bée.

Je souris, me rappelant ce moment.

-Tu avais été si glaciale! Si directe! Tu n'avais pas peur de moi comme certains, tu ne t'intéressais pas du tout à ma personne contrairement aux autres. Tu te foutais de mon existence, tu semblais même contrariée de devoir m'aider. Tu allais perdre ton temps, non? Évidemment, je riais tout bas, ayant une image humaine de toi. J'étais à ce moment, après à peine une légère conversation, convaincu que tu serais une vraie peste, même plus. Et ça m'amusait car je te croyais faible.

Je prends une pause, la sentant se mouvoir entre mes bras. Je n'ai qu'à attendre quelques secondes et elle redevient immobile.

-Et puis je suis allé à la bibliothèque et tu m'as aidé avec l'algèbre. Je crois même que tu m'as adressé un sourire de bon coeur. Puis tu dois te rappeler de l'histoire : Kelly est arrivée et j'ai agis en con. Et j'ai continué ainsi longtemps. J'ai laissé cette fille détruire un de tes livres, je t'ai embarqué dans mon petit jeu égoïste, je t'ai vendu au Mal...

Je me stoppe, une boule dans la gorge. Mes yeux s'humidifient, mais je retiens ces larmes sur le bord de mes yeux et reprends.

-Je me souviens très bien de ce premier jour où, en cours de chimie, même après que j'aie agis en arrogant, tu m'avais encore aidé. Je ne comprenais pas, c'était insensé pour moi, un être du Mal, que l'on veuille encore aider après quelque chose comme ça. Et cette phrase que tu m'as dit après que je t'aie questionné restera à jamais dans ma tête. Et j'ai eu beau te dire que je ne serais pas gentil avec toi, tu m'as tout de même répondu : «C'est un choix que je fais, tu n'es pas obligé de le faire.»

Demons around meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant