Pourquoi fallait-il que l'on soit malheureux?

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Infirnia

Je déambule d'un pas lourd dans la ville, mes larmes cachées par la pluie. Cela fait une semaine que je n'ai pas parlé à personne, pas même Hadès. Je ne sais pas, cet élan de courage que j'ai eu avec Belze m'a rattaché légèrement à l'ancienne moi, et l'ancienne se tenait à l'écart de tous, même Hadès. Il savait que je ne voulais pas le voir, alors il s'est tenu plus ou moins loin, peut-être l'âme rebelle qui agit.

Et puis il y a David. Il s'est trouvé un petit travail à la bibliothèque, ce qui fait que je le vois tous les jours, ou presque, que je le veuille ou non. Subir la présence de quelqu'un, peu importe l'affection qu'on lui porte, c'est toujours plus déplaisant qu'autre chose. Plus Belze et Keridwan qui semblent se rapprocher d'Hadès, je... je devrais agir, protéger sa bonté, mais être près de lui, ou de David, me rappelle le mal que j'ai fait, ça ne m'aide pas, c'est souffrant.

J'entre dans l'école, silencieuse, les cheveux dégoulinants, l'allure grave. Je lance un regard noir à quiconque qui ose me regarder, je suis d'humeur maussade aujourd'hui, on ne doit pas me chercher. Natura arrive vers moi, colérique. Oui, elle aussi m'envahit. Elle est furieuse que je reste muette depuis une semaine, que je n'accepte pas de me rallier aux anges. On dirait qu'elle essaie de me vendre un produit, le Bien. Ce n'est pas mieux que le Mal, ils veulent manipuler mon esprit autant que les démons. La dernière fois, l'expérimentation était médiocre, je n'ai pas envie de me laisser tenter par ce changement d'âme.

-Nia!

Je l'ignore, continuant de tracer mon chemin malgré ses gestes dans tous les sens. Quelqu'un, frappez la pour moi, je vous en prie.

-Hey, écoute moi! Tu ne peux pas rester silencieuse pour le reste de ta vie.

Je continue de marcher. Contrôle, Infirnia, contrôle.

-Cesse de m'ignorer!!

Elle attrape ma manche et m'oblige à la regarder, tenant fermement mes deux bras le long de mon corps. Je reste neutre, mêne si à l'intérieur, la gifler serait ma seule envie.

-Parle, allez, parle! Tu ne peux pas rester silencieuse, tu dois choisir un clan et te battre pour lui!

Je me dégage de son emprise et recommence à marcher, mais elle me rattrape à nouveau, se mettant au travers de mon chemin.

-Tu dois te battre, c'est ton rôle! Tu dois faire un choix!

Trop, c'est trop. Je me mets à hurler encore plus fort qu'elle, sentant mes yeux changer drastiquement. Peu importe, il faut qu'elle m'entende.

-NON JE N'AI PAS À CHOISIR DE CAMP! JE NE VEUX PAS ME BATTRE, RENTRE TOI ÇA DANS LE CRÂNE!

Je la bouscule avec force et la dépasse, me dirigeant, bouillante de rage, vers la bibliothèque. Je file à vive allure, souhaitant de tout mon corps qu'elle ne me suive pas. Je grimpe littéralement les marches, comme si j'avais l'impression qu'elle me poursuivait, ou plutôt cette responsabilité qui me poursuit. Choisir un camp, je ne peux pas. Aucun camp ne me convient! J'ai trop fait le bien pour être au Mal, et j'ai trop fait le mal pour être au Bien. Je n'ai ma place nulle part...

Peu à peu, la colère qui m'envahissait se transforme en peine, en souffrance. Ma gorge se noue, mais je retiens mes larmes, m'apprêtant à entrer dans la bibliothèque. J'enfile ma capuche trempée, souhaitant cacher à tout prix mon visage. Je ne veux pas affronter les regards, je veux redevenir la Sorcière crainte que j'étais autrefois. Seule.

Je m'installe à ma place et sors Maus, bande dessinée sur la seconde guerre mondiale. Période sombre, livre intéressant. Ça me fait du bien de lire de la misère ces temps-ci, j'essaie de me convaincre que je ne suis pas la pire... c'est pathétique, mais aussi thérapeutique.

Demons around meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant