Que fait-on maintenant?

87 14 3
                                    

Infirnia

Hadès dépose un plat fumant devant moi, mais mon appétit est coupé. Je n'ai pas parlé depuis que j'ai vu Belze, LA Belze. J'ai l'impression que la déprime ne cesse de m'envelopper, et je déteste ça. Je hais me sentir ainsi, lourde et coupable. Je veux redevenir cette fille motivée et têtue que j'ai été si longtemps.

Alors qu'il s'apprête à me sermonner à nouveau, je me lève et vais vers le salon. J'ouvre mon armoire et en sors un boxing bag. Je l'accroche au plafond et le stabilise, m'assurant qu'il ne tombera pas. Je me positionne et frappe une première fois, tellement faiblement qu'on a l'impression que c'est le sac qui m'a frappé, et non l'inverse. Je réessaie, mais je suis peu convaincante. Ça ne marche pas, je reste ce zombie que je suis devenue.

Une motivation, il me faut une motivation. Imaginons que c'est Asmode. Je sens mes yeux devenir noirs, ce qui me satisfait. Je frappe une première fois, et enfin, ça devient libérateur. Je recommence, encore et encore, pensant à tous ceux que je déteste, tous ceux qui m'ont fait du mal, ne serait-ce qu'une fois. Asmode, Allistor, Natura, Belze. Certains m'ont fait du mal sans le vouloir, et c'est pire. Hadès, Ophélie, David.

Mes ongles ont tranché la paume de ma main depuis un bon moment et le sang coule sur le sol. Ma main entière souffre, c'est douloureux de frapper, mais j'ai encore plus mal en dedans. Je frappe, sans m'arrêter, peu importe la souffrance physique, peu importe la sueur sur mon front. Je déteste tout. Je hais ce poison qui a coulé dans mes veines! Je hais cette envie de tuer dont je me suis éprise! Je hais toutes ces âmes que je dois porter sur ma conscience! Je me hais!

Je donne un dernier coup fatal avant de m'effondrer au sol en silence. Mes yeux sont secs. Peut-être que ma peine est maintenant si grande que mon corps ne peut plus la gérer, qu'il ne sait pas comment l'exprimer. Alors je reste de glace, comme si cette souffrance avait pris le dessus et maintenant figeait tout autre émotion possible. Je suis prise avec ce monstre.

Hadès s'accroupie à mes côtés et prend mes mains dans le silence et un calme qui ne lui est pas propre. Ses yeux ont beau être noirs à cause de l'heure, il semble réellement paisible. Je n'arrive plus à le comprendre. Quelque chose a changé chez lui aussi. Tout ce que je sais, c'est que j'aime celui qu'il est devenu, celui qui s'occupe de recoller les pots cassés, celui qui sait comment agir. Mais j'ai peur que tout ça parte en fumée en un claquement de doigts. Un jour, quelqu'un, je ne sais plus qui, a dit : "Suis-je amoureux? Oui, puisque j'attends." Il m'a attendu, longtemps, et il attend encore.

Je lève la tête et l'observe. Ses sourcils noirs sont froncés alors que ses mains s'activent. Un petit sillon est formé au milieu de son front, lui donnant un air sévère, mais calme. Se longs cils me laissent à peine entrevoir ses yeux sombres. Habituellement, ils sont d'un vert éclatant qui vous envoûte, je pourrais m'y perdre sans craintes. Ses cheveux ondulent comme des vagues sur toute sa tête, cachant le haut de sa nuque, le bout de ses oreilles et une partie de son front, courbant de partout, se foutant du sens à suivre. Sa musculature est moulée par un chandail bleu nuit et les manches retroussées laissent percevoir des veines sur ses deux avant-bras. Je ne l'ai jamais analysé ainsi, je n'avais pas réalisé à quel point tout chez lui le rend apaisant, beaucoup plus qu'auparavant.

-Je veux aller voir Ophélie... dis-je, tête basse.

Il m'a compris, encore, et malgré ce froid de canard à l'extérieur, malgré l'heure tardive, il ne grinche pas. Il m'aide à me relever, attrape nos manteaux et nos tuques et nous sortons. Nous descendons lentement les étages un à un sans dire un mot. C'est maintenant lui qui reste dans le silence, ce qui m'angoisse peu à peu. Je dois dire que l'envie de fouiner dans ses pensées est grande, mais ça ne serait pas convenable. Il a droit à son monde, surtout après tout ce que je lui ai fait subir.

Demons around meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant