Comme un poignard dans le ventre

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Infirnia

Je longe les couloirs, toujours aussi chamboulée par les funérailles. C'était dur, trop dur. Si Desmon n'était pas venu, je ne sais pas comment j'aurais fait. Passer la nuit à pleurer avait été mon échappatoire lorsqu'il était parti.

Et entre deux sanglots, je me suis mise à le détester à nouveau. Pourquoi? Parce qu'il était une des raisons qui me rendait si faible et vulnérable autant physiquement que mentalement. J'ai cessé cette avalanche de larmes salées et suis sortie dehors joggé. Je me rappelle encore l'air froid qui happait mon visage de plein fouet, des néons qui étaient coupés par la tempête de neige. Et de ce sentiment de colère intense qui montait de plus en plus. J'ai voulu pour la première fois tuer un humain. J'ai voulu le tuer lui.

Je suis debout depuis trois heures ce matin, et tout ce que je souhaite, c'est de ne pas le croiser. Je ne veux pas le voir, et la simple pensée de sa présence auprès de moi me dégoûte au plus haut point. Soudain, les premières paroles que je lui ai adressé me reviennent, accompagnées d'une image de la scène.

Écoute moi bien, on ne se verra qu'à l'école et ce sera dans un but purement académique : je ne t'adresserai pas la parole hors de la bibliothèque et tu en feras de même. Rendez-vous ce midi, ne sois pas en retard.

Je frissonne un bon coup et continu ma marche vers la bibliothèque, mon seul lieu de répit à présent. J'y entre et m'installe, avec je ne sais trop quel roman, à ma place habituelle. Et contrairement à la normale, le poids lourd qui pèse sur mes épaules ne se dissipe pas lorsque j'ouvre les pages jaunies de mon livre.

Je soupire et essaie tout de même de lire avec attention, mais n'y arrive pas. J'ai l'impression d'observer tout simplement les pages sans me nourrir de leur riche langage. Je continue tout en ignorant ce sentiment de "manque" que je ressens face à cette lecture qui me laisse sur ma faim. Toutefois, une phrase attire mon attention.

Il n'y a qu'un pas entre la haine et l'amour.

Je referme violemment mon livre et le projette en face de moi, comme si le destin voulait me passer un message. Un message que je ne veux pas voir ou entendre, ça j'en suis certaine. J'inspire et expire doucement, essayant de me calmer le plus possible. Je reprends le livre et continue de lire.

La seule chose qui diffère chez toi, c'est qu'il n'y a pas de limite entre la haine et l'amour, contrairement aux autres. Et sans cette limite, tout sera plus compliqué que prévu.

Compliqué. C'est le mot juste, je ne peux pas le nier. Je m'apprête à continuer ma lecture lorsqu'une main agrippe violemment mon épaule et m'amène au fond de la pièce. Je me retourne et aperçois le visage colérique de Natura.

Ça va être ma fête, je le sens.

Hadès

Je marche d'un pas rapide, les poings crispés, stressé par le moindre mouvement inhabituel autour de moi. J'ai été griffé par le diable, et maintenant je la déteste. Je la déteste de me faire ressentir ces sentiments dont il était hors de question il y a encore à peine un mois. Ces fichus remords. Cette fichue sympathie. Ce salopard de bonheur. Ce n'est que du flafla, des froufrous, une couverture, un masque. Et sous ce masque se cache la réalité.

On sait tous les deux que tu auras beau te le répéter, tu n'arriverais pas à y croire.

Dit, je t'ai sonné?

Je grogne, mais me contrôle le plus possible, ne voulant pas sembler louche.

Rooo arrête moi ce cirque tout de suite. Tu te retiens depuis que tu es levé d'aller la voir, non pas parce que tu la détestes : une partie de toi la détestera toujours, mais bien parce que tu tiens à elle et que cette fois, contrairement à tous les humains que tu as rencontré, tu l'apprécies et tu tiens à elle. Je suis toujours là tu sais et j'ai bien vu que d'aller à ces funérailles ne te laissait pas indifférent. Pour la première fois...

Demons around meOù les histoires vivent. Découvrez maintenant