Chapitre 9

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Je me réveille avec l'impression d'avoir passé une nuit agitée, peuplée de mauvais rêves. Lorsque j'ouvre les yeux, le rai de lumière qui passe au-dessus des volets clos me fait réaliser que la journée doit déjà être bien avancée. L'appartement est silencieux, je suppose que Clotaire et Calixte doivent être partis se promener pour profiter de leur dimanche.

Et brusquement, des images mes reviennent, avec l'horrible sensation qu'il s'agit de la réalité et non d'un cauchemar. Le paquet de céréales que j'avais attrapé pour mon petit déjeuner m'échappe des mains lorsque je revois la scène en accéléré. Calixte projetée par la voiture. Les cris des passants. Les gyrophares qui clignotent. Clotaire ensanglanté qui me secoue. Ysandre qui hurle. Et ce corps... Celui de Calixte, inerte, au sol, entouré de petites mains venues la secourir.

Je sors de ma transe et bondis sur mon téléphone. Je tombe directement sur la messagerie de Clotaire et raccroche pour ne pas perdre une seule seconde supplémentaire. Ysandre décroche à la première sonnerie et m'indique qu'elle est à l'hôpital le plus proche.

— Comment elle va, putain ??

Ysandre chuchote, elle a la voix cassée et semble exténuée.

— Elle est toujours en réanimation. On est dans la salle d'attente des urgences, à tout de suite.

Et elle raccroche. J'enfile un pantalon en vitesse et jette un pull sur mes épaules. Je saute littéralement dans mes chaussures sans prendre la peine de mettre de chaussettes, ni de faire les lacets. Je sors de l'appartement en courant non sans avoir pris les clés de ma voiture et arrive sur le parking de l'hôpital en ayant probablement battu un record de vitesse. Je recevrai certainement des nouvelles d'un radar dissimulé ici ou là, mais c'est le dernier de mes soucis.

Ysandre fume à l'extérieur et se dirige vers moi dès qu'elle m'aperçoit.

— Du nouveau ?

— Non, je tiens plus là-bas dedans, ça m'oppresse.

Sa voix monocorde traduit son inquiétude et sa fatigue. Elle ajoute :

— Elle est pas en bon état...

Elle fond en larmes et se blottit contre moi. J'hésite un court instant avant de refermer mes bras sur elle pour la réconforter. Je sens une énorme boule grossir dans ma gorge et me retient de la faire éclore.

— Mais vous avez eu des infos ? Elle a des trucs cassés ? Des organes touchés ?

Entre deux sanglots, elle parvient à articuler seulement :

— Chevilles, genoux et bassin en miettes...

— Où est Clotaire ?

Elle désigne l'intérieur de la main et s'écarte de ma poitrine. Elle recentre son attention sur sa cigarette à moitié fumée et se dirige vers un banc, voulant visiblement rester seule. J'entre dans le service des urgences et me précipite sur Clotaire, assis les coudes posés sur les genoux, les mains dans les cheveux avec la tête tombant vers le sol. Je m'assois à côté de lui et il se relève.

— Ah, t'es là, c'est cool. Faut que je bouge. J'en peux plus d'être ici.

Il se lève et trépigne sur place.

— Mais attends explique-moi !

— T'expliquer quoi ? Que Calixte va se retrouver entre quatre planches ?

— Arrête de dire des conneries ! Elle est entre de bonnes mains. J'ai besoin de comprendre. Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il se rassoit.

— Quand je lui ai explosé la gueule à l'autre connard, ses deux enculés de potes, pour se venger ont demandé à Calixte si elle savait que je baisais la stripteaseuse de La lune. Du coup elle s'est barrée en courant.

— Je me rappelle de ça oui. Mais je comprends pas, je me souviens de rien ensuite, jusqu'à mon réveil tout à l'heure.

— T'étais en état de choc ont dit les pompiers, donc je t'ai ramené à l'appart pendant qu'Ysandre accompagnait Calixte ici, avec les pompiers. Et je suis venu en suivant.

— OK. Et t'as vu quelqu'un ? Ysandre m'a parlé de ses jambes mais j'ai pas tout compris.

— Il y a dix minutes, oui. Elle avait tout le bas du corps en version puzzle mais les premières opérations de cette nuit ont limité les dégâts d'après ce qu'ils disent. La moelle épinière n'est pas touchée, mais elle a un poumon perforé, plusieurs côtes cassées et de multiples contusions. Ils vont la plonger dans le coma pour une durée d'au moins quarante-huit heures.

Je suis sous le choc, mais infiniment soulagé qu'elle soit tout simplement en vie. Après le passage d'un nouvel infirmier nous encourageant à rentrer chez nous, nous quittons tous trois les lieux en silence, perdus dans nos pensées.

CalixteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant