Chaque fin d'après-midi, je me rends au chevet de Calixte et lui fais la lecture de nos cours. Je lui raconte tout en détails pour qu'elle ait l'impression de les vivre complètement. Au fil des jours, son visage retrouve une apparence normale, et même si elle ne peut toujours pas se lever, elle s'assoit désormais seule et parvient à rester dans la position plusieurs heures. Je viens à chaque pause déjeuner en n'omettant pas de lui apporter son péché mignon, des madeleines de sa boulangerie préférée. Je mange avec elle et retourne la voir dès que je sors de la faculté. Chaque moment où je n'ai pas besoin d'être à l'université, je suis à ses côtés.
Lorsqu'on lui annonce qu'elle ne sera pas capable de marcher avant des mois et qu'elle devra s'adapter à un fauteuil roulant, son moral retombe au plus bas. Je me débrouille alors pour passer un maximum de temps avec elle, allant la voir dès le matin avant les cours, et n'hésitant pas à les sécher pour l'accompagner à ses séances de kinésithérapie qui la font tant souffrir.
Les semaines avançant, elle me parle de moins en moins de Clotaire, que je n'aperçois qu'occasionnellement entre deux conquêtes féminines. Il n'est revenu la voir qu'une seule fois, et leur relation est toujours en suspens, aucun d'entre eux n'y ayant mis un terme officiellement. Sa famille espace ses visites, si bien que je passe des week-ends entiers à ses côtés. Je suis totalement tombé sous son charme et me demande si elle l'a remarqué.
Après deux mois passés ainsi, je réalise brutalement que sa sortie approche, et que notre relation risque de changer complètement. Va-t-elle rester à Paris ? Si oui, voudra-t-elle revenir dans notre appartement ? Et acceptera-t-elle mon aide ?
Je suis assis sur son lit le jour où un infirmier lui annonce que sa sortie est enfin programmée pour la semaine suivante. Il s'adresse à nous comme si nous étions un couple et à aucun moment Calixte ne le détrompe, ce que je ne peux m'empêcher d'interpréter comme un signe positif. Il nous explique qu'il nous faudra certainement adapter l'agencement de notre appartement pour permettre le passage du fauteuil, qu'il faudra prévoir une chaise antidérapante spéciale pour la douche, et descendre toutes les affaires susceptibles d'être utilisées par Calixte à sa hauteur afin qu'elle soit autonome. Au fur et à mesure qu'il explique les soins quotidiens qu'elle recevra, prodigués par une infirmière libérale le matin et le soir, et par une kinésithérapeute chaque jour, je sens Calixte se raidir. Instinctivement, je pose ma main sur la sienne pour la rassurer et elle enroule ses doigts aux miens. Je suis tellement surpris par son geste que j'en oublie certainement de respirer plusieurs secondes, de peur qu'elle ne les retire si je bouge. Je n'arrive plus à me concentrer sur les consignes de l'infirmier, obnubilé par nos doigts entrelacés.
Lorsqu'il quitte la chambre, elle retire précipitamment sa main en s'excusant. Elle a l'air tout à coup abattue.
— Eh ! Ne t'excuse pas, il n'y a aucun problème.
Je ne lui laisse pas le temps de réfléchir à son point de chute après sa sortie et ajoute :
— Je vais faire tout ce que l'infirmier a dit, et me renseigner immédiatement sur les adaptations qu'il est possible d'installer dans notre baignoire.
— Je ne pourrai même pas y entrer toute seule...
— Je t'y porterai et l'infirmière t'aidera pour ta toilette, elle a l'habitude ne t'en fais pas. Je suis tellement content que tu sortes !
Je lui souris de toutes mes dents mais ses lèvres ne s'étirent que légèrement.
— Je ne me sens pas prête à sortir. Ici, dès que j'ai besoin de quelque chose quelqu'un est là. Comment je ferai quand je serai toute seule ?
Je réfléchis un instant.
— Je vais abandonner mes cours optionnels. Comme ça, je serai plus souvent à l'appart.
— Non ! C'est hors de question !
— Mais si, provisoirement, ne t'inquiète pas. Si je ne garde que le cursus obligatoire, je n'aurai que dix-huit heures de cours dans la semaine, autrement dit, quasiment rien. Je pourrai m'occuper de toi, comme ça. Et ce n'est pas la peine de protester, ma décision est prise !
— Je vais te faire bousiller ton année, et tu m'en tiendras pour responsable.
— Jamais de la vie, si je te le propose c'est que ça me fait plaisir.
— Ça te fait plaisir de t'occuper d'une pauvre fille à moitié grabataire qu'il faudra porter jusque sur les toilettes ? Je ne suis même pas sûre de supporter ça moi-même.
— Ce n'est qu'un détail. Dans quelques mois tout ça ne sera qu'un mauvais souvenir et tu verras qu'on en rira.
Comment lui dire que je ferais n'importe quoi pour elle, sans passer pour un fou ? La seule chose que je veux, c'est la garder auprès de moi, peu m'importe si le quotidien est difficile et si moi je dois en pâtir. Je me lève et dépose un baiser sur son front.
— Je vais commencer à préparer ton arrivée, je reviens demain matin. Repose-toi.
Quand j'atteins la porte, la voix de Calixte me fait rougir.
— Merci d'être là pour moi Hélio.
— Je t'en prie.
Et je quitte la pièce.

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Calixte
RomanceClotaire rentre plus amoureux que jamais de son séjour à Londres avec Calixte, une étudiante timide qu'il a rencontrée dans l'Eurostar. Il l'installe dans la colocation qu'il partage avec son meilleur ami, Héliodore...