Chapitre 13

366 76 13
                                    


Cinq jours plus tard, une ambulance dépose Calixte au bas de notre immeuble et les premiers obstacles s'imposent à nous. J'ai tout réaménagé dans l'appartement en anticipant les moindres problèmes, mais je n'avais pas pensé à l'extérieur. Il y a trois marches pour accéder à la porte d'entrée du bâtiment, et pas de pente douce pour les contourner. L'ambulancier prend le bras droit du fauteuil pendant que je me charge du bras gauche, et nous soulevons Calixte jusque sur le seuil. Lorsqu'il part, je prends immédiatement la parole.

— Bienvenue à la maison !

Son visage est fermé, ses yeux sont vides et son ton est cassant.

— On va faire comment quand je voudrai sortir ? On le rappellera pour qu'il t'aide ?

Je m'accroupis à sa hauteur pour l'obliger à me regarder.

— Eh ! Calixte ! C'est rien ça. Je te porterai, on prendra l'ascenseur jusque là-haut et je te poserai dans l'appart. Je redescendrai ensuite chercher ton fauteuil, c'est tout.

— OK et dans l'autre sens ?

— Je retiendrai le fauteuil, il n'y a que trois marches !

— Pfff... Ça serait quand même beaucoup plus simple pour toi si je rentrais chez mes parents. Je pense que plus rien ne me retient ici.

Je me relève et commence à la pousser pour ne plus qu'elle voie mon visage dont les couleurs ont dû se retirer. Je cherche un argument pour la faire rester, en proie à une véritable panique lorsque nous montons dans l'ascenseur.

— Si tu rentres à Belle-Ile, tu ne pourras plus suivre les cours.

— Je pourrais reprendre une chambre à la cité U à Brest.

— Sans ascenseur ? Toute seule ? Tu n'es pas sérieuse.

— Il y aurait Ysandre.

— Tu crois pas qu'elle a déjà assez à faire avec sa mère ?

— Si, bien sûr, mais il n'y a pas de raison que ce soit toi qui te sacrifies.

— C'est pas un sacrifice, et puis regarde, maintenant que Clo ne vit plus là, ça m'occupera !

Elle se retourne vivement.

— Il ne vit plus ici ?

Je réalise qu'en voulant la préserver, je ne lui ai toujours pas avoué la vérité à son sujet. Je bafouille.

— Euh... non. Enfin... si, mais là aujourd'hui il... il est pas là.

— Hélio arrête, je suis plus une petite fille. S'il m'a quittée dis-le moi.

Nous arrivons à ce moment-là à notre étage et je conduis rapidement son fauteuil jusqu'à notre porte, pour être sauvé par le gong et éviter de répondre à ses questions. Lorsque j'ouvre la porte, Ysandre lui saute quasiment dessus en hurlant « Surprise ! ».

Calixte se retourne vers moi incrédule mais le sourire retrouvé. Je referme la porte derrière nous. Notre sujet de conversation d'il y a quelques secondes s'est envolé, et Ysandre me remplace pour amener son amie au coin salon, où elle a préparé un apéritif dînatoire composé de tous les toasts et mignardises préférés de Calixte.

— Bande de petits cachottiers !

J'échange un regard avec Ysandre qui lui répond :

— On n'allait pas ne rien faire pour fêter ton retour !

— Mais on s'est eues au téléphone il y a deux jours et tu ne m'as rien dit !

— C'est le principe d'une surprise ma biche.

— Merci, vraiment.

— C'est pas moi qu'il faut remercier, moi je me suis juste contentée de ramener mon cul !

Calixte dirige son regard vers moi en me gratifiant d'un sourire radieux.

— Décidément je ne te remercierai jamais assez.

— C'est rien, vraiment. Profitez, je vous laisse entre filles. L'infirmière doit passer vers vingt heures. S'il y a le moindre problème, je suis joignable sur mon portable.

Je les abandonne à regret pour retrouver Clotaire dans un bar qu'il m'a indiqué en début de semaine lorsque nous avons échangé quelques textos. Comme prévu, il a à son bras une brune plantureuse qui le dévore des yeux. Dès que j'arrive à leur hauteur, il fait les présentations.

— Hélio, je te présente Rhéane. Rhéane, voici Héliodore.

Nous nous faisons la bise. Je ne cache même pas mon hostilité et ne m'adresse qu'à Clotaire.

— T'es sûr de ce que tu fais ?

— Complètement.

Il sourit à Rhéane et l'embrasse.

— On part demain.

— Au cas où ça t'intéresserait quand même, Calixte est sortie de l'hôpital tout à l'heure. Et je pense qu'elle mériterait de savoir. Vous êtes même pas officiellement séparés putain, et tu te barres six mois pour suivre une fille que tu connais à peine !

Rhéane intervient.

— Désolée de te contredire, mais ça fait plusieurs semaines qu'on est ensemble avec ton pote, et je pense qu'il est assez grand pour décider tout seul de ce qu'il veut faire ou non.

Je la fixe en écarquillant les yeux.

— Parce que tu trouves normal que sa copine attitrée soit bloquée dans un fauteuil roulant par sa faute pendant que monsieur se pavane à ton bras ?

— Tu vas trop loin Hélio. Fous-lui la paix, elle n'y est pour rien. Je la suis, et on s'en tient à ce qu'on a dit, pour Calixte je suis en stage pour les cours.

— Et quoi ? Quand tu reviens et que t'en auras marre de faire mumuse avec elle — je désigne vulgairement Rhéane —, tu récupères Calixte comme si de rien n'était ? Et son rôle à elle dans tout ça c'est quoi ? T'attendre bien gentiment ? Putain, mais aie des couilles pour une fois, va la voir et avoue-lui tout et au moins la situation sera saine.

— Mais c'est bon, elle a bien dû comprendre depuis le temps, que c'était terminé !

— Je pense oui, mais t'es pas honnête avec elle. On dirait vraiment que tu te la gardes égoïstement en roue de secours. Dis-lui et ça sera plus simple pour tout le monde. Elle est tellement loyale envers toi que je suis certain qu'elle va t'attendre tout ce temps.

— Pour l'instant j'ai besoin d'une vraie nana,entière. Et le cas de Calixte te préoccupe un peu trop si tu veux mon avis, pour qu'il n'y ait aucun sous-entendu là-dessous. 

— Tu me dégoûtes. Crois ce que tu veux. Va t'éclater avec Rhéane ou je sais pas quoi, mais c'est pas la peine de revenir dans six mois la queue entre les jambes et la gueule enfarinée, je pense que j'aurai bazardé les quelques affaires que t'as laissées.

— Sauf que le bail est à mon nom je te rappelle, donc techniquement c'est chez moi.

— Bon allez je me casse parce que ça va s'envenimer. Baisez bien et à très vite Clo. Je te donne pas deux mois avec elle.

Et je quitte les lieux, énervé, sans un mot de plus. 

CalixteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant