Chapitre 17

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Vers vingt-et-une heures, je fais une pause sur une aire d'autoroute. Je n'ai rien avalé depuis la veille et je meurs de faim. Calixte ouvre les yeux lorsque le moteur s'arrête et me demande où nous sommes.

— On est encore à plusieurs heures de Brest. Mais tu dois prendre tes antidouleurs avec un repas. Alors ça ne sera pas d'un goût fabuleux, mais je te propose un pique-nique improvisé avec ce que je trouverai à l'intérieur.

Je désigne la boutique du doigt.

— Qu'est-ce que tu veux manger ?

— Honnêtement rien, j'ai pas faim.

Elle repose sa tête sur le haut du siège et se tourne légèrement vers moi.

— Ça va ?

— Oui, c'est juste que je suis super fatiguée.

— Ça doit être le contrecoup de l'anesthésie. Repose-toi, je vais essayer de nous trouver un truc mangeable.

Je reviens moins de dix minutes plus tard à ma voiture les bras chargés de salades, sandwiches et sucreries diverses, espérant que Calixte grignotera un peu pour lui redonner des couleurs. Elle n'a pas bougé d'un centimètre et ses yeux sont fermés, si bien que j'hésite un moment avant d'ouvrir ma portière, de peur de la réveiller. Mais si nous ne voulons pas arriver trop tard, je n'ai pas intérêt à perdre trop de temps.

Je me faufile le plus discrètement possible à l'intérieur de l'habitacle, mais le simple mouvement que fait la voiture lorsque je pose un pied sur le tapis la réveille.

— Désolé... Je voulais te laisser dormir.

— Je ne dormais pas, t'inquiète pas. T'es sûr que t'en as pris assez ?

Mes bras chargés l'amusent clairement et son visage se fend d'un sourire. Elle accepte de picorer quelques denrées, et d'avaler ses médicaments pendant que je dévore sans retenue tout ce qui ne lui fait pas envie. Nous reprenons la route en suivant et, le repas lui ayant visiblement redonné de l'énergie, nous bavardons de tout et de rien jusqu'au moment où nous arrivons à destination.

Une fois garé sur le parking de l'hôtel, je prends nos affaires et aide Calixte à s'extirper de la voiture, en lui faisant passer ses béquilles. Je nous ai réservé deux chambres simples, en précisant que je souhaitais qu'elles communiquent.

Nos chambres sont spartiates mais impeccables, et ma requête a été respectée. Nous laissons la porte communicante déverrouillée pour qu'en cas de problème, je ne perde pas de temps. Il est minuit passé quand notre installation est terminée, et chacun d'entre nous se dirige vers son lit et sombre dans un sommeil profond.

Le lendemain matin, je suis réveillé en sursaut par Calixte qui m'appelle pourtant tout doucement. Mais lorsque j'ouvre les yeux et que je la vois devant mon lit, je bondis de surprise.

— Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur !

Je lui souris et remarque qu'elle est déjà habillée.

— Il est quelle heure ?

— Presque neuf heures.

— Putain ! J'ai dormi comme un bébé, désolé, je me lève tout de suite et on va prendre notre petit déj'.

Je sors du lit en caleçon et enfile un tee-shirt.

— J'ai pas très faim...

— C'est pas négociable ! Tu manges, sinon je te fais avaler la bouffe de force !

Elle secoue la tête en riant, et s'assoit sur le bord de mon lit.

— Le plâtre t'a pas trop gênée pour dormir ?

— Bizarrement non, je pense que j'étais tellement crevée par l'opération que je me suis endormie comme une masse.

— Tant mieux.

Je passe un bermuda et l'aide à se lever, tout en sachant très bien qu'elle n'en a pas besoin, mais je savoure ce bref contact. Nous descendons dans la salle de petits déjeuners, j'installe Calixte à une table et pars lui préparer un plateau après lui avoir demandé ce qu'elle souhaitait.

Quand nous avons terminé, je la conduis auprès d'Ysandre et les amène toutes les deux dans le centre de thalassothérapie dans lequel j'avais réservé des soins pour elles deux pour l'anniversaire de Calixte, dont la soirée avait malheureusement tourné court. Je flâne dans les rues de Brest en attendant que la journée se termine puis retourne les chercher, et nous passons la soirée ensemble, au restaurant d'abord, et dans un bar du centre-ville ensuite. Finalement, Ysandre rentre avec nous à l'hôtel et la mince cloison entre nos deux chambres me permet d'entendre qu'elles discutent jusque tard dans la nuit, avant de s'endormir, même si je ne distingue pas ce qu'elles se racontent.

Le lendemain, nous prenons la route pour le bord de mer malgré les protestations de Calixte. Ysandre installe un véritable campement pour la journée avec parasol et matelas pendant que je porte Calixte qui ne peut se déplacer sur la plage avec ses béquilles. La tenir serrée contre moi me ravit et je la garde dans mes bras plus longtemps que nécessaire, prétextant qu'Ysandre n'a pas tout à fait terminé la mise en place de son matelas. Quand Calixte est confortablement allongée, je m'éloigne pour les laisser tranquillement discuter et me dirige vers l'océan. Je m'immerge rapidement, espérant que l'eau fraîche me remette les idées en place. Calixte m'obsède de plus en plus, et même là, à plusieurs dizaines de mètres d'elle, je ne peux m'empêcher de regarder dans sa direction dès que je sors la tête de l'eau. Je reste ainsi éloigné plus de deux heures et finis par les rejoindre. Ysandre me saute quasiment dessus quand j'arrive à leur hauteur.

— Putain, mais tu fais la gueule ou quoi Hélio ?

— Non, pas du tout pourquoi ?

Je m'essuie rapidement le visage et la regarde les yeux écarquillés.

— Ben hier tu te débarrasses de nous en nous larguant en thalasso, là, dès qu'on est installés tu te barres dans l'eau. On pue ou quoi ?

— Mais non ! Je pensais juste que vous préféreriez être tranquilles toutes les deux. Mais s'il n'y a que ça pour vous faire plaisir, je reste avec vous mesdemoiselles !

Je m'allonge sur ma serviette à même le sable et m'appuie sur le coude en me tournant vers elles.

— Alors, de quoi vous parliez ?!

Calixte baisse les yeux et garde le silence.

— De ton connard de pote, répond Ysandre.

— Oh, OK. Et vous disiez quoi ?

— Je prouvais à Calixte que c'était qu'un bâtard, mais madame s'interroge.

— C'est-à-dire ?

Calixte sort de son mutisme.

— Je pense toujours à lui malgré ce qu'il m'a fait. Je me demande si c'est pas juste pour me préserver qu'il ne m'en a pas parlé. Il me tarde qu'il rentre enfin et qu'on puisse s'expliquer.

J'avais bêtement pensé qu'elle était en train de l'oublier ces dernières semaines car elle n'abordait plus du tout le sujet. Cette révélation me fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre. A l'évidence, elle est toujours amoureuse de lui.

CalixteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant