Chapitre 16

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Je n'obtiens pas de réponse à mon texto et me dirige vers l'auberge de jeunesse la plus proche en quête d'un lieu pour passer la nuit. Je sais déjà que j'y resterai tant que Calixte ne me demandera pas de rentrer. J'atterris dans un dortoir bruyant de quatre lits superposés et m'installe sur le lit du haut qui m'est octroyé, croise les bras derrière ma tête et perds mon regard dans les tâches suspectes du plafond. Moins d'un quart d'heure plus tard, je sors du bâtiment, le téléphone collé à l'oreille.

J'explique la situation à Ysandre, la supplie de convaincre son amie de retourner à l'appartement et lui demande de venir le plus rapidement possible, afin que Calixte ne reste pas seule. Ysandre me promet de faire du mieux possible et m'informe deux jours plus tard qu'elle est arrivée à Paris, que Calixte est bien retournée à la collocation et qu'elle ne la quittera pas. Elle me promet également de me donner des nouvelles chaque jour et m'assure que je n'ai aucune raison de m'inquiéter.

Je noie mon ennui dans le travail en ajoutant à mon emploi du temps le service du midi, demandant à mon patron de ne pas me donner mes journées de repos pour m'empêcher de me morfondre, seul dans mes pensées.

Pendant toute la semaine où Ysandre a réussi à se libérer pour rester auprès de son amie, elle m'envoie de nombreux textos pour me tenir au courant de la situation. Calixte m'en veut énormément de lui avoir caché la vérité et considère que je ne vaux pas mieux que Clotaire. Cette idée me porte un coup au cœur. Je laisse de la distance entre nous et même si cela me fait souffrir, je ne lui envoie aucun message et je ne cherche pas à l'appeler, sachant qu'elle ne me répondrait pas.

Alors lorsque mon téléphone sonne à une heure du matin, un soir après qu'Ysandre est rentrée chez elle, et que je vois le nom de Calixte s'afficher, je comprends immédiatement qu'il y a un problème. Je n'entends que des sanglots au bout du fil.

— Calixte, qu'est-ce qui se passe ? Où es-tu ?

Comme je n'obtiens pas de réponse, j'insiste.

— Calixte ! Calixte ! Est-ce que tu m'entends ?? Parle-moi s'il te plaît !

Je me suis dirigé vers mon casier sans réfléchir et ai déjà ôté mon tablier. J'indique à mon patron que j'ai une urgence et il m'autorise à m'absenter. Je pars en courant sans jamais rompre le contact avec Calixte, lui indiquant que j'arrive, qu'elle ne s'inquiète pas et qu'elle ne bouge surtout pas. Je vole littéralement jusqu'à notre appartement et monte les marches quatre à quatre pour ne pas perdre de temps à attendre l'ascenseur. Lorsque j'ouvre la porte avec fracas, je suis soulagé de la trouver ici, malgré sa mauvaise posture. Calixte est allongée près de l'îlot central, visiblement évanouie, le bas de la jambe droite de son pyjama couvert de sang.

Je me précipite à ses côtés sans cesser de l'appeler et la secoue légèrement.

Elle ouvre les yeux, et j'y vois un éclair de panique immédiatement remplacé par un soulagement évident.

— Qu'est-ce qui s'est passé ??

Elle se met alors à pleurer en tente de se redresser en grimaçant.

— Ne bouge pas, j'appelle le SAMU !

— J'ai glissé.... j'ai mal...

La forme que je distingue en train de pointer au niveau de son tibia me fait imaginer le pire pour sa jambe mais j'essaie de la rassurer.

— Tu t'es peut-être effectivement cassé la jambe, mais c'est rien à côté des mois que tu viens de traverser.

Je lui fais mon plus beau sourire.

— Un plâtre et le tour est joué ! Dans trois semaines tu galoperas !

— J'en peux plus, ça finira jamais.

Je me penche au-dessus d'elle et glisse mes mains sous son dos pour la prendre dans mes bras en attendant l'arrivée des secours. Je la berce lentement pour apaiser les sanglots qui la secouent violemment. Nous restons silencieux un moment puis je murmure à son oreille :

— Je suis vraiment désolé de t'avoir menti. Clo est mon meilleur ami, je croyais devoir être loyal envers lui mais j'en ai été déloyal envers toi. Je l'ai quasiment supplié de te dire la vérité avant qu'il ne parte, et je pensais bêtement que ça n'était pas à moi de te la dire. Je te présente mes plus sincères excuses. Ça me tue que tu m'en veuilles...

Calixte soupire doucement dans mes bras et j'ai l'impression qu'elle s'y blottit en resserrant son étreinte.

— Moi aussi je suis désolée d'avoir fui. Le seul connard dans l'histoire c'est Clotaire.

Nous sommes interrompus par l'arrivée des secours. Le médecin nous confirme que son tibia ou son péroné sont effectivement cassés, car un fragment d'os pointe, et a provoqué l'hémorragie. Calixte est chargée sur une civière et encaisse la douleur sans rien dire, exerçant simplement une pression plus forte sur ma main aux moments où je suppose qu'elle souffre.

À notre arrivée à l'hôpital, elle est à nouveau opérée, plâtrée, et en début de matinée, remontée dans une chambre où je l'attends en luttant pour ne pas m'endormir. J'ai l'impression d'avoir passé tout mon temps dans cet endroit ces derniers mois, et j'imagine déjà que le moral de Calixte sera au plus bas lorsqu'elle se réveillera.

Je préviens mon patron que je ne pourrai assurer le service pour les trois jours à venir, et, compréhensif, il me rappelle non sans humour que j'ai plusieurs jours de congés en attente. Je passe ensuite un coup de fil à Ysandre pour lui expliquer la situation et la prévenir de notre arrivée. Il faut absolument que Calixte se change les idées et je n'ai qu'une envie, la conduire auprès de sa meilleure amie.

Dès qu'elle ouvre un œil, je l'accueille d'un immense sourire et lui fais part de mon idée, sans lui laisser le choix d'accepter ou de refuser. Ce n'est pas une question, c'est une affirmation.

Nous quittons l'hôpital en fin d'après-midi, passons à l'appartement pour faire son sac, et nous nous arrêtons en route à l'auberge de jeunesse où je récupère toutes mes affaires. Nous partons ensuite pour notre long trajet à destination de la Bretagne. Encore affaiblie par son opération, Calixte s'endort rapidement, bercée par le ronronnement du moteur, et je ne peux m'empêcher de la regarder en souriant. Sa présence m'a tellement manqué que je dois presque me gifler pour me concentrer sur la route et non sur ma passagère.

CalixteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant