Ysandre est effondrée à l'idée de devoir rentrer chez elle en laissant Calixte dans cet état. Je lui raconte alors quel cadeau j'avais prévu pour son anniversaire et m'engage à ce qu'il se réalise pour tenter de la rassurer lorsque je l'abandonne sur le quai de la gare, en n'oubliant pas de lui promettre de ne pas lâcher son amie et de la soutenir quotidiennement.
Je rentre ensuite à l'appartement, Clotaire m'ayant prévenu que la famille de Calixte avait investi l'hôpital à ses côtés et qu'ils ne comprendraient pas forcément ce que j'aurais pu faire sur place. Je le soupçonne d'inventer un prétexte pour m'écarter et être moins mal à l'aise à cause de la situation, mais je m'exécute. Le lendemain, je décide de retourner en cours, me persuadant que ma présence y est indispensable pour récupérer le travail pour Calixte. Je me répète comme un mantra qu'elle va se réveiller, et que tout finira par rentrer dans l'ordre. Clotaire passe la journée à l'hôpital et lorsqu'il rentre en fin d'après-midi, il m'informe que la famille de Calixte va rentrer et ne reviendra que pour le week-end, le réveil du coma artificiel étant repoussé d'au moins vingt-quatre heures. Il semble à bout de forces.
— T'as pu la voir ?
— Non, toujours pas, uniquement ses parents et sa sœur, à travers une vitre, et seulement quelques minutes. Ça sert à rien de toute façon, on peut pas l'approcher.
— Elle ressent sûrement leur présence.
— Arrête tes conneries, elle est complètement dans les choux ! Et si ça se trouve, elle en reviendra jamais.
— Quel optimisme ! C'est sûr qu'avec des pensées aussi positives, tu vas vraiment l'aider...
— Je sais plus ce que je dois penser, Hélio. Je devrais me sentir coupable, parce que finalement si je l'avais pas trompée, l'autre connard lui aurait rien balancé et elle serait pas partie en courant. Mais le pire c'est que j'éprouve même pas de remords, et j'ai envie que d'une chose, là, tout de suite, c'est d'aller me perdre dans Calandra et oublier toute cette merde.
— T'es pas sérieux...
Je m'énerve carrément et lui crie dessus sans retenue.
— Bien sûr que c'est de ta faute, putain ! Elle est adorable avec toi, elle demande rien et toi tu te conduis comme un bâtard ! Tu peux me dire quel bobard t'as servi à ses parents pour expliquer l'accident ?
— Va te faire foutre.
Sur ces paroles, il quitte l'appartement en claquant violemment la porte. Je reste interdit plusieurs minutes puis me permets une intrusion dans leur chambre. Je cherche des yeux ce qui pourrait ressembler à un flacon de parfum féminin, et lorsque je le trouve, j'en envoie une pulvérisation sur un mouchoir. Je le porte à mes narines et le respire profondément quelques secondes avant de le glisser dans ma poche de pantalon. L'odeur boisée encore présente dans mon esprit, je sors de la pièce, prends mes clés de voiture et fonce à l'hôpital. Il faut que je la voie.
Je me fais passer pour son frère à l'accueil et l'infirmière en poste me conduit jusqu'au service de réanimation après m'avoir fait revêtir des vêtements de protection jetables. J'emploie les dix petites minutes dont je dispose à lui envoyer de bonnes ondes. Elle a l'air si fragile, allongée sur son lit, et reliée à tout un tas de tuyaux et de machines dont les bips me parviennent à travers la vitre. Je voudrais tellement la serrer dans mes bras, lui tenir la main pour qu'elle sente ma présence.
Bien trop rapidement à mon goût, l'infirmière réapparaît et m'invite à quitter les lieux. Elle me confirme que je pourrai revenir le lendemain à la même heure, où théoriquement aura lieu son réveil, mais que je ne serai pas autorisé à la voir pendant les soins. Je rentre donc à l'appartement, toujours désert.
Le lendemain matin, toujours pas de trace de Clotaire. Je vais en cours et file à l'hôpital dès le milieu d'après-midi. On m'explique que l'état de Calixte est maintenant stabilisé, et qu'elle est déjà en salle de réveil. Je serai donc autorisé à la voir quelques minutes en toute fin d'après-midi. Incapable de me concentrer sur autre chose, je décide de patienter sur place jusqu'au moment où je pourrai enfin l'approcher. Et après des heures qui me paraissent interminables, je peux enfin lui serrer la main. Elle n'ouvre pas les yeux lorsque je lui dis combien je suis heureux qu'elle soit réveillée, mais deux grosses larmes roulent sur ses joues. Je tire le mouchoir parfumé de ma poche et tamponne délicatement son visage encore tuméfié, sans lâcher sa main. Elle opère une légère pression que j'interprète comme un remerciement et lui souris, même si elle ne le voit pas. Je reste à ses côtés le temps que l'on me permet puis la quitte en lui promettant de revenir le lendemain.
Et je m'y tiens. Lorsque je lui rends visite, cette fois, elle a les yeux grands ouverts et ses lèvres esquissent un sourire. Elle est encore incapable de parler mais je lui propose de me serrer une fois la main pour oui, et deux fois pour non. Elle me répond ne pas souffrir et ne pas s'ennuyer. Comme je vois que l'exercice la fatigue, je lui parle du départ d'Ysandre, du cadeau d'anniversaire que je lui ai préparé, et des cours à la fac. A aucun moment je n'aborde le sujet Clotaire. Nous discutons ainsi un quart d'heure avant que l'infirmière ne me demande de la laisser se reposer. Je m'exécute en déposant un baiser sur sa main et l'abandonne malgré moi.
Chaque jour jusqu'à la fin de la semaine, je lui rends visite sur la pause méridienne, et en fin de journée. Son état s'améliore rapidement, les bleus sur son visage s'estompent et ses traits dégonflent. Le vendredi, elle commence déjà à chuchoter. Je lui raconte alors que je me suis fait passer pour son frère auprès des infirmières, et que je ne viendrai pas la voir le week-end qui suit, car ses parents et sa sœur ont prévu de le faire. Elle se contente de hocher la tête avant d'hésiter, puis elle chuchote le prénom de Clotaire sur un ton interrogatif.
— Je ne sais pas où il est. Je ne l'ai pas vu de la semaine.
Pour apaiser mes paroles, j'ajoute en sachant que ce n'est pas la vérité :
— Je pense qu'il doit se sentir coupable, et qu'il n'ose pas venir te voir. Tu as envie qu'il vienne ?
— Oui, répond-elle dans un souffle avant de fermer les yeux.
Ne souhaitant la fatiguer davantage, je l'embrasse sur le front et la quitte à regret. Le désespoir que j'ai lu dans ses yeux me déchire le cœur, mais je peux comprendre qu'elle ait besoin d'explications. A peine arrivé à ma voiture, je déroule ma liste de contacts et appelle mon meilleur ami.

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Calixte
RomantikaClotaire rentre plus amoureux que jamais de son séjour à Londres avec Calixte, une étudiante timide qu'il a rencontrée dans l'Eurostar. Il l'installe dans la colocation qu'il partage avec son meilleur ami, Héliodore...