Chapitre 18

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Je finis par me taire à mon tour et m'allonge complètement sur ma serviette en me vissant les lunettes de soleil sur le nez, comme pour couper court à tout échange.

J'entends vaguement Ysandre réprimander Calixte de sa façon peu délicate, et finis par me perdre dans mes pensées. Je suis devenu un véritable toutou qui attend le bon vouloir de Calixte depuis des mois, et mon attitude me dégoûte carrément. Je ne fais plus rien qu'en fonction d'elle, et il faut que j'arrête les frais. Je reste silencieux tout le reste de la journée et les laisse entre filles pour le dîner, dans le restaurant situé au bas de l'hôtel. Peu après minuit, alors que je dors à moitié couché sur mon lit devant la télévision, la porte mitoyenne s'ouvre tout doucement. Calixte entre, s'approche de moi et se laisse tomber sur mon lit en lâchant ses béquilles. Je me relève et me frotte les yeux en attendant qu'elle prenne la parole. Elle plante son regard dans le mien de longues secondes et je ne parviens pas à distinguer son humeur. Brusquement, elle m'interpelle sans détour, en souriant bizarrement.

— Ysandre pense que tu es trop gentil avec moi pour que ce soit innocent.

Sa voix est traînante. Je décide de faire diversion.

— Vous avez picolé ?

— Juste ce qu'il faut pour me sentir trèèèès bien !

—Je vois ça. Ysandre est dans ta chambre ?

— Non, elle a appelé un copain à elle.

— Fallait venir me chercher, je pensais la ramener.

— T'as pas répondu à ma question.

— J'ai pas eu l'impression que c'était une question.

Elle réfléchit un instant en s'allongeant sur mon lit et en plaçant ses bras derrière sa tête.

— C'est vrai...

Elle ferme ses yeux en bâillant et au bout de quelques minutes seulement, sa respiration se fait régulière, alors j'en déduis qu'elle s'est endormie. Je lui ôte son unique chaussure et la décale légèrement pour qu'elle soit mieux installée, puis me dirige dans sa chambre pour prendre ses draps et sa couverture, que je place sur elle, n'osant pas la soulever pour la glisser dans mon lit, de peur de la réveiller. Je passe plus d'une heure à la regarder dormir paisiblement, me demandant indéfiniment où il vaut mieux que je m'installe pour terminer la nuit. N'y tenant plus, je me faufile à ses côtés, dans mon lit, sous son drap et sa couverture. Après quelques minutes supplémentaires à l'observer, j'éteins la lumière et me force à me tourner du côté opposé au sien pour trouver le sommeil.

Le matin, je me réveille en sueur, ne comprenant pas comment la température a pu monter ainsi alors que l'hôtel est climatisé. Lorsque je tente de me découvrir, je réalise que Calixte a bougé pendant la nuit, et qu'elle dort blottie contre moi, la tête posée sur mon torse. Mon mouvement, pourtant très bref, la réveille et elle relève la tête vers mon visage, un sourire aux lèvres.

— Il semblerait que je me sois décalée, désolée !

Elle s'écarte alors de moi et s'assied en étirant ses bras. J'essaie tant bien que mal de masquer mon trouble évident.

— Pas de souci. Bien dormi ?

— Oui, mais j'ai super mal à la tête.

— Je crois que vous avez un peu abusé de l'alcool hier soir avec Ysandre.

— Oh oui je te confirme... Je me souviens être venue discuter, je sais plus trop de quoi, avec toi, et puis plus rien.

— Tu t'es allongée pendant qu'on parlait et tu t'es endormie. Du coup j'ai pas osé te réveiller.

— Désolée.

Nous échangeons un nouveau sourire puis elle rompt le charme en se retournant pour se lever. Je la précède et lui fais passer ses béquilles. Nous restons silencieux et elle regagne sa chambre. J'entends l'eau de sa douche quelques minutes après, et fais de même. Ensuite, je m'habille rapidement et rassemble mes affaires, puis frappe à notre porte commune. Lorsqu'elle m'invite à entrer, elle est elle-aussi changée, et est en train de boucler son sac.

Nous quittons l'hôtel après le petit déjeuner puis nous prenons la route vers Quiberon, d'où nous devons prendre le bateau pour Belle-Ile-en-Mer. Malgré ses protestations du début, elle a fini par accepter ma proposition de la conduire auprès de ses parents pour quelques heures, avant de rentrer à Paris. Après la traversée, je lui propose de l'attendre à proximité de l'embarcadère pendant qu'un taxi l'amène voir sa famille.

Elle me retrouve au lieu indiqué un peu plus de trois heures après, la mine vraiment réjouie. Je suis heureux que cette visite lui ait mis du baume au cœur. Nous passons la traversée et le chemin de retour à discuter, et jamais elle ne revient sur le sujet qui m'avait mis mal à l'aise la veille. Nous plaisantons ensemble de choses et d'autres, et lorsque nous franchissons enfin la porte de notre appartement, nos visages s'éteignent, le mien plus brusquement encore que le sien. La serrure n'est pas verrouillée. Clotaire est assis sur le canapé, torse nu, une bière à la main, et se lève dès que nous passons la porte. Il se dirige vers Calixte et commence à l'embrasser, comme si de rien n'était.

CalixteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant