Calixte me dévisage de la tête aux pieds, et je ne sais comment interpréter son regard.
— J'ai vu en bas que tout le monde est super classe, ça craint, j'ai pas pris de fringues adaptées.
— Mais non, c'est très bien comme ça. Pas besoin de te mettre sur ton trente et un.
— Dit-elle alors qu'elle a revêtu ses plus beaux atours...
— C'est pas pareil, c'est mes parents !
— Et je suis censé être leur futur gendre...
Elle penche la tête sur le côté, place ses mains sur mes épaules et me regarde droit dans les yeux.
— Ne stresse pas, je t'assure, tu es très beau comme ça.
Tout en se retournant, elle ajoute quelques mots en chuchotant, si bas que je ne sais même pas si elle n'a pas tout simplement pensé à voix haute.
— De toute façon c'est moi qui vais être épiée sous toutes mes coutures, crois-moi, pas toi...
Elle enfile des chaussures à talons que je ne lui ai jamais vues, et ouvre le porte de la chambre en m'invitant à la suivre.
— Prêt ?
— Prêt. J'ai pas l'habitude de te voir habillée comme ça. Tu es... incroyablement belle. Va falloir que je me concentre pour ne pas baver !
Elle me donne un coup de coude taquin et glisse sa main dans la mienne puis nous descendons au rez-de-chaussée. Tout le monde a déjà investi le jardin, et lorsque nous franchissons le seuil de la terrasse, je sens la main de Calixte trembler de plus en plus, et devenir moite. Je tourne mon visage vers elle et l'interroge.
— Ça va ?
Elle inspire un grand coup, puis souffle.
— Il faut que ça aille.
Je ne comprends pas sa réaction, elle semble au bord du malaise, des gouttes de sueur perlant carrément sur son front et au-dessus de sa lèvre supérieure.
— C'est pas une réponse ça, je vois bien que ça va pas, tout à coup.
Nous sommes plantés au beau milieu de la terrasse et son état m'inquiète de plus en plus.
— On retourne à l'intérieur.
Je tente de la tirer par la main en sens inverse mais elle résiste et ajoute, comme pour elle-même :
— C'est juste un mauvais moment à passer.
J'ai l'impression que la situation m'échappe totalement mais n'ai pas le temps de m'interroger davantage car sa mère vient à notre rencontre. Calixte lâche ma main et place les siennes dans celles de sa mère qui la regarde droit dans les yeux avec un petit hochement de tête, comme pour l'encourager silencieusement. Je me sens de trop mais me replonge dans mon rôle à corps perdu, sentant tout le soutien dont Calixte a besoin, même si j'en ignore la raison. Je place ma main au creux de ses reins et elle semble à nouveau se rappeler de ma présence. Sa mère laisse retomber ses mains et me tapote l'épaule en me chuchotant un merci à l'oreille lorsqu'elle s'éloigne.
— Tu m'expliques ce qui se passe ?
— Rien... C'est juste que c'est la première fois que ma famille va me revoir depuis...
Elle s'interrompt mais j'insiste, conscient que quelque chose de grave m'échappe.
— Depuis ?
Son air est complètement hagard, sa réponse, mécanique, semble lui avoir échappé des lèvres inconsciemment.
— Depuis... mon opération...
Je souris et expire bruyamment l'air emmagasiné trop longtemps dans mes poumons.
— On s'en fout de ça, t'as plus de béquilles, plus de séquelles, plus rien ! Je vois pas où est le problème !
Je ne peux m'empêcher de lui embrasser la tempe en la serrant contre moi de soulagement.
— Tu m'as fais peur, putain, j'ai cru que t'allais m'annoncer un truc horrible !
Elle me sourit faiblement et je desserre mon étreinte lorsque j'aperçois dans mon champ de vision un couple se dirigeant droit vers nous. Calixte replace sa main au creux de la mienne et plaque un sourire de façade sur son visage qui me fait presque froid dans le dos. Je réalise alors que la sensation de malaise ne m'a pas quitté, Calixte me cache vraiment quelque chose.
— Calixte, mon dieu mais c'est bien toi ! Quel changement, c'est à peine croyable ! Tu es magnifique.
La dame du couple embrasse Calixte et soulève son bras pour la faire tourner sur elle-même tandis que son mari garde les lèvres closes. Après quelques secondes d'hésitation, il lui tend la main pour la lui serrer. Cette réaction me surprend et lorsqu'ils s'éloignent, Calixte m'apprend qu'il s'agit de son oncle et de sa tante, la sœur de son père.
— Il est bizarre, non, ton oncle ?
— Un peu, n'y fais pas attention.
— Ils ne m'ont même pas salué...
— N'y prête pas attention, je t'assure. Ma famille est un peu... particulière.
A nouveau perdue dans ses pensées, elle ajoute :
— C'est un choc pour eux...
— Un choc ? Mais de quoi tu parles, Calixte ?
Je fronce les sourcils mais n'obtiens pas plus d'explications. Nous avons atteint la pelouse et c'est un véritable bain de foule qui nous assaille. Chacun se précipite sur Calixte, la complimentant sur sa toilette et son physique, allant jusqu'à faire des commentaires que je juge déplacés tellement ils sont intrusifs. Je m'éloigne petit à petit et la laisse à la joie des retrouvailles, totalement désemparé par les dizaines de questions qui tournent en boucle dans ma tête, provoquées par la réaction incompréhensible de Calixte.

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Calixte
RomanceClotaire rentre plus amoureux que jamais de son séjour à Londres avec Calixte, une étudiante timide qu'il a rencontrée dans l'Eurostar. Il l'installe dans la colocation qu'il partage avec son meilleur ami, Héliodore...