Nous prenons finalement notre repas en silence, sans détacher notre regard l'un de l'autre. Lorsqu'elle se lève de table pour attraper une grappe de raisin dans le réfrigérateur, je la rejoins et lui enserre la taille, la tenant blottie contre moi fermement. Elle ne se retourne pas, reste immobile mais ne me repousse pas non plus.
— Tu es tellement importante pour moi, Calixte.
Je pose mon menton sur son épaule et observe son profil en attendant sa réponse. Elle détache mes mains et me regarde enfin.
— Tu l'es aussi, Hélio. Tu es le meilleur ami que je n'ai jamais eu après Ysandre.
Sa dernière phrase me fait l'effet d'une douche froide. Elle a volontairement appuyé sur les mots meilleur ami, anéantissant brusquement mes espoirs. Sa réaction est claire, elle me considère comme son ami, et ne souhaite pas autre chose. Je me décale et reviens à ma place. Je dois avoir une sale tête car elle ajoute aussitôt :
— Je suis désolée Hélio. Je me dois d'être honnête avec toi. Je t'adore, vraiment, tu peux me croire. Mais pas de la façon dont toi tu sembles tenir à moi.
Je baisse les yeux sur le verre dans lequel je viens de boire, avale difficilement ma gorgée et me lève d'un bond, faisant tomber mon tabouret. Sans une parole, je récupère mon sac à dos, et pars en claquant la porte.
Je l'entends m'appeler et m'engouffre en vitesse dans l'ascenseur. Lorsque j'arrive à ma voiture, elle sort à cloche-pied de l'immeuble et se dirige vers moi le plus rapidement qu'elle le peut, dès qu'elle m'a repéré. J'imagine que sa jambe la fait souffrir et me résigne à l'attendre pour savoir ce qu'elle a à me dire.
— Ne pars pas s'il te plaît, dit-elle tout essoufflée.
— Si, je...
— Non, laisse-moi parler, écoute ce que j'ai à te dire.
J'acquiesce en hochant la tête et l'invite à s'appuyer contre la carrosserie de ma voiture pour la soulager.
— Je n'ai pas envie de me replonger dans une relation après l'échec de la dernière. Ce n'est pas toi le problème, c'est moi. J'ai besoin de légèreté...
— Tu veux juste t'envoyer en l'air ? Pas de souci, ça me va aussi !
Je lui souris de toutes mes dents et ses lèvres s'étirent également, me prouvant qu'elle a parfaitement saisi l'ironie dans ma voix.
— Arrête Hélio. Ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas l'énergie de recommencer quelque chose pour le moment.
Mon visage s'éclaire à nouveau.
— Pour le moment... Je peux être très patient tu sais...
Elle me regarde en souriant.
— Sois sérieux un peu !
— Je n'ai jamais été aussi sérieux. Et je parie qu'avant Noël je t'aurai fait craquer.
Elle me regarde et son œil qui frise me fait comprendre qu'elle accepte le défi, à ma plus grande surprise. Ce qu'elle confirme dans les secondes qui suivent.
— Tu as à peine plus de trois mois, ça me paraît difficile, mais... top chrono !
Elle s'écarte de ma voiture et repart en direction de l'entrée de l'immeuble. À mi-chemin, elle se retourne et m'envoie un baiser de la main, le visage toujours empreint de malice. Je secoue la tête, m'installe derrière le volant et appuie ma tête contre le siège. Cette fille va me rendre fou...
Je prends un moment pour réfléchir à la situation. Calixte s'est montrée ouverte et cela me ravit. Maintenant, il faut que je m'organise. Je décide de ne pas perdre de temps et commence à échafauder un plan. Je dois passer un maximum de temps avec elle et la traiter comme une princesse si je veux espérer la conquérir avant l'échéance définie. Sa réaction m'a totalement surpris, jamais je n'aurais pensé qu'elle accepte si facilement.
Je sors finalement de ma voiture et regagne l'appartement. Je trouve Calixte en train de lire sur la terrasse. Dès que j'arrive à sa hauteur, elle pose son livre sur ses genoux et me demande, de but en blanc :
— Quelque chose de prévu ce week-end ?
Elle me prend de court.
— Eh bien puisque tu en parles je t'aurais bien proposé une petite escapade, à l'endroit de ton choix.
— Parfait ! Alors ce sera Belle-Ile. J'ai un petit service à te demander...
— Tout ce que tu veux.
— Attends que je t'explique avant d'accepter...
Je m'installe sur la chaise en face d'elle, sur laquelle elle avait posé ses pieds pour étendre ses jambes pendant sa lecture, et repose ses pieds sur mes genoux.
— Je t'écoute.
— C'est l'anniversaire de mariage de mes parents. La date a été fixée au printemps. Ils vont fêter leurs trente ans de vie commune.
— Tu veux que je t'y amène ?
— Non, pas exactement. En fait, mes parents m'avaient déjà envoyé deux billets de train.
— Deux ?
Elle enlève ses pieds de mes genoux et regarde subitement au loin.
— Un pour moi, et un pour... toi.
— Pour moi ?
Elle baisse la tête et ferme les yeux. Après quelques interminables minutes de silence, elle les rouvre, sans relever la tête.
— Mes parents pensent que l'on est ensemble.
Je me redresse brusquement, malgré moi.
— Et pourquoi est-ce qu'ils croient ça ?
Calixte ferme à nouveau les yeux. Je me rapproche d'elle et lui prends les mains.
— Eh ! C'est que moi ! Explique-moi sans te cacher !
— Je leur ai dit qu'on était en couple.
Je suis abasourdi. Positivement abasourdi. Mais j'essaie de contenir mon enthousiasme.
— Parce que... ?
— Parce qu'après l'accident, ils ont voulu porter plainte contre le chauffard qui m'a renversée, ne connaissant pas toute l'histoire. Et pour les en dissuader, je leur ai raconté que tu t'étais déjà occupé de tout.
— Et... ?
— Et ils m'ont régulièrement demandé où ça en était, et je leur disais toujours que tu gérais toute l'affaire seul, pour ne pas m'inquiéter. Que tu étais quelqu'un de formidable et que j'avais toute confiance en toi.
À ces mots, je ne peux m'empêcher de sourire à nouveau, pendant qu'elle poursuit.
— Et ils en ont déduit qu'on était ensemble. Et je ne les ai pas détrompés.
— Mais pourquoi ?
— Par lâcheté, sans doute...
— Ne te dévalorise pas, s'il te plaît, je déteste ça.
— Alors disons que c'était plus simple comme ça pour moi.
— Donc ils s'attendent à ce qu'on débarque tous les deux en amoureux ce week-end ?
Elle me donne une petite tape sur l'épaule.
— Arrête !
— Ben non, ça me va, moi ! Donc le programme, c'est quoi ?
— On prend le train vendredi en fin d'après-midi, pour attraper la dernière traversée pour Belle-Ile. Samedi midi, repas, et le soir, on finit les restes. Dimanche, je pourrais te faire visiter l'île, si ça t'intéresse, et on a le train retour à vingt-et-une heures.
— Parfait, il me tarde déjà d'y être.
Je me lève, lui dépose un baiser sur le front et regagne ma chambre, le cœur léger.
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Calixte
Storie d'amoreClotaire rentre plus amoureux que jamais de son séjour à Londres avec Calixte, une étudiante timide qu'il a rencontrée dans l'Eurostar. Il l'installe dans la colocation qu'il partage avec son meilleur ami, Héliodore...