Chapitre 20

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Le lendemain matin, après une nuit sans sommeil recroquevillé dans ma voiture, je suis à la faculté dès l'ouverture des bureaux administratifs pour modifier mes options. Je tiens à rester éloigné de Calixte le plus possible. Je change tous mes travaux dirigés pour ne plus suivre les mêmes qu'elle, et m'arrangerai pour m'installer à son opposé pendant les cours en amphithéâtre.

À l'heure officielle de la rentrée, je scrute malgré moi la foule des étudiants à la recherche de mes deux colocataires. Sans succès. Je retrouve d'anciennes connaissances que j'avais plus ou moins laissées tomber l'an passé à cause de Calixte, et m'assois à leurs côtés dès que nous pénétrons dans la salle commune. Les informations habituelles nous sont données, et je n'écoute les intervenants que d'une oreille distraite. Mon cerveau fonctionne à plein régime et émet tout un tas d'hypothèses expliquant l'absence de Calixte. Elle qui est si sérieuse, une telle attitude ne lui correspond pas, surtout un jour de rentrée.

Peu avant midi, je sens mon téléphone vibrer et vois son nom s'afficher à l'écran.

« OÙ ES-TU ? »

Je fourre mon téléphone dans ma poche et ne prends pas la peine de lui répondre. Quelques minutes plus tard, nouvelle vibration.

« RÉPONDS-MOI HÉLIO S'IL TE PLAÎT JE SUIS INQUIÈTE. »

Nous sommes libérés à cet instant-là, le moment étant venu de partir déjeuner. Je range une nouvelle fois mon téléphone, rassemble mes affaires et me lève. Nous n'avons rien de planifié pour l'après-midi, les cours commençant réellement le lendemain. Je salue mes camarades de la main et commence à me diriger vers ma voiture. Machinalement, j'attrape mon téléphone pour relire les messages de Calixte, et m'aperçois que deux nouveaux sont arrivés.

« EST-CE QUE TU VAS BIEN ? »

« QU'EST-CE QUI SE PASSE ? »

Alors que je m'apprête à refermer le clapet, son prénom s'affiche de nouveau. Elle m'appelle. Huit fois de suite. Je décroche à la neuvième, peut-être a-t-elle un problème. J'entends immédiatement le soulagement dans sa voix.

— Ah Hélio enfin, mais où t'es passé ?

— Ben à la fac, je sais pas si t'es au courant mais c'était la rentrée ce matin.

Mon ton est cassant. Elle tarde à poursuivre, si bien que je l'interroge.

— T'as un problème ?

— Non, absolument pas, je voudrais juste comprendre ce qui se passe.

Arrivé à ma voiture, je m'appuie contre ma portière, sans la déverrouiller. Son manège de petite fille innocente m'agace au plus haut point et je ne voudrais pas prononcer des paroles que je regretterais ensuite. J'attends qu'elle continue.

— Quand je me suis levée ce matin, l'appart était désert. J'ai mis Clotaire dehors, donc lui je sais pourquoi il n'était pas là. Mais toi ?

Je me redresse inconsciemment et un sourire que je ne peux retenir fend mon visage.

— Tu l'as foutu dehors ?

— Oui, il s'est pointé dans ma chambre cette nuit, et j'ai réalisé que je ne voulais plus jouer à ce petit jeu malsain. Alors, pourquoi tu as disparu ?

J'hésite un moment puis me lance en toute franchise.

— Je n'aurais pas supporté de vous voir main dans la main ce matin au petit déjeuner.

Elle ne me répond pas tout de suite, mais je perçois sa respiration qui s'accélère.

— Où es-tu Hélio ?

— Sur le parking de la fac.

— Rentre à l'appart. Je t'attends pour manger.

Sans me laisser le temps de lui répondre, elle raccroche.

Je me passe la main dans les cheveux en soupirant, insère la clé dans la serrure et m'installe au volant. Je sais déjà que ce repas de midi sera particulier, et me sens déjà bien nerveux. Le trajet pour rejoindre la colocation ne m'a jamais paru si court, si bien que je prends encore quelques instants avant de sortir de ma voiture. Une fois arrivé devant la porte, bêtement, je sonne. Calixte ouvre dans la seconde qui suit, les traits tirés.

— Salut... Tu n'as pas ta clé ?

— Si, si. C'était juste pour t'annoncer mon arrivée.

Nous sommes aussi gênés l'un que l'autre. Je me débarrasse de mon sac à dos puis m'installe sur un tabouret de l'îlot central. Je l'interroge.

— Des nouvelles de Clo ?

— Non, et vu comment ça s'est terminé cette nuit je pense pas en avoir de sitôt. Je vais aller à la fac cet aprem pour faire une demande de logement en cité U, même si c'est un peu tard. Ici, c'est chez lui, et je ne veux plus rien avoir à faire en lien avec lui.

— C'est radical.... Mais je comprends, et je pense que c'est la bonne solution. En revanche, trouver une place après la rentrée, autant te dire que ça va être mission impossible...

— Et bien tant pis, je dormirai à l'auberge de jeunesse dans ce cas, en attendant de trouver une solution durable.

— On pourrait...

Je m'arrête et réfléchis à ce que je suis en train de lui proposer, puis reprends.

— On pourrait prendre un petit studio tous les deux. Je ne compte pas rester ici de toute façon, moi non plus.

Calixte m'observe les yeux écarquillés. Ouvre la bouche, la referme, et se lance enfin.

— Mais non, enfin, pourquoi est-ce que tu ferais ça ? Clotaire est ton pote, tu n'as aucune raison de déménager.

Je me lève et contourne l'îlot pour me rapprocher d'elle.

— Il est hors de question que je te laisse dans la merde. Tu vas tenir quoi ? Disons un mois, à l'auberge de jeunesse, et ensuite ? Autant directement prendre un petit appart. On partagera les frais, et tout le monde s'y retrouvera financièrement.

Elle me fixe et reste muette un moment, comme si elle pesait le pour et le contre.

— Je peux pas accepter un truc pareil Hélio.

— Mais pourquoi, puisque je te le propose ?

Elle pose ses mains sur mes épaules et me regarde droit dans les yeux.

— Parce que je sens que ce n'est pas une proposition anodine pour toi Hélio. Et il est hors de question que je profite de la situation.

CalixteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant