Chapitre 28

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Je suis incapable de dire combien de temps je reste immobile, le regard fixe, perdu au sol. Bien qu'abasourdi par toutes ses révélations, je ne peux que saluer le courage dont a dû faire preuve Calixte pour traverser tout cela, et me l'expliquer avec autant de sincérité. Lorsque je réalise quelle force il lui a fallu pour affronter les critiques et tenir bon, je ne peux m'empêcher d'avoir à nouveau envie de la protéger, et de la serrer fort dans mes bras.

Je me lève d'un bond et ouvre violemment la porte, prêt à la rejoindre en courant, mais je suis stoppé net dans mon élan : Calixte est assise par terre, le dos appuyé au mur, les épaules secouées par ce que j'imagine aisément être des sanglots. Elle m'a forcément entendu mais ne bouge pas. Je m'accroupis devant elle et pose mes mains sur ses joues, la forçant à relever le visage. Il est baigné de larmes et ses yeux rougis et bouffis ne me renvoient qu'une immense tristesse. J'essuie les traînées humides de mes pouces, et pose mon front contre le sien en soupirant.

— Je suis désolé de ma réaction, Calixte. Je mesure pleinement le courage qu'il t'a fallu pour m'avouer tout ça, c'est juste que... je sais pas, je m'y attendais pas du tout... ça a fait beaucoup à avaler.

— C'est moi qui suis désolée. J'ai voulu être honnête avec toi un nombre incalculable de fois, tu peux me croire, mais je n'ai jamais eu le cran de le faire. Je sais que désormais tout sera différent entre nous, et je comprendrais tout à fait si tu voulais rentrer.

Ses derniers mots me provoquent un réel électrochoc. Ai-je envie de la laisser ainsi ? Non. Ai-je envie de passer à autre chose ? Non plus. Je l'ai dans la peau. C'est sa personnalité qui m'a touché, son sourire, sa fragilité et sa gentillesse. En aucun cas je ne souhaite la voir souffrir. Mais je ne dois pas m'emballer non plus.

— Je vais avoir besoin d'un peu de temps pour me faire à cette idée.

— OK.

Elle tente de se relever en essuyant ses joues avec force.

— Eh ! Attends ! Laisse-moi finir ! Je vais avoir besoin de temps, mais je ne t'abandonne pas ainsi. Tu crois qu'on peut redescendre et se mettre à table sans se faire remarquer ?

J'accompagne mes paroles d'un grand sourire, souhaitant effacer tout le chagrin qui inonde ses si beaux traits. Elle appuie sa tête au mur et ferme les yeux en inspirant profondément avant de me répondre.

— C'est un buffet, il doit y avoir des gens debout constamment, je ne pense pas qu'on fasse attention à nous. Mais ma tête doit être dans un état si lamentable qu'elle va questionner, et je n'ai aucune envie d'à nouveau attirer l'attention sur moi, Hélio.

— Alors on s'en va ! Tu m'avais proposé de me faire découvrir l'île, ben, c'est maintenant que j'en ai envie ! Envoie un message à ta mère, je ne sais pas, ou à ta sœur, elles comprendront, surtout si tu mets ça sur mon dos en disant que je t'enlève !

Un sourire étire enfin ses lèvres et je vois à son regard qu'elle songe sérieusement à quitter la fête dédiée à ses parents.

— Faut que je me remaquille avant, je dois faire peur...

— Je ne t'ai jamais trouvée si belle.

Je termine ma phrase en déposant un baiser sur son front, et tends la main dans sa direction pour l'aider à se relever. Lorsqu'elle est debout sur ses pieds, je la regarde droit dans les yeux quelques secondes et la serre fort dans mes bras. Elle se détend plus rapidement que je ne l'aurais cru et s'y blottit en passant ses mains dans mon dos et en appuyant sa joue contre mon torse en se recroquevillant. J'appuie mon menton sur sa tête et ferme les yeux en m'imprégnant de son parfum. Nous restons ainsi plusieurs minutes, totalement silencieux, jusqu'au moment où la voix de sa mère nous parvient du bas de l'escalier.

— Calixte ? Héliodore ? Vous êtes là ?

Calixte desserre son étreinte et répond à sa mère.

— Oui, on arrive.

Elle prend ma main et se dirige vers le rez-de-chaussée, moi sur ses talons. Lorsque nous arrivons à hauteur de sa mère, Calixte s'apprête à l'interroger, mais elle est prise de cours par cette dernière qui lui coupe la parole.

— Oh mon dieu Calixte, qu'est-ce qui t'arrive ? Ça ne va pas ?

— Si, si, tout va bien ne t'inquiète pas.

Je me rapproche d'elle et passe mes mains autour de sa taille pour la plaquer contre moi pendant qu'elle poursuit.

— J'ai juste besoin de changer d'air, revoir tout le monde me chamboule un peu... Du coup, j'aimerais profiter du beau temps pour faire découvrir une partie de l'île à Hélio. Tu penses qu'on peut s'éclipser ?

— Bien sûr les enfants, vous avez raison ! Allez vous balader, tout le monde vous a vus, c'est bon, l'instant « bête de foire » est passé, prenez du temps pour vous. Essayez juste de rentrer pour au moins partager avec nous le repas de ce soir, ça fera plaisir à papa.

— Ça marche.

— Bon après-midi les amoureux !

Nous répondons en même temps.

— Merci !

Nous filons ensuite discrètement, passons par l'abri vélos et enfourchons nos montures. Au fil des tours de pédales, Calixte se détend réellement et un sourire insouciant illumine peu à peu son visage. Nous faisons un premier arrêt au Port de Goulphar, et ce moment m'enchante complètement. Je ne saurais dire si c'est cette journée particulièrement chargée en émotions, ce lieu magique, ou la présence à mes côtés toujours plus proche de Calixte, ou bien tout simplement l'ensemble des trois, mais lorsqu'elle m'annonce que l'on repart, j'avoue que je serais bien resté plus longtemps assis sur ce rocher offrant un point de vue à couper le souffle, avec Calixte assise tout contre moi. Nous reprenons les chemins et elle me conduit jusqu'au célèbre site des Aiguilles de Port Coton. Nous laissons nos vélos et parcourons une partie de la côte sauvage à pied. L'endroit est magnifique, et le temps particulièrement venteux me permet de tenir Calixte serrée contre moi pour la protéger au maximum et ainsi profiter de sa proximité. Alors que quelques heures plus tôt tout était confus dans ma tête, je sais maintenant que je n'ai envie que d'une chose, être avec elle pour de bon.

CalixteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant