17 : Benji

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Plusieurs jours sont passés. Les nuits, je ne dors presque pas. Je ressasse sans cesse la proposition de mon patron. Vivre pour une de mes plus grandes passions chaque jour. Puis-je vraiment passer à côté ?  Chaque fois que je pense dire oui, j'ai cette boule dans la gorge. Une angoisse qui me dit non, qui me dit de réfléchir encore.

J'ai cette peur d'abandonner mes élèves. Ai-je le droit de leur faire ça ?

C'est bientôt la fin de l'année scolaire. L'été les cours ne sont pas les mêmes. Je donne des stages, des petits concerts avec les meilleurs de l'année. Parfois on organise même un voyage à l'étranger pour des concerts. À la rentrée, certains arrêtent, pensent que la musique n'est pas faite pour eux. D'autres persistent ou encore changent d'instrument. C'est peut-être le bon moment pour partir. Un autre prof viendra de toute façon me remplacer. La décision n'appartient qu'à moi,... Je crois que je la tiens.

Quand je me décide enfin à accepter, elle revient. Elle m'obsède. Elle hante mon esprit. Pourtant je ne l'ai pas revue depuis ce fameux soir. Mais pas un jour je n'ai cessé de penser à elle.

Je regrette tellement d'être parti comme un malpropre. Je pensais la revoir. Quel idiot j'ai était de la vouloir juste dans mon lit pour un soir, pensant que cette folie me passerait. Au fond je sais que je voulais plus que ça. Maintenant c'est foutu.
Ce week-end encore elle n'est pas sortie. J'ai aperçu son amie, mais pas elle. Elle veut sûrement m'éviter.

Le téléphone sonne. Vanessa. Il ne manquait plus qu'elle. Je ne l'ai toujours pas rappelée depuis ses messages. Je décroche pour savoir ce qu'elle a.

- Allo

- Salut Benji, je pensais encore avoir affaire à ton répondeur.

- Comme tu vois je te réponds.

- Est-ce qu'on pourrait se voir ?

- Écoute Vanessa, tu es partie sans donner aucun signe de vie depuis 7 mois maintenant. Je ne comprends pas ton insistance.

- J'ai besoin de te parler. De m'expliquer. De mettre les choses aux claires.

- Tu ne crois pas qu'il fallait le faire avant ?

- J'étais en colère, j'ai beaucoup réfléchi. Je veux juste te parler. On pourrait se voir ?

- Ce soir, au bar L' estaminet sur Bordeaux vers 17h si ça te va ?

- Ok. C'est où ce bar ?

- Au centre de la ville. Rue Ayres. C'est une rue commerçante. Elle est perpendiculaire à la rue Sainte-Catherine, proche de l'église St Paul.

- Ok. Pourquoi ce bar ? Tu ne m'en as jamais parlé avant.

- Ça fait pas longtemps que je le connais. Il est sympa, et plutôt calme.

- D'accord. À tout à l'heure.

- Ciao.

Si elle croit que je vais retomber dans ses bras, elle a tort. Je n'ai pas envie de lui faire de mal non plus. Nous avons passé pas mal d'années ensemble. Elle pourrait regretter d'être partie, mais j'ai tiré un trait sur notre histoire.

16h40, je pars en direction du Bar pour avoir de l'avance. Ce bar, je ne l'ai pas choisi par hasard. Depuis que mon patron m'a fait cette proposition. Chaque après-midi après mon travail, je passe boire un café là-bas. C'est le bar en face du salon de Salomé. Je viens la contempler, espérant qu'elle ne m'aperçoit pas. Je m'assois toujours près de la fenêtre. Je la regarde à travers sa vitrine, parler à ses clients, à sa copine. Qu'elle est belle quand elle rit aux éclats. Cette fille est naturelle. Je la veux pour moi. Si j'y vais, je risque de regretter. De passer à côté de ma carrière musicale. J'ai peur qu'ensuite elle en pâtisse sur mes réactions de colère.
Il ne m'est jamais arrivé de lever la main sur Vanessa, mais mes paroles ont parfois été plus fortes que mes pensées. La colère, la haine, les regrets ressortent comme ils peuvent. Je ne veux pas lui faire subir ça.

PassionnellementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant