CHAPITRE 17 ~ Origines ( Pharell ) 2/2

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Je mets en route mes tables de mixage et mon ordinateur puis je commence à lancer les pistes pour vérifier que tout est en place. C'est la première fois qu'un mastering me prend autant de temps. D'ordinaire, deux semaines me suffisent mais ça devient très compliqué de travailler avec un éternel insatisfait. Toutes les étapes de la conception de la matrice m'ont pris le double de temps, deux mois pour les prises de sons et l'enregistrement, presque six pour le mixage, que j'ai dû remanier à plusieurs reprises en cours de mastering.

La première fois, l'ordre des pistes ne lui convenait plus. Ensuite, il a décidé de faire varier les fins de chansons, passant totalement outre mes conseils sur l'importance d'avoir une dynamique et un spectre cohérent et uniforme. Puis il est revenu trois fois sur sa décision en me tenant pour responsable de la médiocrité du rendu final. Sa dernière trouvaille était de rajouter plus de basses pour rendre le tout plus actuel et jeune, ce qui est, à mon sens, inutile pour du Jazz.

Chaque ingénieur du son a sa propre patte, son domaine de prédilection. Spécialisé dans le Rap, le R'n B, le Hip Hop et tous les dérivés du Ragga et du Dancehall, je n'ai pas compris pourquoi il a insisté pour travailler avec moi alors que c'est le domaine de mon collègue Paul. Je n'ai tout simplement pas eu le choix et mon patron m'a spécifié que je devais suivre toutes les directives de monsieur La Starlette en devenir. C'est une aberration car, si la compilation fait un flop, notre réputation va en prendre un coup. Il ne manquera pas de nous en faire porter le chapeau.

Tout est prêt mais toujours pas de client en vue. Je commence à avoir de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts. Je me sers une autre tasse de café et décide de faire les cents pas devant ma console. Si je reste assis, je vais m'endormir à coup sûr et le réveil risque d'être brutal quand il arrivera.

Quand j'entends enfin de l'agitation dans le couloir, je me prépare mentalement à l'agressivité de son entrée dans la pièce. Trois ... deux ... un ... La porte s'ouvre en grand sur ce petit homme à l'allure excentrique et aux manières arrogantes. À le voir la première fois, on ne l'imagine pas un seul instant chanter du jazz, comme quoi les apparences sont trompeuses. Il suit mon regard quand j'observe le fauteuil à roulettes traverser la pièce sous la force de l'impact de la porte. Il ne s'en formalise pas le moins du monde, il est le roi et a tous les droits.

Détendez-vous mon petit Pavel, la star est là !

C'est Pharell ! J'insiste une nouvelle fois, exaspéré qu'il s'obstine à m'affubler d'un prénom hispanique

Me tendant la main tel un grand seigneur qui attend un baise main, je la saisis avec force et la secoue de toute mon énergie. Il esquisse la même grimace qu'à l'accoutumé, montrant son dégoût.

Pour moi, vous serez toujours Pavel. Après tout, vous êtes cubain. Je ne comprendrai jamais ses étrangers qui parent leurs enfants de prénoms américains pour se donner une prestance et mériter notre considération !

Vous insinuez que mes parents ne sont pas dignes de fouler le sol américain ? Je demande, abasourdi par ce que je viens d'entendre

Pas du tout ! Mais, dites moi, vous êtes bien condescendant aujourd'hui ! Me répond-il en inspectant ses ongles

Et vous, bien en retard. Je vous rappelle que je suis venu spécialement pour vous alors, si vous le voulez bien, commençons !

M'installant sur mon siège, je lui indique de prendre place en lui montrant le fauteuil qu'il a envoyé balader en entrant. S'il croit qu'un haussement de sourcils va me faire lever pour lui l'approcher, il se fourre le doigt dans l'œil.

Je n'aime pas du tout votre ton, jeune homme ! On ne vous apprend pas la politesse dans votre pays ? Ah mais j'oubliais que ce n'est pas la priorité chez les gens pauvres. En tout cas, soyez en sûr, je le rapporterais à votre supérieur

Rewound Love ~ Une Empreinte Au Coeur ( Tome 1 ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant