Rewound Love ~ Une Empreinte Au Coeur ( Tome 1 )

CHAPITRE 8 ~ Distance ( Alana ) 2/2

Je regardais sa chevelure blonde s'éloigner vivement, imprimant les mouvements de sa démarche rageuse. Elle avait raison, je ne faisais que me défiler et me mettre à dos le petit cercle d'amis que j'étais en train de me constituer. Mon comportement était devenu celui d'une vraie vieille fille aigrie par la solitude, supportant tous les malheurs du monde en les partageant avec pertes et fracas à quiconque se trouve sur son chemin. Plus personne n'osait s'approcher de moi plus de deux minutes d'affilé, me faisant me sentir telle une pestiférée. C'était un peu comme le serpent qui se mord la queue. Plus j'étais désagréable, moins on me parlait et plus je me sentais seule, moins je faisais d'efforts pour aller vers les autres.

Si je fais un rapide bilan de ces cinq derniers mois, je constate que je me suis fais plus d'amis qu'en deux ans de vie ici. D'abord, il y a tous ces gosses à qui j'enseigne la danse avec passion et ils me le rendent bien. Je diversifie aussi mes techniques en partageant mes connaissances avec d'autres professeurs. Il n'y a pas d'animosité ou de concurrence entre nous, seulement du respect et un but commun, celui de sortir de la rue les laissés pour compte. Et ça, je le dois à Gabriel avec qui j'ai une complicité hors du commun. Ils me font aussi redécouvrir des styles que j'ai totalement laissé de côté en me consacrant au hip hop et à la break dance. C'est comme ça que je me suis mise à mélanger les genres dans mes chorégraphies comme en y ajoutant des pas de danse contemporaine ou des mouvements de danses de salon. J'ai même commencé une nouvelle discipline que je considérais jusque là comme la danse des streap teaseuses, réalisant à quel point la pole danse peut se révéler sensuelle, expressive et technique.

Il y a aussi ma deuxième maison, ce club et les neuf personnes avec qui je fais plus que travailler. Nous sommes une vraie fratrie, dix frères et sœurs qui se chamaillent mais qui s'adorent. Je me suis même livrée au jeu des surnoms que Matt donne à toutes les personnes qu'il apprécie, se basant sur leur physique ou un trait de caractère. D'après lui, les prénoms c'est surfait ! C'est comme ça que ses deux compères et lui sont devenus, pour moi, les triplés, même carrure et même tignasse brune.

Nous avons donc Jane dit Barbie, blonde aux courbes avantageuses et des tenues vestimentaires pour le moins féminines ; Andréa dit Rox, la rousse gracile au tempérament carnassier ; Lisa ou Minnie en référence à sa petite taille et sa coiffure rappelant celle de la célèbre souris et Stephie, avec ses origines asiatiques, son chignon stricte et ses chemisiers à col mao est Geisha. Du côté des hommes, Andrew est Bounty, dur à l'extérieur, tendre à l'intérieur mais il y a plusieurs façons d'interpréter ça d'après Matt, tout dépend la façon dont on le voit. Jack est Rocky, une brute tatouée au cœur tendre et à la voix rauque. Jim est devenu Big car tout chez lui est démesuré ; son arrogance, son assurance, son humour, son charisme, surement une façon de faire oublier son physique de gringalet. Enfin, Pharell a l'honneur, si on peut dire ça comme ça, d'en avoir deux. Il a le choix entre Lucky Luke qui tire plus vite que son ombre et Phallus, le pénis ambulant. Ça en dit long sur ce que les autres pensent de lui et c'est un argument qui devrait me faire fuir davantage. Quant à moi, je n'y ai pas échappé, même si Matt refuse de me le divulguer pour l'instant.

Voilà ce que je suis en train de foutre en l'air, des mois de labeur à m'ouvrir aux autres. Même Chrissy et Cameron en pâtissent. Je m'enferme de plus en plus dans mon studio, évitant la moindre discussion qui pourrait me faire sortir de mes gonds et laissant ma meilleure amie jouer le rôle de mère auprès de mon fils.

En sentant des gouttes glisser le long de ma jambe nue, je mis fin à ma rêverie pour diriger mon attention sur ma blessure. L'eau s'écoulait toujours du robinet mais j'avais laissé tomber mes bras le long de mon corps en signe de fatalisme. En effet, j'avais une belle entaille à la main gauche, s'étendant du pouce au majeur et c'était certainement profond à en juger par la petite flaque de sang qui s'étendait à mes pieds. Résultat, Jim, qui venait de laisser place à Pharell en cabine, m'a emmené d'urgence à l'hôpital. Trois heures d'attente et quatre points de suture plus tard, je me retrouvais chez moi à ruminer, ne décolérant pas face à l'absurdité de mon comportement.