CHAPITRE 2

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Chapitre 2

Elton Hall, Avril 1827,

Ce mois-là, le printemps apportait ces prémices d'été, par une météo lourde, et les habitants de Elton Hall attendaient avec impatience l'arrivée de la pluie bienfaisante. L'air ambiant était empreint d'humidité. Les moutons paissaient dans les champs bien verts, et la route recouverte de boue séchée, ralentissait la progression de la voiture menée par quatre chevaux fringants. L'une des roues buta contre une ornière, secouant brutalement les passagers. Instinctivement, Adrien se raccrocha à la manche de son père, qui était plongé dans ses pensées. Un flot de souvenirs poignants monta en lui. La rencontre avec son épouse, les premiers émois, les sentiments naissants. Il se souvenait de ce fringant gentilhomme qu'il était, à peine pubère, assis dans une voiture de louage au côté de son père, trésorier du Duc précèdent, qu'il accompagnait dans sa visite au manoir. Tout comme aujourd'hui, l'herbe était sèche, mais le ciel commençait à se couvrir d'épais nuages, et un vent frais secouait le feuillage des arbres. Comme il avait eu peur, à cette époque ! Peur de ce Duc qui avait le pouvoir de les congédier en un battement de cils. L'ancien Duc avait une réputation désastreuse. Il était connu pour ces explosions de colère et sa violence, son attitude méprisante vis-à-vis de ces domestiques. On murmurait tout bas qu'il y avait des appartements secrets dans le manoir où des invités triés sur le volet s'adonnaient à des pratiques licencieuses, réprouvées par la bonne société.

Sébastian se demanda si l'actuel Duc avait hérité des tares de son père, et de son côté sulfureux.

Christopher De Fiennes. Etonnement, il avait un souvenir extrêmement précis de sa première rencontre avec celui qui allait devenir le prochain Duc, trop précis. Des sensations bizarres qui l'avaient traversé sous le feu de ce regard émeraude. Pour la première fois de son existence, il avait ressenti une attraction inconvenante. Et il avait tout fait pendant son séjour, pour enfermer ces sensations inédites en lui. Pour cela, il avait fait en sorte de ne plus se retrouver en présence de ce dernier. Anne l'avait beaucoup aidé en cela. De par leur idylle naissante. Mais quelque part au plus profond de son cœur, il subsistait le doute. Dans le passé, il n'avait pas voulu s'attarder sur ces orageuses émotions qui l'avaient parcouru, à la pensée du frère de sa dulcinée. Beaucoup trop tumultueux, troublant. Inqualifiable. Mais aujourd'hui, il ne pouvait se défaire d'une certaine inquiétude, mêlée à une ombrageuse excitation à l'idée de revoir cet homme.

La voix enthousiaste de son enfant le sortit de ses pensées.

- Papa ! s'écria Adrien. C'est la maison de Maman ? C'est ici qu'elle est née et qu'elle a grandi ?

Comme la voiture s'engageait dans l'allée sinueuse menant au manoir, Sébastian quitta son air soucieux pour répondre à son fils.

- Oui, mon chéri. Ta mère a vécu presque toute son existence à l'intérieur de ces murs.

Son pouls s'accéléra. Il était de retour, enfin ! L'Angleterre était sa maison, son chez-lui. Il le sentait dans chaque fibre de son être, et cette sensation était à la fois exaltante et rassurante.

Les tourelles du manoir apparurent devant leurs yeux, se détachant clairement sur l'horizon bleu. Comme ils s'approchaient, ils purent distinguer les lianes de lierres grimpant le long des murs de pierre. L'attelage s'immobilisa, et Adrien sauta au-dehors, tandis que Beth, la nurse de son fils, et Sébastian descendirent plus posément.

Le Duc était sur le point de rentrer dans le manoir, lorsque, distinguant le bruit d'une voiture, il s'était immobilisé. La colère le repris et c'est d'une voix rude qu'il avait hélé le majordome.

ECHEC ET MATOù les histoires vivent. Découvrez maintenant