Chapitre 3
Installé dans un confortable fauteuil, face à la cheminée, Christopher regardait danser les flammes tout en sirotant distraitement son délicat vin français. Une grosse chandelle posée sur la table ajoutait sa lueur, à celle des flammes de la cheminée, cependant, la chambre était plongée dans une légère pénombre.
La pièce était délicieusement chaude. Les murs étaient recouverts de tapisseries épaisses qui colmataient soigneusement les fissures, si bien qu'aucun courant d'air glacé ne s'immisçait entre les jointures des murs, ce qui donnaient à la pièce un sentiment de luxe et de confort.
Le diner avait été annulé. Adrien, fatigué par le voyage, n'avait pas eu l'occasion de rencontrer encore sa grand-mère. Cette dernière de retour sa visite, apprenant que son petit-fils, se reposait, avait demandé aux domestiques de la servir dans sa suite. Exprimant ainsi de façon claire, la position qu'occupait Sébastian dans le giron familiale. Ce dernier avait pris exemple sur sa belle-mère, s'étant excusé auprès de son hôte, et avait soupé dans ses appartements.
Fixant d'un morose la couleur de son vin, Christopher méditait. La scène qui s'était déroulée cet après-midi était inscrit au fer rouge dans son esprit, alimentant sa colère, mêlée à quelque chose de plus obscur, plus charnel. La réaction de son beau-frère avait été au-delà de ce que Christopher imaginait. Le jeune homme était fier et avait défendu avec force son innocence. Le duc ne savait pas pour quelle raison il avait accusé ainsi Stanhope. Mais le voir si vigoureux, si plein de vie, si mâle, alors que sa chère sœur était morte, l'avait mis en rage.
D'un geste distrait, il effleura son menton. L'hématome était à peine visible. Le duc eut un sourire sardonique. Son beau-frère avait un sacré crochet du droit. Et quand il l'avait acculé contre la porte, il avait pu sentir la virilité qui s'était emparée sans effort de ce corps vigoureux depuis leur dernière rencontre.
Il ne pouvait que convenir que les années passées aux Amériques avaient transformées Stanhope. Le jeune godelureau glabre et pataud avait été remplacé par un homme sûr de lui, confiant et d'une beauté saisissante. Un visage hâlé, des cheveux sombres ondulés, l'angle rude de la mâchoire trahissait une force virile à l'état brut. L'homme était, il ne pouvait qu'en convenir, splendide, sentant une certaine partie de son anatomie s'éveiller à cette évocation. Comme par le passé. Quand il avait pour la première fois affronté les yeux couleurs océan de celui qui est devenu son beau-frère.
Mais il était aussi celui qui avait signé la perte de sa sœur, qu'il l'avait enlevé à sa famille. Qui avait créé le scandale de la décennie par cette fuite déshonorante. Ce qui était impardonnable.
L'humeur assombrie, d'un geste vif, le duc se leva et se dirigea vers la lourde porte en bois qu'il déverrouilla.
La rage était toujours là, parfaitement maîtrisée mais bien tenace. Il avait besoin de se libérer de cette fureur et il ne connaissait qu'un seul moyen.
Il s'agita. C'était un fait. Il le savait. Depuis des années, il avait bien conscience de sa véritable nature, ses vraies envies, toujours qualifiées de « passions honteuses », d' »acte immoral », de « faits qui révoltent la nature »..., nommé la pédérastie. Et ce même si les homosexuels faisaient l'objet de recherches médicales par de grands médecins, persuadés qu'ils étaient atteints d'une maladie mentale et contagieuse, et étaient passibles d'une condamnation pénale, voire de mort. Il reconnaissait cependant, que ses pulsions ne pouvaient rester éternellement enfouies, sous l'écrasant manteau du conformisme et de la pensée traditionnaliste et moralisatrice de son monde. De ses devoirs et obligations vis-à-vis du duché. Mais en attendant...
Silencieux, il traversa le couloir qui le conduisit vers le grand escalier. Il n'eut pas longtemps à attendre. Caroline, la jeune domestique trainait en bas des marches, quand elle le vit apparaitre, en haut, elle se dirigea vers lui, un sourire aux lèvres. Il s'arrêta et attendit. Sa favorite actuelle releva sa jupe et grimpa prestement l'escalier, la lumière des torches dansant sur son visage. Sans plus l'attendre, le duc fit demi-tour vers sa chambre. À peine eut-elle franchi le seuil de la chambre qu'elle rejeta son châle et commença à délacer son corsage. Il referma la porte et regarda la jeune femme se débarrasser fébrilement de ses vêtements, lui révélant son corps ferme et androgyne. Un désir dur et violent l'envahit aussitôt. Une fois nue, elle s'approcha de la cheminée et prit le verre de vin qu'elle porta à ses lèvres, enchantée de découvrir un breuvage délicat qui n'avait rien à voir avec la bière amère à laquelle elle était habituée. Les flammes jouaient sur ses petits seins, cajolaient les courbes malingres de ses hanches.
Mais le duc était trop impatient. Il avait besoin de ce calme que lui procure la satiété sexuelle. Il s'approcha d'elle, lui retira le gobelet des mains et le reposa sur la table. Elle eut un petit hoquet de surprise quand il la souleva pour la jeter sur le grand lit et se mit à glousser quand il lui écarta ses cuisses brutalement.
Vous ne retirez pas votre pantalon, votre grâce ?
Elle leva la main pour le débarrasser de sa chemise. Le duc eut un sourire sarcastique. D'une main, il défit son pantalon et la retournant sur le ventre, il s'installa sur elle. Il savait que la jeune femme aimait quand c'était violent. Et au vu de son humeur, il allait se faire un plaisir de la contenter, se libérant de cette colère, dans la foulée.
Comme tu peux le constater, pas besoin de plus, répondit Christopher en la pénétrant soudainement, frissonnant de soulagement tandis que le cri de Caroline se répercutait contre les murs, sous la puissance de l'assaut.
Entamant un mouvement brutal de va-et-vient, il sentit son humeur colérique se dissiper avec le plaisir qui l'envahissait.
*****
Allongé sur le lit, tentant en vain de trouver le sommeil, Sébastian n'arrivait pas à se calmer. La chambre était plongée dans le noir, mais les flammes des chandelles posées ici et là, projetaient par intermittence leur lueur chaude sur les murs de la pièce. Sa bouche se tordit en un rictus amer. Il se leva nerveusement. L'accusation du Duc De Fiennes était restée en travers de sa gorge. Si cet aristocrate pompeux croyait que Sébastian s'abaisserait servilement à effectuer des courbettes devant sa grandeur ducale, il s'était lourdement trompé.
Néanmoins, il avait promis à sa défunte femme qu'il resterait à Elton Hall avec son fils afin que celui-ci connaissent le dernier membre de la branche maternelle de sa famille. Ce qui, il pouvait l'escompter, sera une gageure pour lui.
Incapable de s'endormir, l'esprit agité, il marchait de long en large devant la cheminée, puis l'idée lui vint d'aller prendre un ouvrage dans la bibliothèque. Il avait besoin de se changer les idées, de se détendre et de se défaire de cette humeur noire qui ne le quittait pas.
Il prit une bougie et entrouvrit discrètement la porte. Le couloir était désert, mais il entendait les domestiques effectuer des allées et venues, en bas dans le hall, se préparant à aller se coucher.
Il se déplaça silencieusement vers l'escalier quand il vit une porte en bois s'ouvrir. Prestement, il mit sa main devant la bougie et recula dans la pénombre, se cachant dans un coin. Quand il vit celui qui était la raison de son insomnie sortir de la pièce, un sourire goguenard étira ses lèvres pleines. Apparemment, il semblerait qu'il n'était pas le seul dont le sommeil fuyait. Il regarda l'homme se diriger vers les marches et s'arrêter. Le duc paraissait d'humeur sombre. Quand il le vit faire demi-tour et repartir vers sa chambre, il supposa que De Fiennes avait changé d'idée. Il commença à sortir de sa cachette, quand il vit une jeune servante au corps fin, et étonnement avec peu de rondeurs, arriver en haut des escaliers et se diriger d'un pas vif, une expression béate sur le visage, vers le passage où le duc avait disparu.
La porte se referma silencieusement derrière elle. Jaugeant rapidement la situation, Sébastian comprit que son beau-frère usait de ses privilèges aristocratiques pour se complaire dans la luxure.
Le souffle brusquement coupé, Sébastian eut l'impression de recevoir une gifle au visage, à l'idée de savoir Christopher en plein ébat avec cette péronnelle, impression singulière, s'il en fallait. Tout aussi silencieusement, il repartit vers ses quartiers, ayant perdu toute envie de lire. Il ne comprenait pas pourquoi cette situation le mettait dans un tel état. Et obscurément, il sentit que cela allait avoir des retombées auquel il ne s'attendrait pas.
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ECHEC ET MAT
Historical FictionAngleterre, au XIXème siècle...Christopher Lloyd Duc De Fiennes, voit d'un très mauvais œil le retour de son beau-frère, l'homme qui a entaché l'honneur de sa famille, en s'enfuyant avec sa sœur des années auparavant. La rencontre entre ces deux h...