Chapitre 4
L'aube avait déjà étendu ses lumières blafardes sur le manoir, quand Christopher se réveilla. Un coup d'œil à côté de lui fit comprendre que la soubrette avait déjà quitté sa chambre, comme il se devait. Il eut un soupir de soulagement. Caroline, depuis qu'elle était sa favorite, prenait de plus en plus ses aises, persuadée d'avoir une emprise sensuelle sur le duc. Ce qui était complètement stupide, s'il en fallait. Elle ne réalisait pas qu'elle n'était qu'un pis-aller, une façade bien entretenue, comme toutes les autres avant elle.
Cela faisait des années qu'il vivait ainsi, avec son secret bien enfoui en lui. Quand il n'arrivait plus à dominer ses véritables instincts, il s'arrangeait pour aller dans un lieu où ses envies étaient admises et où il pouvait assouvir, dans la plus grande confidentialité, ses désirs immoraux. Où les hommes comme lui étaient acceptés.
Il savait pertinemment que s'il était découvert, sa vie volerait en éclat. Son honneur et sa position seraient irrémédiablement compromis.
Chassant ses pensées inopportunes, il se prélassa un petit moment dans son lit, réfléchissant à ses obligations de la journée, quand il entendit un bruit étrange venir du couloir. Intrigué, il se leva, enfila son peignoir qu'il attacha négligemment et se dirigea vers la porte.
Quand il ouvrit, il se trouva face à une paire d'yeux aussi verts que les siens. Le jeune garçon fit une grimace penaude quand il vit son oncle le fixer d'un air sévère, puis il se redressa de toute sa petite taille, relevant ses frêles épaules, essayant de cacher son inquiétude, par une attitude bravache. Le duc ne put s'empêcher de sourire face à cette mignonne vantardise.
- Que fais-tu là, Adrien ? Demanda-t-il gentiment.
- Je venais vous voir, répondit le garçon sur le ton de la fanfaronnade.
- Vraiment ? Et pourquoi donc ?
- Je veux que vous me parliez de ma maman. Vous l'avez connu longtemps, plus longtemps que mon papa, alors...
Le duc en resta coi. La demande du garçon était légitime. Et il appréciait le fait qu'Adrien soit assez polisson pour venir le déranger. Il se souvint de ce qu'avait écrit sa défunte sœur. « Comme il te ressemble, Christopher. Il est tout aussi espiègle que toi. Tout aussi curieux et frondeur».
Des yeux émeraude, identiques aux siens se levèrent vers lui avec une expression mi suppliante, mi rebelle, une moue adorable pinçant sa petite bouche. Le jeune garçon ressemblait de façon saisissante à sa mère au même âge.
- As-tu déjeuné ? Demanda Christopher, ne voulant pas perdre la bataille face à cet impertinent garnement.
Adrien n'eut pas le temps de rétorquer. Sébastian arrivait à vive allure et attrapa son fils.
- Seigneur, Adrien où étais-tu passé ? Ta nounou te cherche partout depuis une demi-heure.
Le duc regarda son beau-frère prendre son enfant dans ses bras, le grondant gentiment, d'avoir fait peur à sa nurse.
- Désolé, votre grâce, j'espère qu'Adrien ne vous a pas réveillé ?
- Absolument pas, rétorqua Christopher, mal à l'aise face à cette démonstration d'amour paternel, qu'il n'avait jamais eu l'occasion d'expérimenter. Nous allions justement prendre le petit déjeuner.
Le jeune garçon, lové dans les bras de son père, retourna vivement sa tête vers son oncle, lui adressant un éblouissant sourire. Il gigota, obligeant son géniteur à le déposer à terre. Dès qu'il fut au sol, il se précipita vers son parent et lui prit la main, le tirant vers les escaliers.
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ECHEC ET MAT
Historical FictionAngleterre, au XIXème siècle...Christopher Lloyd Duc De Fiennes, voit d'un très mauvais œil le retour de son beau-frère, l'homme qui a entaché l'honneur de sa famille, en s'enfuyant avec sa sœur des années auparavant. La rencontre entre ces deux h...