CHAPITRE 18

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Chapitre 18

Quelle étrange impression.

Sébastian se tenait dans la rue en face, dans l'ombre, contemplant l'entrée de l'hôtel particulier de Christopher. Construite comme toutes ces demeures en pierre avec des façades à colonnade, surmontées d'un . La résidence du Duc De Fiennes était à la hauteur de son flamboyant et noble propriétaire. Le parfait écrin à son arrogance toute ducale, à la mesure d'Elton Hall.

Oui, quelle étrange impression de se trouver face à l'inéluctable.

Cela faisait un moment qu'il était là, solitaire, paralysé. L'heure de son rendez-vous était probablement dépassée. Et il se demanda dans quel état d'esprit était son beau-frère ? Etait-il comme lui, fébrile et indécis. Ou d'une impatience pleine de hargne ? Où son excitation était-elle adoucie par l'attente et la peur ?

Se désintéressant de la magnifique architecture qui le surplombait, il leva les yeux vers le ciel étoilé, où ces dernières s'éveillaient les unes après les autres. Elles éclairent cette voute sombre, tels des astres jetés ça et là, dans cette immensité obscure, et qui ne pouvaient apporter une réponse à son dilemme. Les quelques riverains qui se dépêchaient de regagner leur demeure, restaient perplexes face à cet homme, debout et immobile, regardant la magnifique devanture de la résidence d'un pair du royaume. Certains, levaient les yeux au ciel, agacés de voir ce dernier stoïque, sur leur chemins. D'autres, le contournaient, étonnés que Sébastian ne prête pas attention à leurs déambulations impatientes.

- Bon, vous allez entrer dans cette foutue maison ou restez là comme un phare sur son rocher ? Maugréa l'un d'entre eux.

Sébastian tressaillit, sortant de ses pensées.

- Excusez-moi, répondit-il, faisant un pas en arrière, se dissimulant davantage dans l'obscurité.

Lors du brunch, face à son ténébreux tourmenteur, il avait été confiant et certain de son choix. Il s'était débattu pendant des semaines contre sa conscience, avec ses désirs et ses besoins, sa peur. Toute la journée, quand le choix s'était révélé inexorable, ce bon droit qui s'était ancré en lui l'avait porté. Il avait pris en compte tous les éléments. Pesant le pour et le contre. Il avait, et ce depuis son aventure avec Christopher, compris que ce désir si tortueux, ne le laisserait jamais en paix. Cependant, ici et maintenant, fixant cette maison, cette confiance absolue en ce qui lui paraissait si juste quelques temps auparavant, s'effritait comme un château de sable.

Oui, face à l'inéluctable, il freinait des quatre fers. Inquiet des répercussions que cela pouvait engendrer. Devait-il jeter aux oubliettes, plus de vingt ans de bienséance et de conformisme, pour assouvir ce besoin décadent et considéré comme dépravé ?

Il réalisait parfaitement qu'il était complétement indécis, encore. Que face à son choix, son esprit se rebellait, tandis que son corps anticipait. Il n'osait même pas interroger son cœur. La réponse que cela pouvait éventuellement apporter, lui faisait peur.

Des semaines que cela durait. Des heures et des minutes qui l'avaient trouvée en proie au doute, à la certitude absolue. A l'inquiétude. Il n'aimait l'homme qu'il devenait. Faible et si empli d'équivoque. Incapable de se décider véritablement. Son monde avait été chamboulé. De façon si brutale. Et cette prise de conscience atteignait son apogée en cette minute. Cet instant où il pouvait basculer dans un monde insondable.

Les paroles et autres compromissions semblaient être si simples, à première vue. Mais quand on était devant le choix, cela donnait une autre perspective.

Il était un idiot.

Jeter aux orties, des années d'honorabilité, certes quelque peu écorchées, il y a quelques années, pour vivre une passion honteuse et qui restera à jamais secrète ? Telle était la question.

Aimer.

Désirer.

Vivre.

Le voulait-il vraiment ? En aurait-il la force et l'envie ?

Il pensait que oui.

Il pensait que non.

Débattre. Se débattre.

Faire le bon choix.

Il leva les yeux vers cet extérieur luxueux. Lieu qui abritait son vice. Son besoin. Son tourment. Il regarda la lune. Si pleine, tellement mystérieuse. Qui ne donnait aucune réponse à son agitation.

Il ne pouvait rester ainsi, les bras ballants. Attendant. Envieux. Désireux. Et terrorisé.

Et ensuite ? Que se passera-t-il ?

Il réalisait que cette indécision jouerait sur l'humeur de son amant. Que le laisser ainsi, sans réelle réponse, ne lui permettrait pas d'avancer dans son existence. Que cette parenthèse si désolante allait avoir des conséquences sur le futur de la famille. Sur l'avenir de son fils. Sur Lui.

Arrivera-t-il à continuer à côtoyer le Duc, sans arrières pensées ?

Cette obsession concupiscente allait elle s'étioler et finir en cendre d'elle-même ?

Quelles seraient ses propres réactions face à Christopher ? Arrivera-t-il à rester de marbre ? Que rien ne transperce sa façade chancelante ?

Ou devait-il vivre avec panache et sans états d'âme cette aventure ?

20h00.

Cela faisait une heure qu'il était là, prostré. Dans la nuit.

Puis il le vit. Devant son entrée. Patientant. Comme si il avait senti sa présence. Il était sorti. Son visage durci par la colère. Mais aussi par l'abattement. Magnifique.

Puis Christopher leva les yeux vers l'autre côté et le vit. Une expression d'une brulante sauvagerie traversa son visage si vite qu'il se demanda s'il ne l'avait pas imaginé. Les yeux flamboyants, le Duc le toisa, arrogant et expectatif, le laissant décider. Et Sébastian en ressenti la brulure.

Le désir le submergea. Un désir incandescent, absolu, incontrôlable, un désir qui ne connaissait ni seigneur ni frontière, annihilait ses barrières et prenait le contrôle de son corps, sans qu'il puisse rien faire pour l'arrêter.

Il s'avança, doucement, d'un pas hésitant. Christopher continuait à le fixer, ne le lâchant pas du regard, comme si il savait que cet instant précieux pouvait se volatiliser en une seconde s'il réagissait d'une manière ou une autre. Immobile, le laissant prendre la pleine mesure de son acceptation tacite. Il avait compris que tout pouvait encore basculer, qu'un seul geste pouvait tout anéantir.

Il le laissa venir à lui.

Il le laissa accepter.

Son visage restait impassible, sans une once de triomphe.

Quand Sébastian fut devant lui. Il s'effaça et le laissa entrer. Sans un mot.

Le bruit de la porte qui se refermait doucement sur eux, fut pour Sébastian l'écho de son offrande et de son abandon.

6IT,!

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