J'étais tranquillement assise dans le petit salon de notre châtelet, occupée à observer les arbres se mouvoir à l'extérieur à cause du vent. Je m'ennuyais terriblement. La vie était horrible ici, rien n'arrivait, nous n'avions jamais de visite. Ah si, j'oubliais, un lointain cousin venait de temps en temps mais rien de bien grandiose. Les Chavigny étaient très connus autrefois et notre richesse était assurée pour de nombreuses générations. Mais cette période était révolue depuis bien longtemps, la lignée s'étant peu à peu éteinte. Pour dire, mon père et moi étions vraisemblablement les derniers Chavigny restants. Enfin, moi, je ne l'étais plus pour très longtemps. Nous avions perdu nos territoires un à un, au nom de petites guerres stupides entre familles rivales. Mon père disait que la cupidité avait fait des ravages à notre famille mais moi je dirais plutôt que ce fut leur stupidité, leur faiblesse. Nous n'aurions pas dû nous laisser faire, les laisser nous voler nos possessions comme un adulte volerait une sucrerie à un enfant. Un jour j'escomptais bien récupérer ce qui m'était due.
J'étais enroulée dans une couverture épaisse qui me tenait au chaud. Bien que nous fussions à la fin de l'été la chaleur était bien trop peu présente. Tout cela à cause de l'épaisse forêt qui entourait notre demeure, mêlée à la très haute-altitude sur laquelle cette dernière avait été construite. Ce château était tout ce qui nous restait, voilà pourquoi nous habitions ici. Parce qu'à cause de son emplacement si peu hospitalier, personne n'en avait voulu. Et honnêtement, je les comprenais. Je détestais cet endroit. Ces murs si épais, si gris si froids. J'avais ouïe dire que notre demeure avait la réputation d'être hantée par une multitude d'esprits vengeurs, ni plus ni moins. Je voulais partir d'ici, je voulais tellement partir de ces montagnes glacées et enneigées durant l'hiver. Mais non. Mon père m'avait gardée ici, auprès de lui depuis que j'étais toute petite. Depuis la mort de ma mère, en me donnant la vie, il s'était promis de me garder à l'abri, de me protéger des menaces extérieures puisqu'il n'avait pas pu le faire correctement pour elle. Le peu de servants que nous avions, qui la connaissaient, m'avaient dit que c'était une femme d'une grande beauté, comme moi, mais qu'elle était malade. Sa santé mentale était apparemment très fragile, au point d'être extrêmement morose pendant des semaines – voire des mois.
Mon père m'avait racontée que ma mère : Belle de Chavigny, était née à Aulance, la capitale du duché d'Aulan. Elle y avait passée toute son enfance et adolescence. Elle adorait la danse, la musique et les chansons. Elle se plaisait aux nombreux bals de la capitale ducale et n'en manquait pas un seul sauf cas extrêmes. Ma mère avait une aisance innée pour tout ce qui relevait des mondanités, si bien qu'elle fît la fierté de sa famille en se trouvant un riche héritier, qu'elle aimât de surcroit. Malheureusement, un beau jour, sa famille mourut tragiquement dans un grand incendie qui dévasta une grande partie de son quartier. Incendie criminel ou simple accident, personne ne put résoudre ce mystère. Ma génitrice s'était retrouvée sans rien du jour au lendemain, sans argent, sans effets. Ce fut à ce moment que mon père se présenta à elle, il lui demanda sa main et elle ne put qu'accepter dans son état d'extrême détresse. Je le détestais pour cela. Il l'avait privée de vivre, il l'avait privée des fêtes et des danses pour l'enfermer dans sa prison montagneuse. Pendant seize longues années je m'étais mortellement ennuyée, qu'en fût-il d'elle ? Il avait ruiné sa vie et il faisait de même avec la mienne. J'avais songé plusieurs fois à partir, m'enfuir loin de ce lieu lugubre et étouffant. Mais pour quoi faire après, pour aller où exactement ? La nature était dangereuse pour une jeune fille seule, je pourrais être à la merci des loups ou des brigands, non, cela n'était malheureusement pas une option envisageable.
Alors que je bus un thé à la menthe j'entendis mon vieux père entrer d'un pas trainant.
« Eléonore, ma fille, commença-t-il en s'asseyant sur un fauteuil non loin de moi. Je dois te parler de quelque chose d'important... »
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Courtisane
FantasyEléonore de Chavigny est la fille unique d'un noble désargenté. Désormais en âge de se marier, son père l'envoie chez le Duc d'Aulan avec tout l'argent qu'il leur reste dans l'espoir de trouver un bon parti. Plaçant toute sa confiance en sa fille, l...