Chapitre XVI

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Je ne savais pas ce que l'intendant avait dit à Athus mais cela avait étonnamment bien marché. Ce dernier avait totalement laissé de côté l'idée saugrenue de me suivre partout, il était plus que temps, me dis-je. J'avais ainsi pu respirer pendant plus d'une semaine, j'en profitai pour rendre visite à Astra quelques fois et appris lentement la magie qu'elle désirait tant m'apprendre. Cela n'était, pour ainsi dire, pas très concluant. Ce n'était pas catastrophique mais cela aurait pu mieux se dérouler. En effet, ma grande difficulté à produire quoi que ce fût à l'aide de la magie déconcerta grandement ma professeure. Nous avions essayé une multitude de sortilèges basiques comme faire apparaître une flamme ou déplacer un liquide mais rien n'avait réellement marché. Les grandes flammes se retrouvaient être de petites étincelles et je ne parvins qu'à faire vibrer l'eau. Elle ne comprenait absolument pas pourquoi je n'étais pas en mesure de réussir avec brio, elle m'assurait avoir ressenti – et toujours ressentir – une magie bouillonnante en moi. J'étais lasse de ses petits tours et j'étais très agacée par ces échecs monumentaux. Ma préceptrice supposa que ma magie fut placée ailleurs ou bien enfouie dans les tréfonds de mon âme. Excellent, je n'avais aucune idée de ce que cela pouvait signifier. Je ne prêtais pas tant d'attention à ses élucubrations incompréhensibles, je ne l'avais écoutée qu'à moitié lorsqu'elle m'expliqua tout cela.

« Cela est à la portée de tout mage novice pourtant ! Je ne comprends pas ce qui peut se passer pour qu'il y ait autant d'instabilité ! » se lamenta la sorcière expérimentée.

J'avais bien plus à penser en fin de compte ! Une lettre de ma part avait été donnée au duc pour excuser mon comportement on ne peut plus outrancier lors du souper. Je lui dis avec conviction que j'espérais sincèrement ne point l'avoir choqué par mon attitude déplacée causée par l'alcool – même si je n'avais absolument rien commis de répréhensible. Avec une écriture des plus soignées il m'assura tendrement qu'il fut entièrement responsable de ce qui s'était tramé cette nuit-là tout en joignant à son mot un présent de grande valeur : un collier de pierreries que je refusai bien évidemment ! Je n'avais donc pas à m'inquiéter et désormais je ferais la morte, il devait se languir de ma présence et de ma beauté. Adam, mon Adam, après notre fol amour je ne l'eus plus revu. Mon parfait amant avait disparu totalement sans laisser de trace. Peut-être était-il occupé ? Je n'en avais cure, je ne dépendais pas de lui, je ne lui appartenais pas et mon cœur encore moins. Peut-être avait-il été rejoindre une autre femme ? Gare à lui si ce fut le cas, je me ferais un plaisir malsain de lui arracher les yeux et les ongles un par un ; personne ne trompait Eléonore de Chavigny de la sorte. Où pouvait-il bien être ? Pourquoi était-il parti si brutalement ? Qu'est-ce qui le retenait de m'envoyer un billet ? Toutes mes pensées tournaient autour de lui, j'essayai d'y résister, je ne devais pas succomber. Je devais occulter cette nuit, la rayer pour toujours de ma mémoire et ne plus jamais y songer. Mon esprit devait s'attarder sur autre chose, quelque chose ayant plus de valeur. Moi-même. Je m'installai confortablement devant ma coiffeuse et tentai de reprendre le contrôle sur mon mental. J'étais si belle, étonnamment belle, parfaitement belle. La simple vue de mon reflet m'aida à me canaliser, cela marchait. Cela marchait jusqu'à ce que quelqu'un frappât à ma porte. Sur mes ordres Yrille fit entrer la personne et je pus apercevoir un véritable cadavre ambulant. Un teint livide, des yeux vitreux, des cernes atroces et un pas las. Nalla venait tout juste de me rendre visite et je dus me retenir de vomir devant tant de laideur. Nous aurions dit un corps mort fraichement déterré. Auparavant, lorsqu'elle était en « pleine forme » son physique laissait à désirer, là, maintenant telle que je la voyais... Ce fut une horreur sans nom. Elle m'adressa un sourire qui ressemblait plus à un rictus d'outre-tombe avant de s'assoir sur l'un de mes fauteuils sans ma permission, une fois de plus. Ma chaperonne s'enquit de mon état – comme si cela put l'intéresser – puis, voyant que je fus d'une humeur qu'elle qualifia de « radieuse », elle prit son inspiration et se lança dans un long discours :

CourtisaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant