Ma profonde léthargie fut interrompue d'une manière assez violente, si bien que je me redressai presque immédiatement. J'ouvris péniblement mes yeux mais, à mon plus grand désespoir, cela ne me servit pas à grand-chose. Je compris rapidement que je me trouvais dans un petit lit, dans la pénombre la plus complète. Les murs et le sol me furent impossibles à distinguer tant l'obscurité fut omniprésente. Où étais-je, que faisais-je donc là et, surtout, que s'était-il passé ? Je devais me lever, je devais retourner à mes appartements pour me préparer pour le bal. Je tentai de bouger et le lit sur lequel j'étais allongée, de bien piètre qualité, émit un atroce grincement. J'entendis des gens qui s'activaient non loin de moi, dans une pièce adjacente, et en une fraction de seconde je me retrouvai avec deux hommes autour de moi. La lumière qui entrait par la porte agressa mes yeux encore sensibles et je poussai un gémissement plaintif. Que quelqu'un fermât cette porte ! Le premier homme qui vint à ma rencontre portait une grande robe blanchâtre et il pria son accompagnateur de bien vouloir sortir de la pièce. Ce dernier obéit sans plus tarder aux directives qui lui furent données et, désormais seuls, l'individu en robe me demanda rapidement :
« Mademoiselle, allez-vous bien ? Ressentez-vous une douleur où que ce soit ?
— Nulle part. Où suis-je ? » répondis-je avec froideur.
J'appris bien assez rapidement que l'homme fût un guérisseur et que l'on m'eût trouvé inconsciente dans les rues d'Aulance. Un jeune homme, inquiet pour ma santé, m'avait ramenée ici pour s'assurer que je n'eusse pas été blessée. Inconsciente dans les rues ? Je ne comprenais pas comment cela avait pu se produire, je me rappelais être sortie de cette boutique et puis plus rien. Dans tous les cas, je n'étais pas blessée, j'avais juste dû m'évanouir à cause du soleil, je pouvais donc m'en aller de ce pas. Le médecin me l'interdit formellement, il se plaqua devant la porte pour m'empêcher de partir. Pour qui se prenait-il ? J'étais libre comme l'air, j'allais où bon me semblait. Il resta impassible et catégorique, je devais rester en convalescence, le temps de voir si je n'avais pas de séquelles ou de blessures non découvertes. Cela en était plus qu'assez, je n'avais pas besoin de lui pour savoir si j'allais bien ou non. Avec un regard aussi noir que la nuit je murmurai :
« Je vous ordonne de vous écarter de mon chemin. »
Son teint devenu blême, l'homme se déplaça de quelques pas et je pus enfin regagner la pièce principale de son cabinet. Je retrouvai le garçon qui m'avait sauvée en train de faire les cents pas. Il se figea à ma vue. Il n'était pas aussi beau physiquement que l'inconnu que j'avais entraperçu au manoir mais il n'était pas repoussant pour autant. J'appréciais la blondeur de ses cheveux et sa moustache fine qui lui donnait un air faussement nature. Son visage avait un air très juvénile, je lui donnais dix-huit étés tout au plus, mais il dégageait une impression d'innocence et de douceur. La blancheur de son teint et la délicatesse de ses traits le rendaient, pour ainsi dire, d'autant plus pur. Un sourire très timide, qui apparut quand j'entrai, rajouta une touche de douceur à son visage. Extrêmement droit, tel une statue de marbre blanc, le jeune homme s'approcha lentement de moi avec un paquet entre ses mains. Ma robe, je reconnus le paquet instantanément. Je l'avais complètement oubliée, quelle sotte je fis. L'inconnu s'inclina avant de me tendre ce qui me revenait de droit.
« Ethan Méter, ceci vous appartient vraisemblablement.
— Eléonore de Chavigny, en effet », lui répondis-je en faisant une révérence.
Il s'enquit maladroitement de mon état, son regard azuré fuyant le mien plus qu'envoûtant. Je le rassurai en lui disant que je ne fus point indisposée, je n'avais apparemment mal nulle part et j'étais prête à rentrer chez moi. Il tint absolument à me raccompagner jusqu'à ma demeure. J'acceptai lentement mais avant je lui annonçai que je désirai retourner sur les lieux du trouble avant de rentrer. Un petit peu réticent il finit par acquiescer tant il était subjugué par ma beauté, j'en fus persuadée. Le guérisseur n'avait toujours pas reparu, je n'avais pas de temps à perdre, ainsi nous sortîmes sans même attendre son verdict. Je n'en avais cure après tout de ce qu'il put bien penser, je me sentais bien et c'était ce qui comptait le plus. Le guérisseur où l'on m'avait emmenée se trouvait dans une partie de la ville qui m'était inconnue. Je n'avais jamais vu ces rues et ces maisons auparavant, si bien que je me laissais guider par mon preux chevalier qui m'emmena là où je le désirai. Nous ne marchâmes pas longtemps, j'étais d'ailleurs fort étonnée d'y arriver aussi rapidement. Cette ville regorgeait de tant de minuscules ruelles qui se rejoignaient pratiquement toutes. En réalité je compris bien que pour celui qui connaissait les directions par cœur, pouvait se faire transporter jusqu'au lieu de ses désirs grâce à n'importe laquelle de ces galeries. Finalement arrivés, quelque chose dans l'ambiance me fit frissonner. Le lieu était absolument désert et cela me mettait profondément mal à l'aise. Que ce se serait-il passé si personne ne m'avait trouvée suite à mon évanouissement ? Je ne comprenais plus rien, j'étais subitement très fatiguée. Cette histoire me retournait l'estomac et l'esprit. Je voulais rentrer chez moi et, ainsi, j'éclairai Ethan sur mes envies sans pour autant lui dire que je résidai là-bas.

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Courtisane
FantasyEléonore de Chavigny est la fille unique d'un noble désargenté. Désormais en âge de se marier, son père l'envoie chez le Duc d'Aulan avec tout l'argent qu'il leur reste dans l'espoir de trouver un bon parti. Plaçant toute sa confiance en sa fille, l...