Chapitre XXV

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Le jour était enfin arrivé. Trois semaines après l'annonce très inattendue du duc lors du bal mon mariage avait été prévu. J'allais épouser le neveu du comte de Virrhe en ce jourd'hui et ainsi je deviendrais la prochaine comtesse de Virrhe à sa mort – très prochaine je l'espérais. Je m'étais battue bec et ongle pour en arriver là et pour accentuer mon triomphe j'avais même invité ma rivale Holie, pour qu'elle pût voir là où son plan avait échoué dramatiquement. Cette vipère avait voulu me voler mon prétendant pour prendre ma place et accéder à la noblesse. J'avais hâte de la voir misérablement se liquéfier après l'échange de nos vœux éternels. Après tout elle ne méritait pas moins que cela, je lui portais désormais une antipathie viscérale. Je ne pouvais pas lui pardonner son affront, cela avait été inadmissible. Une simple bourgeoise avec des rêves plein la tête, des chimères que je m'évertuerais à tuer dans l'œuf. Je ne m'arrêterais pas là avec elle, non, cette garce infâme subirait encore plus violemment mon courroux dans un avenir proche, je m'en fis la promesse.

Les domestiques se retirèrent toutes de la pièce, à l'exception d'Yrille. J'étais fin prête, pendant de longues heures elles s'étaient attelées à la tâche, sans ciller une seule fois, à me rendre sublime pour ce grand évènement. Je me levai pour avoir un meilleur aperçu sur toute mon apparence. J'avais tout simplement l'allure d'une déesse, je ne le répèterais jamais assez. Ma beauté avait atteint un tel degré de perfection que j'en fus profondément émue. Et le meilleur dans tout cela fut que je n'eus pas à débourser un seul écu, mon père, pour une fois qu'il servit à quelque chose, s'était occupé de tout. Je fis un tour sur moi-même quand je remarquai ma domestique, immobile, qui me fixait avec attention. Yrille avait quelque chose et dans son regard et dans son sourire que je n'avais jamais vu à personne.

« Je pense sincèrement que vous êtes l'une des femmes les plus belles que ce duché ait vu naître, mademoiselle. »

Ma servante avait prononcé ces mots avec tant de gentillesse et de bonté que j'étais dans l'obligation de la remercier pour sa sincérité. Je ne savais pas pourquoi ces mots, à ce moment précis, firent perdre son éclat à tout ce que j'avais pu entendre toute ma vie durant. Cette femme possédait quelque chose dans son attitude, dans son être qui était inexplicable. Je ne m'en rendais compte que maintenant et cela me déconcerta au plus haut point.

« Mais, si vous le permettez mademoiselle, j'aimerais vous demander si cela est vraiment ce que vous désirez ? »

Sa question m'interloqua encore plus, bien évidemment que ce mariage fût ce que je désirasse le plus. Ce dernier m'apportait richesse, gloire et pouvoir. La châtelaine désargentée devenue comtesse, tout le monde se rappellerait d'Eléonore de Chavigny comme de la fille qui avait réussi à s'élever et à prendre en main sa destinée. Comment pouvait-elle donc douter de cela ? Sa question stupide m'agaçait, elle avait réellement le don de ruiner de tels moments avec ses interrogations stupides. Je me contentai tout simplement de l'ignorer et, devant mon silence glacial, Yrille finit par s'excuser avant de quitter la pièce. Je me retrouvai ainsi seule, totalement seule.

Un courant d'air fit s'ouvrir la fenêtre située sur ma droite avec un bruit claquant. Quelle idiote l'avait mal fermée ? J'étais entourée d'incapables, toutes plus maladroites les unes que les autres. J'allais la fermer quand, me tournant vers elle, mon sang ne fit qu'un tour. A la vue d'Adam, en chair et en os, dans la pièce je me pétrifiai. Il était vêtu très sobrement mais cela ne ternissait pas pour autant l'éclat qui lui était si propre. Une certaine froideur se dégageait cependant de son visage, pas cette froideur habituelle que je lui avais connue, celle-là était semblable à un calme mortel. Que faisait-il ici ? Venait-il me tourmenter une ultime fois ?

CourtisaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant