Chapitre VIII

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Dès que je mis le pied dehors j'eus le pressentiment que les choses n'allaient pas se dérouler comme je le voulus. L'artère était à cette heure-ci bondée et impraticable en fiacre, d'ailleurs vu la foule présente dans la rue j'étais incapable de rejoindre mon chauffeur. Pourquoi les pauvres avaient-ils tous décidé de sortir maintenant ? Ne pouvaient-ils donc pas nous laisser vivre tranquillement, nous, les nobles ? Après tout nous étions fort bien assez aimables de les laisser côtoyer – de loin, cela fut vrai – notre monde. J'étais outrée par une telle ingratitude, j'allais devoir trouver un autre chemin pour rejoindre mon cocher. Cela était tout bonnement inadmissible. J'empruntai une petite ruelle, le brouhaha du petit peuple commença à s'atténuer au fur et à mesure que je pénétrasse davantage dans ce dédale de ruelles. Le calme commençait à imposer son effroyable autorité et bien assez tôt je n'entendis plus aucun bruit. Cela m'inquiétait car, à vrai dire, je ne m'étais jamais aventurée au-delà des grandes rues, de crainte de tomber sur un voleur à-la-tire ou un meurtrier en liberté. Les malheurs horribles qui pouvaient arriver à une ravissante jeune fille comme moi étaient tellement nombreuses – même en plein jour – que le simple fait d'imaginer une telle chose me fit froid dans le dos. J'observai le décor, de grandes maisons avec plusieurs étages avaient été construites ici. Et bien qu'il y eût une multitude de fenêtre je ne perçus aucun signe de vie à l'intérieur de ces bâtisses. Occupée dans mon observation, je finis tout de même par entendre des pas derrière moi, quelqu'un se rapprochait lentement, je pressai mon paquet davantage contre ma poitrine et me retournai pour faire face à mon harceleur. Je regrettai tout de suite cet acte lorsque j'eus une vision d'horreur. Un mendiant, vraisemblablement aveugle et en très piteux état, se trouvait bien trop peu loin de moi et, depuis l'endroit où il se trouvait, je captais parfaitement son odeur plus que nauséabonde. J'eus un haut-le-cœur quand il s'approcha davantage de ma personne et mon mal être atteint son paroxysme quand, découvrant ses dents noircies, il prononça doucement :

« Z'auriez pas une p'tite pièce ?

— Ai-je l'air de posséder de l'argent ? Alors à la place de me faire perdre mon temps vous devriez chercher une profession monsieur », répondis-je avec froideur.

Je tournai les talons et continuai de m'enfoncer davantage dans les boyaux de la ville. Je l'entendis vaguement prononcer un « désolé madame » mais je n'en tins pas compte. Il avait raison de s'excuser pour avoir osé me demander de l'argent. Cela était vrai, les personnes dans son genre étaient de véritables sangsues pour nous autres, les aristocrates, qui avions travaillé durement pour en arriver là. Ce genre d'individus devrait être supprimé purement et simplement, il n'y avait aucune autre solution possible ou bien même envisageable. Complètement perturbée de m'être fait interpellée, j'arrivai, en fin de compte, à un cul-de-sac et l'ambiance n'était pas des plus chaleureuses. Les murs avaient changé et possédaient désormais une couleur se rapprochant du jaune sale. Le sol était dans un état lamentable, cela se voyait qu'il n'était jamais entretenu. Où avais-je donc pu bien tomber ? De nouveau, j'entendis des bruits de pas derrière moi. Pas encore lui, je lui avais déjà expliqué que je n'avais rien à lui donner. Pourquoi les gens avaient-ils tant de mal à comprendre ce que je pouvais dire ?

« Ne m'avez-vous donc pas écoutée ? » m'indignai-je, en me retournant.

Mais ce n'était pas le pauvre bougre de tout à l'heure. Un homme grand, bien bâti mais surtout encapuchonné se trouvait juste devant moi. S'était-il perdu ? Je m'enquis de sa présence ici mais je n'eus qu'un grognement en guise de réponse. L'inconnu sortit une dague de sa manche, une longue dague, blanche et brillante. Cela n'allait pas du tout dans mon sens, il fallait que je fisse quelque chose. Je tentai de courir pour rebrousser chemin et ainsi sauver ma vie mais il m'agrippa et me rejeta violemment en arrière. Je poussai un cri étouffé quand ma tête se heurta au mur brûlant. J'étais sonnée et bien que je visse trouble je savais qu'il s'approchait de ma personne avec un sourire narquois, je le sentis sous son épaisse capuche. Je le savais, je l'avais toujours su que cela se déroulerait mal. En un clin d'œil, il était à mon niveau, presque collé à mon corps. Je sentis ses doigts gantés caresser mon corps, remontant lentement de mes cuisses, en passant par mes hanches, mes bras et mes épaules avant de finalement atteindre mon si beau cou. Mon agresseur posa une main d'un côté, une main de l'autre et commença à resserrer sa prise. Il était en train de m'étrangler ! Je ne pouvais plus respirer, je suffoquais ! Complètement paniquée je lui donnai un coup je ne savais où, ce qui me dégagea de son emprise. Je pouvais m'enfuir et je n'attendis pas une seconde de plus pour courir en sens inverse. Je tentai – sans succès – par la même occasion de crier à l'aide mais cela aurait été beaucoup trop simple.

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