Chapitre XIV

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Depuis notre litige Athus m'avait affirmée vouloir littéralement me surveiller, faire garder ma porte jour et nui et me suivre partout où j'avais décidé d'aller. Qu'il en fût ainsi mais n'avait-il point un enfant dont il devait s'occuper ? Il était l'heureux géniteur d'un petit garçon, eussé-je entendu, je ne savais rien de son nom et pour être honnête cela ne m'intéressait en aucun cas. Je ne m'en étais pas allée voir la mère, on ne peut plus éreintée selon les dires de ma domestique. Je devais me débarrasser de ces deux parasites qui m'empêchaient tout simplement de vivre. Ainsi, excédée par ce comportement aussi irrespectueux, je décidai d'envoyer une lettre à mon paternel. Je pris ma meilleure feuille et ma plus belle plume pour coucher sur papier tout ce qui s'était déroulé depuis mon arrivée à la cour du duc. Ma rencontre avec Holie et ses adorables amies, le bal où j'avais rencontré de charmants jeunes hommes qui s'étaient décidés à me faire la cour, ma danse avec le duc ! Cela était des plus importants ! Mais surtout je n'oubliai point de conter à quel point Nalla et Athus s'étaient comportés de façon odieuse à mon égard. Je ne lésinais point sur les lamentations, les reproches, les plaintes tout en restant respectueuse, je ne pouvais me permettre de ternir mon image. Lorsque cela fut conclu, je relis ma gracieuse écriture et cachetai soigneusement la lettre puis la remis à Yrille avec quelques écus en lui intimant de trouver un messager.

Cette simple tâche accomplie, je me vêtis d'une ravissante robe jaune pâle et sortis armée de mon ombrelle. Athus m'attendait, il savait où je me rendais et tenait absolument à m'y accompagner. Cela faisait à peine une journée qu'il jouait à ce jeu-là et j'en fus déjà fort lasse. Nous marchâmes, côte à côte, dans le silence le plus complet. Je ne voulais point lui adresser de mots, il ne méritait pas mon attention, il ne méritait pas que je gaspillasse ma salive pour lui. Je me contentai de lui répondre par des petits soupirs et des hochements de tête imperceptibles. Je faisais comme s'il n'existait pas. Finalement nous arrivâmes au lieu donné : les jardins ducaux. Les filles m'attendaient, comme d'habitude, à table et j'adressai un sourire radieux et rabaissant à Athus qui devait rester bien loin derrière. Eh oui, monsieur pouvait s'amuser tant qu'il le voulait à ce divertissement mais il y avait des endroits où il ne pouvait guère m'accompagner, je tâcherais bien de lui rappeler qui commandait et qui obéissait.

« Eléonore ! Bien le bonjour ! » s'exclama Holie, comme à son accoutumée alors que je pris place à table.

On me fit parvenir une tasse de thé et quelques douceurs, je protégeai mon doux visage des rayons du soleil, ce dernier étant particulièrement agressif en cette chaude journée. Une fois de plus nous étions les seules à fréquenter les jardins ducaux. Holie aurait-elle obtenu une missive lui permettant d'interdire l'accès aux autres durant ses rencontres ? Je n'en savais absolument rien. Il me tardait d'entendre les dernières rumeurs et ragots à propos des courtisans, qui devaient être tout particulièrement intéressants avec le bal récent!

« Il se pourrait que mon père m'ait trouvée un parti digne de ce nom », commença la chef en croquant à pleines dents son petit gâteau épicé.

Devant les diverses interrogations curieuses de la table, elle continua :

« Il se nommerait Ethan Méter et son oncle serait le comte de Virrhe. Quel intérêt à épouser le neveu d'un comte me direz-vous... Eh bien cela est on ne peut plus simple ! Ce dernier n'ayant pas d'héritier direct, son très charmant neveu est le premier dans la ligne de succession ! N'est-ce donc pas formidable ? Vous êtes peut-être en train de parler à une future comtesse ! » débita joyeusement la grosse.

Je dus me faire violence pour ne pas m'étouffer avec mon thé. Avais-je mal ouï ? Ethan ? Mon Ethan ? Il m'appartenait ! Je lui interdisais formellement de s'en approcher. Comment osa-t-elle même proférer de tels propos en ma présence ? Elle n'était pas noble, son père était juste un immensément riche bourgeois, surpassant facilement celle de la plupart des nobles certes, mais en aucun cas elle était digne d'épouser un comte-en-devenir comme je le fus. D'ailleurs, ce charmant Ethan avait gentiment omis de me dire qu'il allait potentiellement devenir comte. J'étais offensée, cela était inacceptable, je me devais d'être au courant de tout ce qui se passait à la cour !

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