Comme une lumière au milieu des ténèbres, une tête connue vint à ma rencontre. Le jeune Ethan, celui qui m'avait sauvée la dernière fois. Enfin, sauvée était un bien grand mot, je me rappelais encore de la médiocrité du guérisseur chez qui il m'avait amenée. Peut-être que cette fois-ci il arriverait à me sauver de la solitude. Peut-être serait-il bon à quelque chose cette fois. Je le vis de très loin dans son pourpoint turquoise et une fois arrivé à mon niveau il s'inclina respectueusement :
« Je suis ravi de vous voir en cette soirée mademoiselle.
— Tout le plaisir est pour moi monsieur, repondis-je en faisant une révérence.
— Vous me faites trop d'honneur... Avez-vous une place attitrée ? » demanda-t-il de but en blanc.
Une place attitrée ? Qu'était-ce donc ? On ne m'en avait point parlée, ni même mentionnée l'existence alors je supposai que non. Je répondis à sa réponse par la négative et je vis son regard s'illuminer. Avec une voix d'où perçait le bonheur il me proposa de le rejoindre à la table de son oncle, là-haut. Là-haut. Il ne m'en fallut pas plus pour que j'acceptasse sa proposition. J'allais siéger là où se trouvait l'élite de la haute-société. Que pouvais-je demander de plus ?
« Avec grand plaisir monsieur Méter », murmurai-je gentiment.
Mon preux chevalier m'aida à grimper les petites marches qui menaient à l'estrade surélevée et nous rejoignîmes bien vite la table de son oncle. Trois personnes étaient attablées. Le premier était un homme vieux et gras qui me rappelait sensiblement le créancier avec son crâne dégarni et ses yeux globuleux. Cependant, l'homme ici présent possédait des vêtements d'une très rare qualité, signe d'une très grande richesse j'en fus persuadée. Il riait aux éclats avec ce que je pensais être son épouse. Un rapide coup d'œil vers cette charmante dame m'horrifia au plus haut point. Son visage fripé était sillonné de rides profondes, son nez, bien trop gros et pointu, s'arrêtait beaucoup trop près de ses lèvres inexistantes. Son regard bleuté semblait délavé et ses cheveux d'un gris souris, en revanche, étaient ramenés en un chignon parfait. Mais, au-delà de ce physique si ingrat, je reconnus que cette antiquité fut en possession de bijoux étincelants sublimes. Le couple discutait tranquillement avec, à leur côté, une enfant chétive. Son teint blême ne ressemblait en rien au mien qui était de porcelaine, le sien paraissait malade, fragile, en fin de vie. La petite était dénuée de couleur, ses cheveux et ses yeux étaient d'une clarté beaucoup trop vive pour témoigner d'une bonne santé. Décidément la vitalité ne semblait pas vouloir ressortir de cette enfant, c'en était effrayant tant elle ressemblait à un cadavre ambulant. Lorsqu'Ethan et moi arrivâmes à destination la table se tut et l'on nous regarda fixement. Mon cavalier entama les présentations, il commença par donner mon nom et mon prénom à sa famille. Or, mon cœur rata un battement lorsqu'il dénomma son oncle sous le nom de : comte Igor de Virrhe. Je dus ruser pour cacher ma stupéfaction. Son oncle était un comte ? Quelle merveilleuse nouvelle ! Comment avais-je donc bien pu douter de sa noblesse ? Avoir un commerce avec le neveu d'un comte pourrait me rapporter gros, très gros. De plus, le comté de Virrhe était le deuxième plus puissant du royaume, devant celui de Faref mais pas très loin derrière celui de Cera. Ethan finit par me parler de sa cousine, la très jeune Lusine. Au vu de l'âge de l'enfant – treize printemps – et de ses parents j'en conclus donc qu'ils l'avaient eue tard, très tard. Et à en croire l'état de la gamine la grossesse ne s'était pas exactement déroulée comme elle aurait dû. Les présentations terminées nous prîmes tous place à table. Le comte et la comtesse consort louèrent tous deux ma beauté. Mais cette vieille pie qui servait de tante à Ethan ne cessa de me poser des questions incommodantes du genre : que faites-vous à la cour ? Où viviez-vous jusqu'à présent ? Où se trouvent vos parents ? Je dus répondre à toutes ses questions sans que personne ne se décidât à m'aider, l'oncle comme le neveu. Je comptais bien retenir ce manque de foi de la part d'Ethan.
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Courtisane
FantasyEléonore de Chavigny est la fille unique d'un noble désargenté. Désormais en âge de se marier, son père l'envoie chez le Duc d'Aulan avec tout l'argent qu'il leur reste dans l'espoir de trouver un bon parti. Plaçant toute sa confiance en sa fille, l...