Je restai là, bête et incapable de bouger le moindre muscle. Je parvins néanmoins à me trouver une cachette derrière mon fiacre ; tout en pouvant observer les faits et gestes de la duchesse qui venait de ressortir du manoir. Son véhicule était merveilleusement bien construit, je fus éblouie par l'éclat de son corps doré et de la blancheur des étalons qui le tractaient. Il était très imposant et son style atypique, de forme spiralée, trahissait sa provenance étrangère. Je fus persuadée que ce carrosse était un cadeau du roi de Talvel à sa fille. Mon conducteur me fit part de son désir de partir ; et de ce fait j'étais dans l'obligation de me déplacer. Je lui lançai un regard aussi noir que la nuit. De quel droit osait-il me donner de tels ordres ? De plus, son véhicule paraissait bien misérable et ridicule, que ce fût en taille ou en forme, à côté de celui de Matildha du Thocen. Les chevaux partirent en trombe suite au coup de fouet du cocher, laissant derrière eux un nuage de poussière qui me fit toussoter en plus de m'aveugler. Son comportement était on ne peut plus irrespectueux. Malheureusement je n'avais pas de temps, je ne désirais pas que la duchesse me vît, ainsi, je me ruais vers l'entrée du manoir le plus vite possible. Cependant, alors que je fus presque arrivée, une voix féminine et cristalline m'interpella. Avant même de me retourner je sus à qui elle appartenait, la duchesse Matildha du Thocen venait de me demander et je n'avais que d'autres choix d'aller à sa rencontre.
Plus je m'approchais d'elle, plus j'obtenais une image de son physique nette et précise – et plus sa beauté grandissait. Arrivée à sa hauteur, j'étais absolument bouleversée : les autres m'avaient menti par rapport à la duchesse ! Elle n'était pas simplement belle, elle était sublime ! Son visage était fin, bien fait et surtout semblable à de la porcelaine. Nos traits étaient très semblables bien que nous n'appartînmes pas à la même famille. La duchesse était dotée d'une longue chevelure blonde et dorée comme le soleil qui faisait ressortir le bleu ciel de ses grands yeux. Sa robe m'interpella grandement, je n'avais jamais pu apercevoir de toilettes d'aussi grande qualité. Cette dernière était assortie à son véhicule et je crus véritablement que de l'or avait été brodé directement sur de la soie blanche. Certaines auraient considéré un tel choix de robe seulement pour un bal ou une festivité importante mais voici que la duchesse la portait pour une occasion banale. J'admirais son choix tout en le réprimandant amèrement. Nous étions si belles que nous marquâmes toutes deux un temps d'arrêt, se dévisageant l'une l'autre avant que mon aînée ne prît la parole :
« Où va donc cette ravissante fleur d'un pas aussi prompt et hardi ? »
Sa voix était si mélodieuse et si douce à l'oreille. J'en aurais été presque jalouse si je n'avais été parfaite. Je lui fis part de mon vif désir de rentrer dans mes appartements ce à quoi elle répondit mielleusement, tout en continuant à donner des ordres aux domestiques :
« Je vois... Et pourrais-je connaître le nom de cette demoiselle ? »
Sa manière de s'exprimer était tout bonnement étrange. Pourquoi parlait-elle de moi à la troisième personne ? Non pas que cela me déplut mais ce n'était pour autant le moins déconcertant. Je détestais cette femme, je ne la connaissais point et ne voulais pas faire sa connaissance. Je me présentai en faisant une révérence et je lui donnai mon identité avec un sourire si faux que je m'en étonnai moi-même. Matildha en fit de même. Bien évidemment que je susse qui elle était ! Me prenait-elle pour une demeurée ou une aveugle ?
« Je suis vraiment navrée mais votre nom ne me dit absolument rien, êtes-vous arrivée récemment ? s'enquit-elle en me regardant droit dans les yeux.
— Oui, je suis arrivée il y a plus d'un mois, je répondis, mal à l'aise.
— Oh, tout s'explique alors. Je vous souhaite la bienvenue à ma cour et j'espère de tout mon cœur que vous vous y plairez autant que moi », dit-elle avec une froideur que je n'eusse jamais vue.

VOUS LISEZ
Courtisane
FantasyEléonore de Chavigny est la fille unique d'un noble désargenté. Désormais en âge de se marier, son père l'envoie chez le Duc d'Aulan avec tout l'argent qu'il leur reste dans l'espoir de trouver un bon parti. Plaçant toute sa confiance en sa fille, l...