Chapitre VII

226 37 18
                                    

« Non, non et non ! Je vous dis que cela ne convient pas du tout ! » fulminai-je, on ne peut plus agacée.

Je jetai un énième coup d'œil au grand miroir face à moi. La commerçante m'avait fait essayer une immonde robe jaune pâle qui ne mettait absolument pas ma silhouette en valeur. La découpe avait vraisemblablement été faite par un manchot aveugle. La taille n'était pas cintrée et le bas n'avait aucune forme bouffante. Pour qui me prenait-elle donc ? Cette vieille pie ne m'avait montrée que des effets de plus en plus horribles. Et dire que l'on m'eût conseillée cette boutique ! En effet les filles n'avaient guère tari d'éloges sur ce commerce, en particulier Holie qui la qualifiait de « fabuleusement grandiose ». Pourquoi avais-je écouté cette truie qui ne savait pas s'habiller et ses pimbêches qui ne vivaient que pour approuver ses dires ? Cela faisait des heures je le crus que j'enchaînais les robes, les essayant toutes une par une pourtant aucune ne trouvait grâce à mes yeux. En revanche, une chose que je ne pus lui reprocher, ce fut la décoration et l'agencement de son négoce. En effet le choix des tentures murales et des meubles était de très bon goût. Comment expliquer ma déception quand je compris que les articles en vente ne furent pas à la hauteur de mes espérances.

« Mais mademoiselle, c'est la cinquante-et-unième robe que vous essayez... Que pouvez-vous donc bien leur reprocher ? » se lamenta la boutiquière.

Elle se moquait véritablement de moi. Il fallait vraiment ne pas avoir de goût ou ne pas être en possession de la vue pour ne pas comprendre cette simple évidence : elle était une mauvaise couturière. Ses broderies ne ressemblaient à rien, ce n'était vraiment pas quelque chose de mirobolant. Une employée m'aida à remettre mes effets qui, bien qu'ils fussent de piètre qualité – je remerciai mon père –, étaient bien mieux que ces chiffons hors-de-prix que je ne donnerais même pas à Yrille pour faire le ménage.

« Madame, cela est tout simple. Vos robes sont d'une laideur affolante, elles ne siéent guère pour un bal. Elles sont juste bonnes à donner à des mendiants... Et encore », crachai-je avec méchanceté.

Son regard devint subitement noir. Elle jeta toutes les robes à terre. Je l'avais vraisemblablement offensée, tant pis, je n'avais fait que dire la vérité. Son employée courait dans tous les sens pour ramasser les robes sur le sol et je vis sa patronne être au bord de l'explosion de rage. Désirait-elle ajouter quelque chose ? J'étais prête à l'écouter si elle allait dans mon sens et s'excusait pour m'avoir fait perdre mon précieux temps. Ce n'était pas parce que sa vie était désormais derrière et qu'elle en fut aigrie que je dus subir sa méchanceté gratuite.

« Jeune fille je ne vous permets pas ! La duchesse d'Aulan est venue en personne admirer mon travail, vous m'entendez ? La duchesse elle-même porte mes robes ! se justifia-t-elle tant bien que mal.

— Digne d'une duchesse ? Permettez-moi d'en rire en plus d'en douter... Je n'ai pas besoin d'une robe digne d'une duchesse, ni même d'une reine. Non. Ce dont j'ai besoin c'est une robe digne de la personne que je suis ! » rétorquai-je en la toisant de haut.

La dame devint blanche suite à mes propos. Je ne savais pas quelle fut la cause du blêmissement soudain de la femme, ma remarque sensée ou le simple fait de voir ma beauté d'aussi près ? J'avais souvent cet effet-là sur les gens, je les subjuguais sans aucune difficulté. Elle essaya vainement de me dire quelque chose mais aucun son ne sortait de sa vieille bouche ridée. La femme porta sa main jusqu'à son cœur, elle ne se remettait vraiment pas de ma beauté exceptionnelle apparemment.

« Avez-vous donc des robes dignes de ma personne ? m'impatientai-je, complètement vidée d'énergie.

— Blasphème ! Je vous prie de quitter les lieux petite sotte », m'injuria-t-elle en pointant la porte du doigt.

CourtisaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant