Et ce fut ainsi que je fus venue voir la boutiquière à la première occasion. J'avais très mal dormi la nuit précédente à cause de son message énigmatique qui était sorti de nulle part. J'avais fait venir Yrille à l'aube pour me préparer – ce qui l'étonna énormément – elle qui n'avait pas l'habitude de me voir debout aussi tôt. Je devais avoir une réponse et cela le plus rapidement possible. Je retournai dans la petite ruelle, là où la boutique se trouvait. L'artère était bondée comme à son habitude et je me dirigeai vers l'échoppe en soupirant de façon exaspérée. Je détestais être en présence des pauvres et du bas peuple, j'aurais tellement aimé qu'ils disparussent de ma vie mais non, cela n'était guère possible. Je devais supporter l'existence de ces parasites qui respiraient le même air que moi. Je poussai la porte du commerce avec le plus grand des calmes. J'exigeais une réponse, je n'aimais pas spécialement que l'on jouât de la sorte avec ma personne. Lorsque j'entrai, celle que je prenais pour Astra leva la tête vers moi et son regard s'agrandit :
« Je ne vous attendais pas si tôt mademoiselle ! » s'exclama-t-elle avec ses très longs cheveux noirs ramenés en une tresse.
J'avais donc raison. Elle était bel et bien Astra.
« Vous m'avez demandée ? je répondis simplement avec froideur.
— En effet. Je vous prie de me suivre dans l'arrière-boutique, nous y serons mieux pour ce dont nous devons... Discuter. »
Je hochai lentement la tête et Astra me fit passer derrière le comptoir pour que nous rejoignissions la toute petite arrière-boutique. Arrivées dans ce lieu exigu la femme mystérieuse murmura quelque chose que je ne compris pas, ce qui eut pour but de faire une ouverture dans le mur. Etait-elle une véritable sorcière ? Elle m'invita à la suivre dans les méandres de sa boutique. Devais-je la suivre ? Si je le faisais qu'allait-il m'arriver ? Mais si je ne le faisais, ne serais-je pas rongée par la curiosité ? Tant de questions et si peu de temps pour réfléchir. La porte de sortie était toute proche mais ce fut le cas aussi pour l'ouverture. Que faire ? Tant pis. Je la suivis, je n'avais rien à perdre et dans le pire des cas je pouvais toujours revenir sur mes pas. Nous empruntâmes un très long escalier en colimaçon, si long que je crusse qu'il ne se terminerait jamais. Nous arrivâmes face à une grande porte en bois noir, parsemé de runes à mi-chemin entre le violet et l'indigo.
« Astrae », chuchota la femme.
Ce simple mot, très proche du nom de la boutiquière, fit ouvrir la porte. C'était tout bonnement fascinant bien que je craignisse tout de même la magie de cette femme. Cela pouvait devenir dangereux et ce fut ce qui m'inquiéta le plus. Nous entrâmes dans une grande pièce de forme octogonale. Cette dernière était composée principalement de plans de travail complètement recouverts de plantes, herbes séchées et autres ingrédients inconnus. Il y avait aussi de très nombreuses étagères contenant des bocaux et des choses plutôt effrayantes. Un âtre trouvait aussi sa place avec un chaudron suspendu à un crochet et posé sur des bûches accompagné de deux fauteuils. Avait-elle pour habitude d'inviter d'autres personnes ? Je n'en avais pas la moindre idée. Cependant quelque chose d'autre attira mon attention, une petite bibliothèque de forme carrée trônait au centre de la pièce. Je demeurai ainsi, figée et observant la pièce, pendant quelques temps jusqu'à ce qu'Astra me tira de mon observation :
« Vous auriez pu m'en parler vous savez, je ne vous aurais point jugée », me dit-elle depuis un des deux fauteuils.
De quoi me parlait-elle ? Qu'aurais-je pu lui dire ?
« Je vous prie de m'excuser ? répondis-je en prenant place face à elle.
— Voyons, ne faites pas l'innocente, je connais votre secret mademoiselle de Chavigny... »

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Courtisane
FantasyEléonore de Chavigny est la fille unique d'un noble désargenté. Désormais en âge de se marier, son père l'envoie chez le Duc d'Aulan avec tout l'argent qu'il leur reste dans l'espoir de trouver un bon parti. Plaçant toute sa confiance en sa fille, l...