Chapitre VI

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Cela faisait désormais une heure que j'attendis le banquier pour notre entrevue. J'étais folle de rage, quelle personne saine d'esprit ferait attendre une ravissante jeune fille comme moi ? Son employé on ne peut plus inquiétant avec sa voix d'outre-tombe m'avait apporté de quoi me désaltérer pendant cette très longue attente. J'espérai sincèrement que l'on ne m'eût point empoisonnée. De plus pas un seul miroir ornait les murs de sa bâtisse. Comment étais-je censée m'admirer et me contempler sans un miroir ? Je n'aimais pas attendre, j'avais toujours détesté cela. Depuis toute petite mon paternel s'était assuré que l'on ne me fit point patienter. Mais bien évidemment il n'était jamais là quand j'eus besoin de lui. Ce fut d'ailleurs de sa faute à lui si j'avais été dans l'obligation de me rendre chez un banquier – qui ne respectait pas l'horaire de ses rendez-vous ! – car il s'était révélé incapable de gérer ses finances comme un adulte. Je devais me calmer et rester sereine, je ne devais pas m'abandonner à de vaines furies. J'avais trouvé cette « banque » par hasard puisqu'elle n'était – pour ainsi dire – pas vraiment mise en évidence mais j'avais tout de même pris rendez-vous la veille, combien de temps aurais-je attendu si j'étais venue à l'improviste comme la plupart des gens. J'avais besoin d'argent, mon père m'avait abandonnée et je me retrouvais sans le sou. Quelle tragédie ! Je ne méritais guère cela, j'avais été si bonne avec lui alors qu'il fut si débile. L'employé quitta la pièce sans un mot et je me retrouvais donc toute seule. Cette journée était une farce, une vaste et vulgaire farce.

Des murmures vagues et lointains attirèrent mon attention. Ils semblaient provenir de la petite porte située non loin de moi. Je ne l'avais même pas remarquée d'ailleurs. Vers où menait-elle ? Que cachait-elle en son sein ? Attendre pour attendre je décidai de ravir ma curiosité et me levai de mon fauteuil par la même occasion. Je m'approchai de la porte et pénétrai à l'intérieur de la pièce. C'était une grande bibliothèque mais personne ne semblait être à l'intérieur. La lumière du soleil passait au travers des grandes fenêtres qui ne possédaient pas de rideaux et inondait la pièce de ses rayons dorés. Les baies vitrées donnaient sur un petit bosquet, calme, paisible, cela était incompréhensible, nous étions en pleine ville ! Je tentai de comprendre comment cela fut possible mais j'abandonnai, ne parvenant pas à trouver de raisons logiques et rationnelles. Une autre chose qui provoqua mon ahurissement fut la présence de tant de livres pour une seule personne, un banquier qui plus était. Je n'étais pas du tout du genre à m'émerveiller devant la littérature mais là je dus avouer que tout de même cette collection était époustouflante. Des pans de murs entiers étaient recouverts de manuscrits, les couvertures toutes plus uniques les unes que les autres. Je restai là quelques secondes à admirer le décor. Les murmures continuaient et s'intensifiaient au fur et à mesure que je m'approchai des livres. Il y en avait tellement, pourtant un seul m'intéressa. Je m'en emparai et caressai sa couverture rouge avec d'étranges motifs qui s'entrecroisaient, semblables à du lierre sur un vieux mur de pierre. Ce livre ne portait pas de titre et quand je l'ouvris un chuchotement s'en échappa :

« Belle... La plus... Belle d'entre... Toutes. »

Puis ce fut le silence total. Je feuilletai les pages mais je ne compris absolument rien. Ce n'était pas une langue que je connus, il devait avoir été rédigé dans une langue ancienne et disparue. Un bruit provenant de la pièce principale me fit sursauter. L'employé devait être revenu de son affaire – ou peu importe ce qu'il était parti entreprendre. Je tentai de replacer le livre à sa place mais n'y parvins pas. Il ne rentrait plus dans la bibliothèque. Pourquoi fallait-il que cela m'arrivât à moi ? J'abandonnai cette idée et le posai délicatement sur une table derrière moi puis je rejoignis la sortie. Je tombais nez-à-nez avec une pauvresse en larmes. Quel était donc cet endroit où l'on laissait entrer des gens de cette bassesse comme dans un moulin ? J'étais outrée de devoir vivre une telle situation. La gueuse balbutia quelques excuses avant de s'enfuir en pleurant. Bon débarras. Je dépoussiérai ma robe et retirai tout plis que je pus trouver, je devais faire bonne impression si je désirais mener mes plans à terme. Un homme, le banquier vraisemblablement, se présenta à moi :

CourtisaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant