Silencieuse, immobile et glaciale, je n'accordais nulle attention à mon père qui se tenait face à moi et ce dernier osait à peine respirer par peur de réveiller ma furie prétendument endormie. J'avais été dans l'obligation d'organiser une entrevue en vitesse – la veille du début du tournoi de surcroît ! – avec le géniteur et l'oncle d'Ethan pour réparer son échec monumental. Je fus aussi obligée d'y inclure mon père dans le but de respecter les règles sociales mais je me serais amplement passée de sa présence si j'en avais eu l'opportunité. La rencontre avait lieu dans les domaines privés des Virrhe situés non loin de la capitale. J'étais lasse de toujours devoir le supporter, de toujours rattraper les préjudices qu'il pouvait faire à ma personne. Qu'avais-je donc fait pour mériter un tel père ? Ne s'inquiétait-il donc pas de mon sort ? Pourtant, il pouvait dire à qui voulait l'entendre à quel point il m'aimât, cela ne changeait en aucun les dommages provoqués par son incompétence. Je jetai un rapide coup d'œil plein de colère à mon père quand les vitrines des boutiques et les grandes bâtisses laissèrent place à un décor plus paysannier. Le teint plus que livide de mon géniteur couplé à ses yeux fatigués trahissait sa santé de nouveau déclinante. Peut-être allait-il mourir bientôt ? Et dire que je ne gagnerais rien lors de son trépas. Absolument rien hormis un pathétique château enneigé et une suite de domestiques que l'on pût aisément compter sur les doigts d'une seule main. Il me décevrait ainsi jusqu'au bout, je le haïssais tellement, du plus profond de mon cœur.
« Eléonore, débuta mon père, peu importe ce qu'il puit advenir à l'issue de cette rencontre je souhaite juste que tu saches qu'en plus d'être une jeune fille ravissante tu es ma plus grande réussite, et cela ne changera jamais. »
Je ne répondis pas et ne le regardai même pas. Il devait comprendre que jamais je ne lui pardonnerais le tort qu'il m'eût fait. De plus cela ne servait à rien de me dire ce genre de choses au milieu du trajet. Il doutait de ma capacité à réussir, j'en étais persuadée. Je n'en avais cure car une fois que j'aurais obtenu ce que je désirais du plus profond de mon âme j'oublierais l'être inutile qu'il incarnait. Chassant ces pensées je me concentrai plutôt sur ma tactique pour faire consentir le père d'Ethan à notre mariage. Je pouvais facilement le séduire pour le mettre de mon côté, l'asservir pour qu'il fût le plus heureux à l'idée de ces épousailles. Plus une seule parole ne fut prononcée de tout le voyage et nous arrivâmes bien vite à destination. Mon père, manquant d'une très profonde courtoisie, descendit le premier pour « m'aider » à descendre. Le cocher aurait très bien pu s'en charger lui-même, il n'avait pas été engagé pour rien. Réarrangeant ma chevelure j'observai le paysage et la grande demeure qui nous faisaient face. Elle était très simple, trop simple, beaucoup trop simple. Les pierres grossières dont la résidence était faite contrastait grandement avec la récence des maisons les plus riches de la capitale. Elle ne me rappelait que trop bien le château, la prison que j'avais fuit il y avait presque deux mois de cela ; si bien que l'on pouvait facilement douter qu'une famille comtale passât une partie de ses étés chaque année, ici. Une infinité de grands arbres entourait ce lieu et je déduisis que sa conservation était en partie grâce à la cachette qu'ils lui fournirent – en plus de sa proximité avec Aulance. Nous n'eûmes pas besoin d'attendre longtemps mon père et moi pour qu'un valet, armé d'une épée, vînt à notre rencontre. Il nous escorta aimablement, comme un bon laquais, jusqu'au lieu de rendez-vous.
Ce lieu me mettait mal à l'aise, je n'aimais pas les souvenirs bien trop déplaisants de mon enfance qu'il ravivait dans mon esprit encore sous l'emprise de la cour ducale et de ses loisirs. Nous restâmes au rez-de-chaussée et rejoignîmes une grande pièce après avoir traversé un grand couloir. Arrêtés devant une lourde porte en bois, le valet entra avant d'annoncer notre arrivée.

VOUS LISEZ
Courtisane
FantasyEléonore de Chavigny est la fille unique d'un noble désargenté. Désormais en âge de se marier, son père l'envoie chez le Duc d'Aulan avec tout l'argent qu'il leur reste dans l'espoir de trouver un bon parti. Plaçant toute sa confiance en sa fille, l...