Noyée dans les propos de la veille, je fais le ménage. Je m'imagine plusieurs scènes; et s'il meurt... Je chasse toutes ces pensées négatives et me concentre dans ce que je fais. Je sors les vêtements de la machine et pars les étendre sur la terrasse. Je prends mon courage à deux mains et monte les quelques marches qui me séparent de lui. Il est assis sur le balcon, perdu dans ses réflexions. Il ne remarque pas ma présence. Je le sens vraiment ailleurs, dans une autre galaxie. J'étends le linge tout en l'observant du coin de l'œil. Quand il est dans cet état, c'est difficile d'avoir une conversation avec lui, il préfère s'isoler voire se couper de la réalité quelques jours. J'aime pas cette situation. Toutes les embûches par lesquelles nous sommes passés ne battent pas son silence.. le voir complètement débranché me fait un pincement au cœur.
Malgré mon regard insistant sur lui, il ne se démonte pas et reste dans son monde. Je prends mes affaires et descend vaquer à mes occupations. Avant de reprendre mon ménage, je pars dans ma chambre pour appeler mes parents pour savoir comment va mon prince. Bizarrement, personne ne décroche. J'insiste pas plus, peut-être qu'ils dorment. Il rentre dans la pièce, prend ses clefs de voitures sur la table de chevet, s'assoit sur le lit, enfile ses chaussures et s'en va sans m'adresser la parole. Wallah, son silence me tue, j'en ai eu une boule au ventre. Je réagis pas sur le coup, c'était trop violent. J'attrape mon voile et sors pieds nus à l'extérieur. Il s'apprête à prendre sa voiture mais il s'énerve sur la portière qui ne veut pas s'ouvrir. Ne remarquant pas ma présence, je pose ma main sur la sienne pour l'aider. Il m'envoie valser comme une inconnue.
- Tu vas où ?
- Hâlim : Je bouge.
- Où ?
- Hâlim : Je reviens.
- Pourquoi tu me parles sèchement, tu sais très bien que ça a le don de m'énerver ! Je sais que par rapport à la nuit dernière, tu te sens mal, mais c'est pas une raison pour te comporter avec moi comme si j'étais une simple étrangère. Je suis ta femme, j'ai des droits sur toi, et je veux savoir où est-ce que tu vas. Imagine que tu perds connaissance sur la route. Je veux pas que tu sortes.
- Hâlim : Voilà ! Voilà ! C'est ce genre d'action que j'veux pas ! J'veux pas être un poids, ni un fardeau. Si t'as pas remarqué, je suis pas handicapé, j'ai encore tous mes membres qui fonctionnent. J'ai besoin de prendre l'air, j'étouffe dans cette merde.
- Cette merde, c'est chez nous.
- Hâlim : Ce chez nous me pèse, j'peux ? S'insurge-t-il en ouvrant la portière.
- T'en a rien faire de ce que je te demande ?
- Hâlim : Tu cherches la p'tite bête pour me prendre la tête Hâyat. Je suis un grand garçon, je me suis toujours débrouillé, hassoul, je préfère bouger pour pas me ze3ef pour rien.
- C'est la meilleure, maintenant je te prends la tête. Merci de me le dire si gentiment.
- Hâlim : Arrête Wallah !
- J'agite le drapeau blanc... murmurai-je calmement. S'il te plaît rentre à la maison, je veux pas qu'il t'arrive quelque chose en chemin. Ce qu'il t'es arrivé hier, peut arriver au volant. S'il te plaît.
Le moteur gronde. Il me lance un regard furtif et sors du domicile familiale sans prêter attention à ma demande. Mon mal être du fait qu'il se comporte comme ça s'est transformé en agacement. J'observe la voiture se faire bouffer par la route. Il disparaît en une fraction de seconde. L'étriper, pour qu'il meurt de mes mains, m'est monté à la gorge. Je rentre en priant pour qu'il ne lui arrive rien de mal. Mes idées sont paradoxales, c'est dingue ! Son entêtement le mène toujours dans des tunnels sombres, humides et vides. Peut-être que ces quelques heures tout seul le feront réfléchir, du moins j'espère.. surtout qu'il ne lui arrive rien. Faire le ménage n'est plus devenu ma principale occupation ; je pars dans la chambre. J'enfile des vêtements, mets mon voile à la va vite et sors.
Sur la route vers l'arrêt de bus, j'entends une voiture klaxonné. Au départ j'ai pas calculé pour la simple et bonne raison que les gens klaxonnent pour un rien. Un deuxième coup de klaxon attire ma curiosité. Sandra. Ma petite infirmière. Une amie et sensiblement une sœur. Elle se propose de m'emmener, ni une, ni deux, j'entre dans son véhicule.
- Merci, tu me sauves la vie Wallah. Mais tu venais à la maison ?
- Sandra : De rien, je suis pas ton amie pour rien, dit-elle en esquissant un sourire. Oui je venais te rendre une visite de courtoisie vu que ça fait longtemps qu'on s'est pas captées. Je suppose que tu pars récupérer le petit ?
- Oui chez mes parents.
- Sandra : Bah c'est partie !
- C'est vrai que ça fait un moment que je t'ai pas vu. Où est-ce que tu te cachais ?
- Sandra : Tout simplement à l'hôpital. J'avais beaucoup de boulot, ceci explique cela mais aussi j'ai rencontré quelqu'un.
- Tu rencontres souvent des gens.
- Sandra : Non mais.. un homme.
- Un.. un homme ?
- Sandra : Je me suis occupée de sa petite sœur à l'hôpital.
- C'est un patient en plus ?
- Sandra : Sa sœur roh ! Il venait souvent rendre visite à la petite et je le voyais souvent, on a sympathisé. Il est très gentil. Je crois que c'est lui, chuchote-t-elle.
- Ton destin ?
- Sandra : Oui. Je me suis toujours dis qu'un jour je rencontrerais un homme, dès la première seconde il y aura un feeling et c'est le cas avec lui. Il m'a proposé plusieurs fois d'aller manger un bout avec lui mais je refuse. Je sais pas. J'hésite. Et si je me trompais ? Je sais même pas ce qu'il pense de moi.
- S'il t'invite, c'est qu'il est pas insensible à ton charme, dis-je en rigolant. Selon moi, il cherche à en savoir plus sur toi par l'intermédiaire de ce rendez-vous. Je peux pas en être sûr parce que je le connais pas, mais pour être fixer faudrait que tu prennes ton courage à deux mains. Il s'appelle ?
- Sandra : Enzo.
- Attends... Sandra, Enzo ça sonne pas mal.
- Sandra : Arrête de me charrier, je suis en stresse.
- Si tu penses que c'est un homme bien, cherches-en plus sur lui, gratte tous les infos que tu peux pour ne pas te tromper.
- Sandra : Je vais voir... Bref, assez parlé de moi. Comment va ton mari ?
- On était à l'hôpital hier mais il va bien.. enfin j'espère. J'ai pas vraiment envie d'en parler.
- Sandra : Tu sais que tu peux compter sur moi pour n'importe quoi ?
- Oui, t'inquiète pas.
- Sandra : Je prends à droite ou à gauche ?
- À gauche.
Je rentre dans mon quartier d'enfance. Ici, les secondes, les heures, les jours, les saisons passent, cependant rien ne change. Vivre loin de là où j'ai grandi me pèse quelque fois, je culpabilise à l'idée de ne pas être à ma place sous mon propre toit. J'ai pas été élevé avec une cuillère en or dans la bouche, on a toujours fait ce qu'on pouvait pour survivre dans notre cité. Parfois c'était dur, parfois c'était drôle, parfois c'était asphyxiant mais on a toujours levé les mains au ciel et dit « Al Hamdûllillah » La vérité, j'ai manqué de rien. Le principal je l'avais en ma possession ; l'amour de mes parents. Ils m'ont fait grandir et apprendre quelles sont les vrais valeurs de la vie.
L'éducation qu'ils m'ont inculqué m'a permis de ne pas être de ceux qui glorifie et invoque l'argent. Ils m'ont enseigné le fait de ne pas être ladre, individualiste et méprisante. Des principes de vie qui se voit galvauder aujourd'hui, au gré des saisons. C'est triste à dire mais la colonisation de certains produits et technologies ont assassinés des enseignements fondamentaux. De la France d'en haut, à celle d'en bas, on ne jure que par les billets. Les uns sont avares, les autres s'autorisent à mettre le couteau sous la gorge des banques; la règle est simple ; tu ne nous donnes pas, on le prend. Ce sont des causes à effets qu'on étouffe pour ne pas les contester ! La loi du silence est pire que la loi du talion.
Je remercie Sandra. Dans sa voiture je ne le montrais pas, mais l'anxiété qui me corrode de l'intérieur n'a pas cessé de croître. Ce stresse est à l'échelon le plus élevé. Hâlim est vraiment le seul à réussir à me mettre dans tous mes états. Je grimpe les marches deux par deux, pressée de retrouver mon petit. Je frappe à la porte, sonne, frappe, sonne. Hafid m'ouvre. Mon petit frère a bien grandi. Il est habillé d'une barbe qui l'embellit de ouf, à chaque fois que je le vois, j'ai l'impression d'avoir à faire à mon père plus jeune. J'entre, le chèque rapidement, enlève mon voile et pars chercher mon amour. Ils sont assis tous ensemble au salon. Junior est sur les genoux de mon père tandis que ma mère visionne la TV. Les salamalecs fait, je me dépêche de retrouver les deux hommes de ma vie.
- Mon bébé !
Il saute sur moi. Il m'a manqué mon petit prince. J'embrasse son front. Il s'amuse à me faire des bisous sur la joue. Je deviens tout gaga devant cet ange. Le voir me purifie de tout angoisse. Brutalement il s'est dégagé de mes bras. J'ai compris en voyant l'autre 3afrite avec des bonbons. Hafid l'aime tellement qu'il fait tout ce qui est possible pour l'avoir dans sa poche. D'ailleurs, il est toujours en compétition avec Rachid, ze3ma parce que Junior a un oncle préféré et donc chacun veut être cet oncle.
- Hafid : Comment il m'aime ce gamin.
- Tu l'achètes oui. Je veux pas que tu lui en donnes trop.
- Hafid : Tranquille. Tiens bonhomme.
- Baba : T'es pas venu avec Hâlim ?
- Maman : C'est vrai je me demandais, il est où ?
- Sortie.
- Maman : Dans son état ?
- Oui.
- Baba : Vous vous êtes disputés.
- C'est pas moi, il..
- Baba : Hafid emmène le petit dans ta chambre.
- Hafid : Dès qu'elle est là, on m'éjecte.
- Jaloux.
- Hafid : Moi, jaloux de toi ? Dans tes rêves. Viens bonhomme.
- Baba : Ta main est où ? dit-il en cherchant ma main.
J'attrape sa main.
- Baba : Je sais pas ce qu'il s'est passé soldat, mais les disputes, je te le dis tout le temps, c'est pas une bonne chose surtout quand on a un enfant. Quoi qu'il est pût se passer, vous devez apprendre tous les deux, sans distinction, à vous parler convenablement. Quand il y a un désaccord, parlez ! La meilleure chose dans une relation c'est le dialogue benthi.
- Je sais mais il..
- Baba : Je t'ai jamais entendu déballer les défauts de ton mari, je veux pas l'entendre aujourd'hui. Une femme c'est la gardienne de l'honneur de l'homme qu'elle a épousé. T'es ma fille, je sais que tu vas m'écouter. Cependant, tu peux tout de même le faire un peu tourner en bourrique, comme ça il comprendra qu'on rend pas ma petite fille anxieuse pour rien, dit-il en affichant un sourire malicieux.
- Maman : Souleymane !
- Baba : Je plaisantais... mais elle peut le faire quand même un peu juste pour la rigolade.
- Maman : Souleymane..
- Baba : Tu vois ce qu'elle exerce sur moi ? Ça s'appelle le pouvoir de la maîtrise. Dis-moi Hâyati, elle fait quelle tête en ce moment ?
- Celle qui te fera plus ton plat préféré pendant un bon bout de temps ! m'exclamai-je en éclatant de rire.
- Baba : Hâyati, écoute pas ton vieux père, il raconte que des sottises.
Il essaie de se rattraper tant bien que mal, il meurt pour les bons plat de mama. Je rêverais atteindre le sommet de l'amour et le respect qu'ils se portent, c'est incroyable ! Rare sont les fois, où je les ai entendu se prendre la tête en face de nous. Ils nous ont toujours préservé de ce genre de choses. Deux êtres qui m'ont tant appris. Je prends mon père dans mes bras et le remercie pour tous.. non pas que pour ce qu'il m'a dit, mais pour son courage, sa bonne volonté, sa générosité, sa patience et son amour. Chaque enfant a besoin à un moment ou à un autre de sa vie d'un père, mais malheureusement, la plupart d'entre eux n'ont donné que leur nom et ont disparu de la surface de la vie familiale. J'admire le combat des mères seules qui se reconstruisent pour le bonheur de leur enfant. Si un jour je devais être l'une d'entre elles, je ne pense pas avoir le quart de leur constance.
Je papote puis mange chez mes parents. En parallèle, j'ai essayé de joindre mon mari, mais je tombe directement sur son vieux répondeur qui sert à m'exaspérer. Je sais même pas s'il lui est arrivé quelque chose... faut pas que je pense à mal. Je me reprends en me rappelant les propos de mon père. Non mais ! Depuis qu'on est mariés, j'ai appris beaucoup sur lui et l'une de ses grandes maladresses est de disparaître soi-disant pour se requinquer. Le vrai problème c'est que je ne sais jamais quand est-ce que je le retrouverais comme avant.
En fin d'après-midi je décide de rentrer à la maison, avec l'espoir qu'il soit là. J'embrasse mes parents. Junior s'amuse une dernière fois avec ses grands-parents et on prend la porte sous l'escorte de Hafid. Ce dernier a les yeux braqués sur son portable en plein écriture de message. Il a l'air tellement concentré, qu'il a failli loupé une marche. Son neveu se moque de lui avec une pugnacité hors pair. J'installe le petit à l'arrière. Hafid actionne le moteur en m'attendant ; il a l'air ailleurs. Il a véritablement grandi, c'est devenu un homme avec un grand H. Je nous revois marcher en direction de l'école, subir les différentes moqueries, se soutenir mutuellement, l'accompagner aux lycées avant d'aller au restaurant de Mohamed. Les souvenirs allument leur phare à l'instar d'un diaporama.
- On peut y aller.
- Hafid : Ouais.
- J'imagine que tu penses à la fille au suçon ?
- Hafid : Ahcheum Hâyat !
- Je te connais comme si je t'avais fais p'tit frère. Je sais pertinemment que c'est la honte pour toi de parler de femme avec moi, ta grande sœur, mais à un moment donné faut prendre la charrue avant les bœufs et dire les choses comme elles sont. Ça date mais je m'en rappelle comme si c'était hier de cette histoire de suçon. J'suis pas revenue à la charge parce que maman et baba t'ont donné leur entière confiance, j'suis ta sœur, mais en réalité personne pour te dicter ce que tu dois faire. La seule chose qui me ronge c'est qu'avec cette fille tu commettes une bêtise.. pour info, je vous ai vu ensemble une fois dans le parc en pleine discussion. Je ne sais pas qui elle est, ni votre relation mais réfléchis bien à ce que tu fais Hafid. Les faux pas ont un goût amer.
- Hafid : C'est une fille bien, juste un peu perdue, mais c'est une fille bien.
- Elle est quand même très tactile comme fille.
- Hafid : C'est une histoire ancienne. Wallah, je l'ai jamais touché.
- Je sais. J'oublie pas qui t'a élevé, dis-je en souriant. Je veux juste que tu fasses attention.
- Hafid : T'inquiète.
- Je peux au moins savoir son prénom ?
- Hafid : Laïla.
Arrivée à la maison, je lui demande s'il veut rentré, il décline l'invitation en m'expliquant qu'il doit aller voir quelqu'un ; j'ai pas besoin de me faire des films, je sais qui il va voir. Je le mets une dernière fois en garde.. oui, je suis une sœur oppressante mais quand il s'agit des miens, je peux pas faire abstraction, j'y arrive pas. Il part en nous saluant de la main. Junior court dans le jardin pour arriver le premier devant la porte, ze3ma on fait la course. Comme d'habitude c'est le gagnant. Essoufflée, je passe ma main dans sa chevelure.
J'insère la clef dans la serrure mais la porte s'ouvre d'elle même. En y entrant, il n'y a absolument pas une mouche. Je laisse le petit devant la TV et pars dans la chambre. La pièce est sens dessus dessous. Des vêtements jonchent le sol.. plus précisément ses vêtements. Il joue à quoi ? Je m'assois sur le lit, prends mon portable et le rappelle. Je me surprends même à lui laisser des messages sur son répondeur. Las, je lance le téléphone sur le lit, ensuite, pose mes deux mains sur mon visage. Me connaissant, je vais craquer ! Je ravale mes larmes. Je sens une main tirée ma jupe.
Hâlim. Il me regarde avec une lueur envoûtante dans les yeux ; les mêmes que ceux de son père. Je l'assois sur mes genoux. Brutalement, il enroule ses petits bras autour de mon cou. Je tombe sur le dos sur le lit. Mon petit prince. Je l'aime. Je comprends à présent, l'amour que ressent ma maman pour nous. Cet amour filial qui est capable de briser des montagnes. Je comprends mieux pourquoi Allah a sacralisé la mère. Cet enfant, je l'ai porté à l'intérieur de moi durant des mois.. les contractions ont été douloureuses.. je donnerais ma vie pour ce petit être. Il est tellement innocent, qu'on a envie de le bouffer. Dans un élan d'euphorie, je le chatouille. Après ce petit moment de tendresse, il prend ma main et m'emmène dans sa chambre pour jouer. Il me file une de ses voitures. On commence une course dans toute la maison. Habituellement, je perds mais cette fois-ci j'ai été la meilleure. Il rouspète. Du haut de ses quatre ans, il fait parti de ceux qui détestent perdre.
- Je t'ai dis quoi Hâlim ?
- Junior : On gagne pas toujours mais.. rien. Papa il est où ?
- Il est sorti.
Pour ne pas prolonger la conversation, je l'emmène dans la cuisine prendre un goûter tandis que je me mets au fourneau. Pendant toute la cuisson, je réfléchissais à où est-ce que son père est parti, ce qu'il peut bien faire. Dans mon crâne c'était un film de ouf qui se déroulait jusqu'à me couper. J'avais pas remarquer, c'est en touchant du sel que j'ai senti une douleur à mon index. Je suis partie rapidement me désinfecter le doigt et le bander. La cuisson terminée, je prends le petit et l'emmène sous la douche. Il déteste, mais quand je dis détester c'est au plus profond de son âme, si j'ose dire, laver ses cheveux. C'est sa bête noire à ce petit, j'ai jamais compris pourquoi. J'en perds souvent mon sang froid ; et donc la session ''grondage'' commence. Il faut un minimum dix minutes de négociation avant qu'il n'accepte. Un chenapan. Je le mets en pyjama. On retourne dans la cuisine pour qu'il mange. Je le regarde dévorer son assiette. Pour ma part, la faim n'est pas au RDV. Il finit. De son plein gré, il se dirige dans la salle de bain pour brosser ses dents. Je l'observe attentivement. Pour finir, je le laisse quelques minutes devant un dessin animé. En attendant, je pars dans ma chambre, ranger tout le bordel de son père. Je ramasse ses vêtements et les plie. Je range le tout dans l'armoire.
Les heures défilent, Junior s'est endormi, et Hâlim n'a toujours pas mis les pieds dans la maison. Je me ronge les ongles en essayant de l'appeler, toujours ce fichu répondeur !!! à chaque fois que j'entends mon portable faire un bruit, je sursaute par peur qu'on m'appelle pour m'annoncer une mauvaise nouvelle. De temps en temps, je me lève pour regarder par la fenêtre en espérant le voir traverser notre portail. Une bombe gratte l'amitié dans mon ventre. 00 h 03.. ; 00 h 20.. ; 00 h 24.. les heures s'embrouillent à m'en éclater le cerveau. Sans crier gare, la faim me tiraille le ventre mais j'ai pas la force d'avaler quoi que ce soit. Il sait très bien que je supporte pas quand il se coupe du monde.. et de moi de cette manière. Je sais pas il peut quand même donner signe de vie ! Les idées dans ma tête sont sans base établi, ils s'embrouillent comme des forçats enchaînés. Pour éviter de pleurer, j'éteins la lumière du salon, puis pars dans la chambre de mon fils et m'assoit sur une chaise. Je l'épie dormir comme si c'était la première fois.. dans l'espoir de voir son père surgir. Mes paupières sont en feu, elles battent de l'aile.
Finalement, j'entends la porte s'ouvrir. Je sors de la chambre en vitesse. La lumière s'allume. J'ai directe mis ma main sur ma bouche pour ne pas crier de peur ou d'horreur. Il est amoché ; j'exagère un peu mais pour moi c'est tout comme ; son arcade est saignant. J'ai pas pu me contenir, les larmes ont coulées toutes seules. Je pars dans notre chambre reprendre mon souffle, toujours cette main sur ma bouche, j'ai l'impression que quelqu'un m'étrangle. C'est comme une espèce de crise d'angoisse que j'évite d'extérioriser par peur que mes hurlements réveillent le petit. À la place du cœur et du cerveau, c'est Bagdad qui prend place.
Après une bonne vingtaine de minutes à me morfondre, j'essuie hargneusement mes sanglots, et pars le retrouver. J'avale difficilement ma salive en le voyant assis sur la table, un pied sur une chaise, le regard dans le vide. Je vais dans chercher de quoi nettoyer le sang et le panser. Je rassemble toutes mes forces pour ne pas craquer à nouveau. Sans rien dire, je dépose tout à côté de lui. J'attrape violemment sa mâchoire pour voir sa blessure à l'arcade. Je la nettoie. Ses traits se crispent ; une perle a roulé, puis une autre, je les laisse tracer leur chemin silencieusement. Ça fait un moment que j'ai pas pleuré aussi abondamment. Je tombe nez à nez avec ses phalanges abîmées. Il me regarde avec insistance, j'évite de lever les yeux. Je lui colle le pansement. Il essaie d'essuyer mes larmes mais je recule. J'attrape une assiette et le sert. Je renifle comme une gamine. J'abandonne son assiette sur la table.
- Hâlim : Tu me nourris pas ? dit-il naturellement.
- T'as des mains, utilise-les comme tu l'as fais en te battant.
- Hâlim : J'ai rien fais de mal. On a juste fait un match avec des potes et c'est partie en cacahuète.
- Tu te fous de moi j'espère. On était à l'hôpital, il y a à peine 24 heures et toi tu t'amuses à te taper avec des potes ? Je t'ai appelé toute la journée Hâlim ! Toute la journée ! Si tu veux redevenir le clochard du départ, ce sera sans moi !
- Hâlim : Ça veut dire quoi ce que tu viens de sortir ?
- Mon père m'a dit de dialoguer avec toi mais Wallahi ça sert à rien. T'en fais qu'à ta tête ! Je comprends que tu sois inquiet, je comprends que t'ai peur, j'ai toujours tout compris Hâlim.. mais là je vois pas du tout où tu veux en venir en redevenant un sauvage. Je t'ai demandé de pas partir, t'es partie. Je t'ai appelé, tu m'as pas répondu. Regarde à quelle heure tu rentres ! Fais ce que tu veux maintenant, de toute façon mon avis ne compte plus !
- Hâlim : Arrête de jouer la forte tête Hâyat, arrête ! Tu sais très bien ce que je pense. Arrête de pleurer, je supporte pas. Je veux pas me ze3ef sur toi.
- Non je sais pas figure-toi ! Si tu veux plus m'entendre, reprends la porte, elle est grande ouverte. Salem.
- Hâlim : Si je dois la prendre cette porte, je le ferais, sans problème, t'inquiète même pas ! Tu sais quoi je vais partir comme ça tu me les casses plus avec tes conneries ! ouais t'as raison barre-toi et va chialé dans ton coin ; putain, tu rends ouf !
L'arrière-goût âcre de ses derniers mots m'ont achevé. J'ai cru ressentir l'impact d'une balle en plein cœur. Même la lapidation m'aurait pas fait autant de mal. Je pars dans ma chambre et glisse sous mon lit. J'étouffe mes pleures comme une petite fille. Nos disputes ont toujours ce même effet étouffant sur moi.
Je suffoque sous le drap donc je m'installe sur le bord du lit. Mes mains empoignent les draps ; j'ai mal au cœur. En sentant son poids sur le lit, je me lève. Je pose ma main sur la poignée de porte pour sortir, mais au même moment il a enroulé son bras droit autour de mon cou suavement. Sa main se pose sur mon cœur. La boîte de pandore à imploser dans mon ventre. Mes yeux évacuent son flot de peine.
- Hâlim : J'ai raconté que de la merde tout à l'heure.
- Lâche-moi.
- Hâlim : Je sais que j'ai merdé, j'aurais dû t'appeler ou heja du genre.
- T'as voulu être seul ? Moi aussi je veux l'être maintenant. Laisse-moi tranquille, laisse-moi, répétai-je en sanglotant.
Il me retourne pour m'avoir face à lui. J'essaie de sortir de son emprise en vain. Comme une gamine, je le pince pour qu'il me lâche. Il finit par s'avouer vaincu sans vraiment l'être puisque je recule. Il avance. Je finis par me cogner la tête contre la porte. Son regard est perçant. J'en ai le cœur qui chahute. Il essuie mes larmes. Il tente des approches mais je l'envoie littéralement chier. Je le pousse pour pouvoir partir mais il m'embrasse furtivement. Malgré tout ça, mon corps a frémit. Il se détache de moi. Je retente la même chose. Il m'embrasse à nouveau en descendant ses mains jusqu'à mes hanches. Cette fois-ci, mon cœur a répondu à l'appel. Nos souffles se sont additionnés. Sans détacher ses lèvres des miennes, on se déplace. J'ai entendu quelque chose tombé ; la lampe de la table de chevet s'est fracassé au sol. Complètement obnubilé par ce baiser, on est tombés sur le lit. Les cloches de l'amour ont tinté intensément.
Allongée, face à face, on s'observe quelques minutes dans un silence de mort. Il caresse mon bras.
- Hâlim : J'te préfère calme.
- Tu m'énerves Wallah.
- Hâlim : Tu veux que je fasse quoi encore pour me faire pardonner ?
- Tout simplement que t'arrêtes ton comportement de gamin capricieux.
- Hâlim : J'avais besoin de m'aérer l'esprit. Mon corps il suit plus Wallah. Depuis mon passage à l'hosto, t'imaginer sans moi me trotte dans la tête. Pour moi, y a pas de Hâlim sans Hâyat, ça existe pas ! C'est une dinguerie impossible à voir dans le futur ! T'es ma femme... la mienne. T'es ma petite princesse. Je te vois pas dans les bras d'un autre s'il m'arrive heja. Mes lèvres, mon souffle sont tatoués dans ta peau et vice-versa. C'est égoïste parce que j'existerais plus mais t'es à moi Hâyat, rien qu'à moi. Même avec un autre, tu verras que ma gueule, Wallah que tu verras que moi, répète-t-il en affichant un sourire. Je veux pas qu'Il me prenne tout de suite. J'ai encore plein de truc à t'offrir...
- Arrête de parler comme ça tu me fais peur. Tu m'as pas menti pour me rassurer hein ?
- Hâlim : Le jour où je te mentirais, j'aurais un pied sous la tombe. Depuis qu'on se connaît je t'ai jamais fais avalé des bobards, ça continuera jusqu'à la fin.
- Tu peux arrêter de parler comme un condamné ! À chaque phrase, la mort, la mort, la mort.. ça me fait froid dans le dos, juste d'y penser...
- Hâlim : On sait pas de quoi demain est fait. Arrête de tirer la tronche Hâyati.
J'arrive plus à lui faire face, il me fait peur quand il parle comme un moribond. Je lui fais dos. Je veux pas éclater à nouveau en sanglot, je vais finir par m'assécher. Il sort du lit pour aller sûrement prendre une douche. Plongée dans le noir, je réfléchis. C'est vrai qu'il est ancré dans chaque parcelle de mon corps, de mon cœur et de mon âme. L'amour que je lui porte est incommensurable. Il est l'homme de ma vie. Le père de mon fils. Il revient après une dizaine de minutes. Vêtue du drap je me déplace à mon tour vers la salle d'eau. Je reste pas longtemps par peur de réveiller le petit.
J'enfile un long t-shirt, passe vérifier si Junior dors bien et retourne dans notre chambre. Hâlim épie le plafond avec une hardeur de loup. Je l'observe en séchant mes cheveux avec la serviette. Je ramasse la lampe qu'il a laissé livré à lui-même au sol. Puis, j'éteins la lumière. Je m'allonge littéralement sur lui. Il me serre de toutes ses forces en déposant un léger baiser sur mon front. Je niche ma tête dans son cou ; son parfum est enivrant. Je susurre plusieurs je t'aime à la suite sortie tout droit de mon cœur apeuré. Je pose finalement ma tête sur son torse tandis qu'il m'encercle de ses bras. Je ferme les yeux en attendant que Morphée vienne me prendre.
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Hâyat - « Destin enflammés, cœurs carbonisés.»
General FictionL'homme aux milles facette, deviendra l'antibiotique de ce cœur carbonisés. Je ne suis pas l'auteur de cette histoire je tient juste a partager cette magnifique histoire car pour moi elle mérite d'être lu par tous le monde . J'ai bien sur demandé l'...