Chapitre 2

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« Qu'est-ce qu'il fabrique ici ? » dis-je avec de grands gestes qui remplaçaient les cris que j'aurais voulu pousser.

— Calme-toi, Eris, me dit Pierrick. Je le cache ici pour lui sauver la vie. Tu préfèrerais que je le laisse mourir ?

« D'où est-ce que vous vous connaissez, d'abord ? »

— C'est un musicien des rues, répondit mon frère.

— Je joue de la guitare, ajouta l'homme en montrant son instrument, qui était posé par terre à côté du lit.

— On s'est rencontré un peu par hasard, on essayait d'attirer les touristes dans le même coin, on a mangé quelques fois ensemble et puis on s'est bien entendus, c'est tout.

Le métier de mon frère était de conduire les pousse-pousse, ces vélos avec une charrette derrière, pour les touristes d'un bout à l'autre de Paris. Son patron avait embauché ainsi tout un groupe de jeunes, qu'il payait trois fois rien pour pédaler toute la journée. Pierrick devait souvent se retrouver à tourner en rond en attendant des clients. Il était compréhensible qu'il fasse connaissance avec d'autres personnes des métiers à touristes.

« Mais, tu te rends compte de ce que tu fais, en l'amenant ici ? repris-je. Tu as pensé aux chasseurs de primes ? »

— C'est justement pour le sauver des chasseurs de primes que je lui ai proposé de venir ici ! s'emporta Pierrick.

L'homme semblait gêné et dérouté à la fois, parce qu'il ne comprenait rien de ce que je disais. J'entendis des pas derrière moi, et vis par-dessus mon épaule que ma mère entrait dans la chambre. Elle portait une chemise de nuit très large et ses cheveux étaient en bataille. Elle jeta sur nous trois un regard d'abord endormi, puis paniqué.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle à Pierrick avec inquiétude.

Comme mon frère ne savait pas quoi dire, je tapai sur le bras de ma mère pour qu'elle se tourne vers moi et commençai à tout lui expliquer. Elle non plus n'avait pas été mise au courant de ce que faisait Pierrick.

— C'est juste pour une nuit, intervint le proscrit. Désolé de vous faire faire tant de soucis.

« Tu te rends compte que s'ils arrivent à retrouver sa trace, ils risquent de nous tuer tous ? » dis-je à Pierrick.

— Qu'est-ce qu'elle dit ? s'inquiéta l'étranger.

— Rien, le rassura Pierrick en me toisant du regard. Eris, je t'assure que j'ai la situation en mains.

Puis il ajouta, dans une langue des signes un peu maladroite, de façon à ce que l'autre ne le comprenne pas :

« S'il y a le moindre souci, je t'assure que je te protégerai avant lui. »

« S'il y a un souci, je ne suis pas sûre que tu sois en mesure de protéger qui que ce soit », rétorquai-je.

— Qu'est-ce que... commença le dénommé Grégory.

— Arrêtez de vous disputer bêtement, intervint ma mère. De toute façon, il ne peut pas repartir si tard. La porte sera fermée à clé cette nuit, personne ne pourra entrer. Alors allons tous nous coucher, et nous en reparlerons demain matin.

Sur ces mots, elle adressa un dernier regard noir à Pierrick et m'incita à sortir de la pièce avec elle. Je toisai mon frère et son ami sans un mot avant de la suivre.

*

Je ne dormis pas beaucoup cette nuit-là. Mon sommeil était entrecoupé de réveils en sursaut, angoissée de ce que tout cela pourrait entraîner. J'étais recroquevillée sous ma couverture pour me tenir au chaud, et pourtant je ne pouvais pas m'empêcher de frissonner. J'avais peur. Peur du danger dans lequel mon frère avait précipité toute la famille, et peur d'être la seule à me faire autant de souci.

SilenceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant